France
Réalisatrice
Baden Baden
Entretien avec Rachel Lang
Vous avez encadré une sorte de chaos – la vie d’Ana au moment où le film démarre, tout ce qui se passe en elle – dans une forme très architecturale. Vous ouvrez le film sur un choix esthétique radical, un plan-séquence de quatre minutes sur son visage de profil, au volant.
Je voulais que ça dure, qu’on comprenne qu’il y a quelqu’un sur le siège arrière, mais qu’on ne sache pas qui c’est ; qu’on aille quelque part, mais qu’on ne sache pas où et qu’on découvre Ana dans cet état de stress, dans le carcan de ce travail qui ne lui convient pas, dans ce monde qu’elle ne connaît pas, dont elle ne comprend pas les enjeux et les codes.
Je fonctionne beaucoup à l’intuition. Quand j’écris une scène, une image s’impose directement. Je vais au plus simple, au plus efficace, à ce qui est pour moi une évidence, pas une posture de radicalité. En ouvrant le film avec un « plan-séquence de quatre minutes », j’espère au contraire que je disparais. Je ne suis pas un démiurge tyrannique qui impose une forme à la vie. C’est la vie qui doit prendre et gagner à l’intérieur de ce cadre, par cette forme.
Ana sort de la voiture pour se faire engueuler par un personnage de la prod, ça se décadre légèrement, Ana est toujours là, dans le coin. On la voit par la porte ouverte, l’homme qui hurle a la tête coupée. Le plan-séquence continue. La singularité de la forme quand même est très affirmée.
C’est un choix. Mais ce n’est pas dogmatique. Le début du film nécessitait qu’on soit d’emblée dans l’empathie avec le personnage et dans la forme du film. On doit avoir envie de suivre Ana tout de suite. Il fallait un moment fort, un moment qui se prolonge. Ça ne marchait que dans une certaine durée. En terme de montage, c’est vertigineux. On enlève dix images au début, ça change tout le ressenti du spectateur. On a essayé de raccourcir. Mais ça ne durait pas assez longtemps avant de se prendre la claque. La claque était gratuite. Toute cette durée, c’est un véritable enjeu, et cela s’est joué au montage.
Baden Baden est rythmé par des images très géométriques, beaucoup de lignes droites parallèles.
C’est l’architecture qui manque dans la vie d’Ana. Je pose un cadre rigide dans lequel elle va pouvoir se mouvoir, être molle ou tendue, rester ou sortir. C’est aussi l’essence de son projet. Pour elle, construire une douche c’est apprendre à mettre de l’ordre dans le bordel de la vie, trouver un sens, une architecture, un moyen de poser des marches pour avancer, créer des chemins. Du point de vue cinématographique, il y a un travail sur la forme pour faire avancer le fond, ce que le film peut dire. Mais je suis très peu théoricienne, ça me vient plus d’un instinct esthétique que d’une volonté d’affirmer une forme. Je pioche dans ce qui m’a fait. Ma soeur est architecte. Quand elle était étudiante, on a beaucoup visité de bâtiments en famille. Mon père est peintre et sculpteur, le cadre, la composition, les rapports, les proportions, c’est lui. Il a éduqué nos yeux à la forme. Il nous a appris à regarder.
Quand vous écrivez, vous voyez.
Quand j’écris, je vois la scène d’un endroit précis. Une image d’un endroit et pas plusieurs axes. Après, en fonction des repérages il y a des choses qui changent, mais par exemple, pour tous les plans-séquences, on a fait d’autres plans pour se couvrir, des plans dont je n’avais pas envie, dont je ne savais pas trop quoi faire. Finalement les plans utilisés, ce sont ceux que j’avais en tête dès l’écriture qui se sont affinés et confirmés sur le plateau. Je fais confiance à ce que je vois, et j’aime travailler la gestion du temps, du rythme, avec les comédiens dans une durée continue, sans multiplier les axes.
Beaucoup de choses fonctionnent par contraste.
