Corée du Sud
Réalisateur, scénariste
Joint Secutity Area, Sympathy for Mister Vengeance, Old Boy, Lady Vengeance, Mademoiselle
Entretien avec Park Chan-Wook
Comment le livre est-il devenu votre nouveau film ?
Il s’est passé la même chose qu’avec Old Boy. Le producteur Syd Lim est tombé sur le livre, me l’a fait lire et m’a demandé ce que j’en pensais. Je suis sûr que tous les autres lecteurs ont ressenti la même chose, la première partie du roman m’a complètement pris par surprise. Non seulement ça, mais je suis aussi tombé amoureux du style précis et vif de l’auteure. J’ai surtout choisi cette histoire parce que les deux femmes au centre du récit semblaient très réelles. L’une a un passé sombre et l’autre a un présent désespéré, cependant il se dégage des deux une grande individualité et beaucoup de charme.
Dans le roman, l’histoire se déroule à l’époque Victorienne. Pourquoi l’avoir transposé pendant la colonisation japonaise dans les années 1930, plutôt qu’à un autre moment de l’Histoire Coréenne ?
Pour des raisons pratiques. En réfléchissant à une société où la noblesse existe encore, ainsi que le métier de servante, où un personnage collectionne des objets rares, etc., cela semblait le bon choix. C’était une époque où certains aspects traditionnels demeuraient mais où la modernité commençait à prendre le dessus.
Vous attachez toujours beaucoup d’importance aux décors ?
La maison est un espace important. Kim Hae-Sook dit au début, « Même au Japon, on ne trouve pas de maison qui allie les styles occidentaux et japonais. Elle reflète l’admiration de Maître Kouzuki pour le Japon et l’Angleterre. » Donc quand des personnages entrent dans les appartements de style japonais, ils doivent retirer leurs chaussures et lorsqu’ils traversent l’aile de style occidental, ils doivent les remettre. La personnalité de la maison est un élément important. La chambre de Hideko se situe dans l’aile occidentale, par conséquent elle dort dans un lit et mène la vie d’une Lady. À l’inverse, la chambre adjacente de la servante est de style japonais – Sookee vit dans un oshiire, une sorte de placard dans lequel on range les futons et les draps.
L’espace le plus important en termes de décors est la bibliothèque. L’extérieur répond au style de l’architecture japonaise traditionnelle, mais à l’intérieur il s’agit d’une bibliothèque occidentale. On y trouve aussi des tatamis qui, durant les lectures, se transforment en jardin japonais avec des galets blancs, des pierres et de l’eau. Les jardins japonais sont censés reproduire le monde en miniature (les montagnes et les rivières, les lacs et les forêts), donc le fait que Kouzuki le déménage à l’intérieur est comparable à la création d’un nouveau monde à l’intérieur de son propre royaume.
Les mouvements de la caméra dans l’espace sont étonnants. Pouvez-vous nous en parler ?
La maison est grande et il y a peu de personnages dans cet immense espace vide. Par ailleurs, dans la première partie, nous voyons de nombreuses scènes du point de vue de Sookee et de celui de Hideko dans la seconde. Tout le long, il y a une sorte de « jeu de regards » dans lequel quelqu’un regarde quelqu’un d’autre, ou ignore quelqu’un, ou se doute que quelqu’un le regarde. Cette dynamique s’exprimait parfois mieux dans des gros plans et à d’autres moments par des mouvements de caméra.
Au début je voulais tourner le film en 3D. Habituellement, on l’utilise pour les films de science-fiction ou d’action, mais j’ai pensé que ce serait intéressant de l’utiliser pour ce genre de drame. La 3D aurait fait ressortir le point de vue de chaque personnage. Finalement, nous n’avons pas pu le faire pour des raisons financières, mais je crois que les mouvements de caméra se substituent aux effets que j’aurais souhaité.
Pourquoi avez-vous utilisé un objectif anamorphique ? J’ai entendu dire que la décoratrice a dû construire un plateau plus grand pour s’y adapter.
Avant le tournage, j’ai longuement parlé de l’objectif anamorphique avec le directeur de la photographie. C’était l’un des luxes que nous pouvions nous offrir tout en tournant en numérique. Pour moi, la pellicule est toujours supérieure au numérique et, si j’avais le choix, je tournerais sur pellicule. Mais en tournant en numérique, nous avons pu nous permettre d’utiliser un objectif anamorphique. J’ai une affection particulière pour les films tournés avec ce type d’objectif et mon directeur de la photographie était intéressé par l’idée de combiner un objectif ancien et une caméra numérique. L’image ainsi créée est assez unique et me semblait adaptée au décor d’époque.
Avant le tournage, vous avez donné des CD à écouter aux acteurs et à l’équipe. Quelle était votre intention ?
Ce n’était pas parce que j’avais l’intention d’utiliser la musique dans le film, mais plutôt pour permettre aux acteurs et à l’équipe de ressentir l’atmosphère qui se dégagerait du film une fois terminé pendant qu’ils se préparaient. Il y a également les dessins du story-board, mais puisque la musique permet également de créer une ambiance, je leur ai donné trois CD à écouter.
Pendant le tournage, le jeu de Ha Jung-woo vous a t-il surpris ?
Pas tout à fait car pour mes films je sais ce que je veux, mes directions sont assez précises. Je ne suis pas le genre de réalisateur qui donne un scénario à un acteur en lui disant, « Débrouille-toi. » Par rapport à d’autres réalisateurs, je donne aux acteurs un très petit espace de travail, mais il arrive que des acteurs très talentueux parviennent tout de même à s’y exprimer d’une façon qui me surprend vraiment et, avec Ha Jung-woo, c’est arrivé à plusieurs reprises.
Dans un entretien, vous avez déclaré que les éléments humoristiques utilisés dans certains de vos films ont bien marché. Qu’en est-il de Mademoiselle ?
Dans ce film, l’humour provient du fait que les personnages cachent leur véritable identité et jouent la comédie. Dans de nombreuses scènes, ils cachent leurs sentiments et pensent quelque chose de très différent de ce qu’ils disent. Même si les spectateurs n’éclatent pas de rire dans la salle de cinéma, je pense qu’ils apprécieront ce genre d’humour tout au long du film.
Pouvez-vous décrire Mademoiselle en quelques mots ?
C’est un thriller, une histoire d’arnaqueurs, un drame ponctué de rebondissements surprenants et plus que tout, une histoire d’amour.