Pour parvenir à faire ce portrait d’Ana, je m’appuie sur des paradoxes, une chose et son contraire, la géométrie et le chaos, des moments très denses, d’autres très dissolus, un rythme contrasté. J’avais le désir de faire un film d’état, qu’on en ressorte avec une sensation et pas forcément avec une histoire. On passe un été avec ce personnage qui se construit, avec ceux qu’elle rencontre. On ressort avec une sensation et je voulais qu’on sente se dessiner en pointillé le portrait d’une jeune femme. La gestion du temps est essentielle. Dans un scénario, on essaie de mettre en place quelque chose qui marche, qui avance tambour battant, un récit qui permet au lecteur de ne pas s’ennuyer, or, dans la vie, quand tu cherches, il y a toujours des moments un peu plus mous, d’autres plus vifs, il y a des différences de rythme et ça, j’avais envie que ça apparaisse, que tous les blocs qui composent le film soient bruts, que ce soit leur somme qui nous amène quelque part, parfois avec un coup de poing, parfois avec une absence, un petit rien, de l’anecdotique, du pas grand-chose mêlé à de l’existentiel. C’est aussi un film sur la démesure. Le contraste entre un gros splash de ketchup sur une assiette de petits pois carottes et une vie fragile en train de se dessiner, ça m’intéresse.
Vous disiez qu’Ana est construite par l’ensemble des personnages qui l’entourent.
Oui. Les personnages secondaires n’ont rien de secondaire, ils construisent le personnage principal, Ana. C’est plus une vision du monde qu’une vision du cinéma. On est le résultat des rencontres qu’on fait. Pas grand-chose d’autre. On n’existe pas tout seul. Brecht a dit que la plus petite partie de l’humanité n’est pas un homme, mais deux.
Vous vous amusez beaucoup avec les archétypes. Dans la société et dans le cinéma. Surtout du côté du féminin. Il y a une entreprise de destruction du sex-symbol de cinéma.
C’est un film contemporain avec des gens de 2015. Ce n’est pas militant, ça me vient de la vie. Je voulais qu’Ana soit brouillon, souillon, pas sexy, habillée comme un sac. Pas une star de cinéma. Quelqu’un de la vraie vie. Et c’est elle, mon héroïne de cinéma.
Dès le premier plan, vous montrez la tache de naissance qu’elle a sur le visage.
Oui. Ana est une vraie personne, pas un fantasme.
Ana couche avec l’homme de sa vie et aussi avec son meilleur ami. Elle rote, elle dit « File-moi ton 06 » à Amar qu’elle vient de rencontrer, elle conduit une Porsche…
Ça m’amuse. Il y a une histoire de frontière qui pour moi, n’est pas acceptable. Les hommes, les femmes, c’est un truc qui m’a toujours gavée. J’ai toujours préféré grimper aux arbres, faire de la lutte, courir, et jouer aux agents secrets. Et pour ces raisons, enfant, il a fallu passer par « moi aussi je suis un garçon, j’ai de la force et je sais me bagarrer ». Pour être pris au sérieux, dans la vie en général, il vaut mieux être un garçon. Je porte ça depuis toujours. Pour moi, la frontière n’a pas lieu d’être. Elle est trop restrictive. On est beaucoup plus complexe que ce qui nous est imposé par un genre.
D’où aussi cette chanson, Unisexe.
Oui. C’est tellement plus gai pour tout le monde, pour les deux sexes, de pouvoir passer de l’un à l’autre, de pouvoir avoir les avantages des deux. Ana peut être hyper midinette, tomber amoureuse du type qui la fait souffrir, être la dernière des cruches, le stéréotype de la fille amoureuse qui ne voit rien et aussi dire à un mec « File-moi ton 06 » ou conduire à 200 km/h sur l’autoroute.
Il y a trois grandes figures masculines autour d’elle.
Boris, c’est l’amour passionnel, il est toxique pour elle ; Simon, c’est le meilleur ami, il est toujours disponible, il est attentionné, complice ; et Grégoire, c’est l’amoureux transi qui ne se dévoilera qu’au risque de se prendre un râteau. Ce sont plusieurs possibles. Il y a aussi Amar, celui qui se laisse difficilement apprivoiser, très secret, qui intrigue Ana. Il a fait un choix radical, elle admire sa force, qui semble contagieuse. On sort de Baden Baden en direction d’Aubagne, grâce à lui.
Les trois autres hommes sont des archétypes travaillés, et je joue avec ce qu’ils représentent. Amar est une rencontre furtive, mais elle va résonner longtemps pour Ana.
Ana a une relation particulière avec Mira, sa copine costumière.
Mira n’entre pas dans la catégorie Ana et les hommes, mais c’est un possible de plus qui gravite autour d’elle. J’avais envie d’un personnage sensuel, rayonnant, joyeux, ce qu’Ana n’est pas, quelqu’un qui peut la tirer vers le haut, une histoire d’amour ou d’amitié potentielle. C’est un de ces personnages qui peut faire gagner Ana en joie.
Gagner en joie ?
J’ai eu un électrochoc avec Spinoza à l’âge de 19 ans. Être actif, être passif, ce sont deux états. Tu gagnes en joie quand tu essayes de comprendre les rapports entre les choses et d’agir sur les mécanismes. Les affects de tristesse rendent passifs, esclaves, on subit. Gagner en joie c’est entrer dans un tourbillon actif, comprendre ce qui est bon et mauvais, ce qui va faire augmenter ta puissance d’agir. Il s’agit aussi de permettre au spectateur de gagner en joie en comprenant les passions tristes qui font du mal à Ana. Arrêter de subir, devenir actif, gagner en joie.
Mira est une femme, donc ça ouvre une nouvelle porte, ça crée une ambiguïté sexuelle dans le personnage d’Ana.
Ce sont tous des individus avant d’être des représentants d’un sexe, c’est ce que je vois d’abord. Mais oui, ça efface encore une frontière dans les codes, ça élargit le champ des possibles.
Le film a une dimension très clairement féministe.
Je ne suis pas du côté du discours, mais de la vie. En 2015, ça ne devrait plus être un sujet. Je ne supporte pas, moi, que le fait d’être une femme m’empêche d’être ou de faire ce que je veux. Il faudrait qu’on arrive à fabriquer des utérus artificiels pour que les hommes puissent porter les enfants, eux aussi, c’est surtout ça, ce qui nous débarrassera vraiment du devoir qui nous incombe à nous, projeter notre vie dans ce rythme-là.
La famille est un thème important dans Baden Baden. Beaucoup de petites scènes viennent circonscrire ce que vous montrez sur la famille, aussi bien du côté de l’amour que du côté de la névrose.
Ana est dans la démesure et dans le flou. Cette mère qui essaie de la cadrer, c’est un pendant. Ana obéit à une impulsion qui lui commande de faire le contraire de ce que voudrait sa mère. Baden Baden est une comédie. J’ai construit des personnages de comédie. La mère, c’est un cadeau pour ça ! Le père aussi, mais avec la distance de l’humour, il extrémise tout seul sa névrose. Il accuse la grand-mère d’Ana de s’être balancée par terre exprès pour lui pourrir ses vacances.
Votre père et votre mère sont à l’image. C’est un choix fort aussi.
Ça leur fait des cachets de figu, ça arrondit leurs fins de mois ! Plus sérieusement, je leur suis très reconnaissante de l’éducation, de l’amour qu’ils m’ont donné. J’ai commencé en filmant mon père en train de sculpter. Je filmais des séances de pose avec un modèle. On est une famille assez famille. Tout le monde fait participer tout le monde à ses projets. Mon frère, conducteur de travaux, et ma soeur, architecte ont construit un atelier pour mon père. Mes parents ont joué dans Les Navets Blancs Empêchent De Dormir parce que c’est un chouette truc à faire ensemble. Là, il y a mes parents, mon frère et ma soeur qui font de la figuration. Une fois qu’on ne vit plus ensemble, si on n’a pas de projets communs on ne fait plus rien ensemble.
Il y a des tableaux de votre père dans l’appartement de Boris.
Oui. Il y a trois toiles : des Iris, l’Oncle Claude, et un champ de Colza. Il y a aussi une sculpture que j’aime beaucoup, une tête de chien.
Vous inscrivez votre oeuvre dans la sienne.
Toujours cette logique du faire ensemble. En réalité, je prends un pourcentage sur les ventes futures des oeuvres que je place dans mes films.
La charnière adolescence-âge adulte, c’est aussi une des lignes directrices du film. Vous avez l’impression que le passage à l’âge adulte qui se déroule dans le film, c’est un processus dans votre vie ?
Oui. C’est un moment qui est de plus en plus long, j’ai l’impression. Il arrive de plus en plus tard aussi. C’est compliqué pour notre génération de trouver une place dans le monde, de savoir qui on est, pourquoi on est là, où on va. Il me semble que tout le monde vit ce processus, plus ou moins tout le temps, avec des temps de répit plus ou moins longs. C’est un état qui est susceptible de revenir régulièrement, qui est riche – heureusement qu’on cherche et qu’on expérimente.
Mais ce côté existentiel est très fortement lié au côté politique pour moi. Notre génération a du mal à se projeter dans cette vieille Europe, où il est difficile de rêver à une histoire à construire ensemble. Si on prend l’exemple de l’Amérique du Sud, l’énergie y est différente, tout est en construction et en mouvement, tout est en devenir.
J’ai eu le sentiment que vous faisiez un film sur quelque chose que vous étiez en train de vivre d’une certaine manière… Et que le processus de fabrication, l’écriture, le tournage, le montage participaient à ce passage-là…
Ah oui… C’est possible. Aujourd’hui je sais où je vais, comment et pourquoi. C’est plutôt il y a dix ans que j’ai vécu cette période dans ma vie à moi, cet état de recherche de sens. En même temps, c’est mon premier long métrage, c’est nouveau, c’est une recherche.
Donc, vous n’êtes plus dans le passage de l’adolescence à l’âge adulte pendant que vous fabriquez ce film.
Non. En même temps, j’ai fait une grosse crise d’adolescence au montage. Au bout de dix semaines, alors qu’on arrivait à ce qu’on cherchait, je suis partie totalement en roue libre, j’ai dit : « Non on déconstruit tout, on va faire un film punk mal élevé. » Ça a duré une semaine. Crise d’adolescence. Je me suis teinte en blonde, je trouvais tout nul. Après je me suis calmée. C’est encore frais pour en parler, mais ça devait faire partie du processus de maturation, un retour vers ce personnage d’Ana, une envie de revivre quelque chose.
Il en reste quelque chose de cette déconstruction, dans le résultat final ?
Il reste sûrement des traces de ces bravades et de ce côté mal élevé. C’était un passage nécessaire.
Donc c’était vraiment une crise.
Oui, c’était assez vertigineux.
Dans Baden Baden, il y a des moments de rêverie éveillée. Ce plan de Boris et Ana qui marchent nus dans la jungle, dans la serre tropicale. Qu’est-ce qui vous a amené à tourner ça ?
La serre c’est le côté idyllique, joli, qui en même temps peut s’avérer très dangereux – attention il y a un tigre derrière le palmier – et je trouvais que ça correspondait bien aux vues de l’esprit qu’on peut se construire ; c’est un stéréotype produit par le côté midinette d’Ana qui retombe amoureuse du même mec, ils sont nus, tout va bien, il n’y a plus d’identité sociale, de « problème social de crédibilité » (cf discussion Ana-Simon), ils repartent à zéro. On sent qu’il y a une histoire lourde, mais elle veut retomber dans l’illusion, se dire que ça va être formidable.
Les images dans la serre évoquent esthétiquement les vidéos de Boris qu’on découvre dans l’expo, non ?
Oui, c’est comme si Ana pouvait, elle aussi créer une matière, par ses rêves éveillés, qui soit à la hauteur du travail artistique de Boris, de l’idée qu’elle s’en fait. Et comme Ana ne sait pas ce qu’elle veut faire de sa vie, que Boris réussit, je trouvais ça drôle qu’Ana ramasse les gravats avec sa balayette dans la salle de bains juste après la visite de son expo. C’est d’ailleurs celle d’un ami plasticien et cinéaste, Clément Cogitore, qui tournait à ce moment-là en même temps que moi son premier long : Ni Le Ciel Ni La Terre.
Parlons de ce plan surréaliste, à la fin, où Ana est assise sur un siège au milieu du bassin rempli d’eau. Ce plan vient en lieu et place de l’avortement.
L’avortement, c’est un vrai choix, c’est à peu près le seul qu’Ana fait pendant le film.
Beaucoup de choses se mêlent dans ce plan. Le bassin évoque le travail d’Amar et le chantier de la salle de bain avec Grégoire, le siège rappelle la grand-mère, l’hélicoptère, Boris. D’où vient l’idée de mettre ce plan à la place de l’avortement ?
Je n’allais pas montrer un avortement. Je trouvais que ça n’avait pas grand intérêt. Je voulais rendre compte du remous, montrer la somme de ce qui a mené Ana à cet événement. C’est aussi pour casser le rythme et ne pas donner au spectateur ce qu’il attend, poser une question supplémentaire au lieu d’apporter une réponse.
Et vous finissez face à la chapelle de Ronchamp, qui a été conçue par Le Corbusier.
Je voulais finir devant une oeuvre d’architecture, quelque chose qui ne soit pas une petite salle de bain, une petite douche ; quelque chose d’impressionnant, de monumental ; quelque chose qui dépasse, une ouverture, une trouée… Mais pas pour le côté religieux. D’ailleurs on a gommé tous les symboles religieux de l’édifice.
Boris et Simon ont un corps d’ado. Grégoire a un corps d’homme. Ana fait l’amour avec les deux qui n’ont pas encore vraiment basculé. On est encore dans la charnière adolescence-âge adulte.
Il ne fallait pas que Boris et Simon aient l’air plus vieux qu’Ana. Or Salomé paraît très jeune. Grégoire c’est comme un double pour Ana. Donc ce n’est pas vraiment possible d’avoir une relation amoureuse avec lui, ni même amicale et sexuelle, comme elle peut l’avoir avec Simon.
Vous aimez tirer la comédie du drame.
La comédie n’est jamais loin derrière le drame. L’outil cinéma permet de vivre une situation dramatique en direct et de voir comment on peut la désamorcer en direct. C’est un ressort narratif, ça permet de ne pas se répandre, de ne pas s’étendre. On manque de cet outil dans la vie de tous les jours.
Tout repose sur l’idée d’un ailleurs possible où on ne partira jamais. Le titre déjà.
Baden Baden c’est une ville d’eau. Il y a une métaphore filée avec la construction de la douche. Et puis Baden Baden, c’est rebondissant et mystérieux. La musique du titre me plaît. Rebondissant parce que ça m’évoque une balle qui rebondit, mystérieux parce que ça ne raconte rien d’évident, que c’est le titre, mais qu’on n’ira jamais. C’est une fausse piste, une promesse non tenue. Pendant longtemps en écriture, le titre étaitSeule comme une baignoire, et puis à force d’entendre dire que ça faisait un peu film français « chiant comme un bidet », ça a changé.
Tout le début du film est dans un ailleurs, aussi. On ne sait pas où on est, ça parle anglais, puis flamand. Pendant les dix premières minutes, on n’est pas dans un film francophone, contrairement à ce qu’on attend.
J’avais la volonté de perdre Ana dans des langues qu’elle ne maîtrisait pas, de la fragiliser, et du coup, le spectateur est déstabilisé dans ses attentes. J’aurais dû ajouter une autre langue, l’hindi par exemple, quelqu’un qui débarque sur le roof top et parle hindi, ça aurait été encore plus comique.
Affirmer, c’est très important dans votre identité de cinéaste. On retrouve ça déjà dans vos courts métrages. Je me mouille, je fais des choix tranchés et je les assume.
Ce n’est pas un endroit où je peux faire des concessions. J’affirme. C’est ça la vie. C’est comme ça que je le vois.
Il s’agit donc pour vous de trouver des moyens de cinéma pour rendre compte de ce qu’est la vie.
Oui. Voyager, se poser des questions, créer un cadre qui nous permette de vivre, de sortir vivants de ce qui nous arrive. C’est plus facile à montrer avec des choix tranchés. Ça maintient le spectateur en éveil. C’est ce que j’aime quand je suis spectatrice. Être un peu bousculée et avoir en même temps de la place pour faire mon chemin.
Notes de production