Miranda July (Kajilionnaire)

Miranda Grossinger est née le 1er février 1974 dans le Vermont

USA

Musicienne, actrice, scénariste, écrivaine, réalisatrice

Moi, toi et tous les autres, The Future, Kajillionaire

Après The Future, sorti en 2011, il a donc fallu attendre neuf ans pour découvrir son troisième long métrage, qui était en compétition cette année au festival de Deauville. « Mais je ne suis pas seulement réalisatrice ! » s’insurge-t-elle gentiment en visioconférence sur Zoom, après avoir rencontré le public deauvillais à travers l’écran de son ordinateur. « Je suis aussi une écrivaine

[son roman Le Premier Méchant est paru en 2016 chez Flammarion, ndlr], et j’ai joué plusieurs mois dans une pièce, mais aussi organisé des expos en tant qu’artiste, et eu un enfant ! » s’amuse-t-elle derrière ses lunettes de vue type aviateur et sa grosse mèche bouclée qui lui mange le front. « J’ai fait le plus vite que j’ai pu pour écrire ce nouveau film mais finalement, huit ans se sont écoulés… »

Ce film, c’est donc Kajillionaire, « un mot que pourrait dire un enfant pour désigner une personne très riche », explique-t-elle, et qu’elle pense avant tout « comme deux histoires d’amour : une qui brise le cœur, entre des parents et des enfants, et l’une qui est plus joyeuse, entre les deux héroïnes ». En arrière-plan une peinture économique et sociale peu réjouissante de l’Amérique dans laquelle nos trois, et bientôt quatre (anti)héros vivent de menus larcins et de minables arnaques pour parvenir à subsister dans un Los Angeles hostile aux plus précaires.

Miranda July, 46 ans, s’est installée il y a vingt-cinq ans dans cette ville tentaculaire, après avoir grandi au sein de la très progressiste et intellectuelle ville de Berkeley, en Californie, élevée par des parents écrivains auprès de qui « il était très important de se tenir calme, afin qu’ils puissent travailler. Ce n’étaient pas comme les parents d’aujourd’hui, qu’on appelle les “parents hélicoptères”, prêts à bondir sur leurs enfants dès qu’ils rencontrent un problème. On a inventé notre propre monde, mon frère et moi. Il m’a construit une maison de poupée, aménagé des endroits pour jouer dehors, dans le jardin »…

En grandissant, elle commence à écrire des pièces de théâtre, puis se met à jouer dans un club punk local, avant de s’installer à Portland où elle se rapproche du mouvement musical Riot Grrrl qui émerge là-bas au début des années 1990. C’est à ce moment-là qu’elle crée un système de distribution de films uniquement pour femmes : le projet Big Miss Moviola, rebaptisé ensuite Joanie 4 Jackie. « J’ai voulu créer ce mouvement quand j’ai réalisé que je ne connaissais pas de filles comme moi qui réalisaient des films, alors que j’en connaissais qui jouaient dans des groupes ou qui écrivaient dans des fanzines. Je me disais : comment je peux me penser en tant que réalisatrice si je suis totalement seule ? Et je ne l’étais pas. J’ai ainsi rassemblé et pu partager des centaines de films. »

Si l’accès à l’indépendance des femmes par l’art est une question essentielle dans son travail, la précarité est aussi une thématique qui l’habite et irrigue son engagement. En 2017, elle a ainsi créé quatre différents « charity shops » – un bouddhiste, un juif, un musulman et un catholique – à l’intérieur d’un magasin Selfridges à Londres, l’équivalent anglais de nos luxueuses Galeries Lafayette, avant de commencer le tournage de Kajillionaire, pour filmer ces dingos galériens.

Aujourd’hui, elle constate : « C’est une période terrible pour le métier de réalisateur aux États-Unis car, à cause du coronavirus, nous devons encore rester à la maison, avec les écoles fermées… Mais ce serait encore pire si nous n’avions pas nos téléphones et le streaming ! La technologie nous aide vraiment. Et tant mieux, car je pense qu’il y a une faim réelle pour les nouvelles histoires et les nouvelles voies. La chaîne qui permet d’amener les films en salles est de plus en plus étroite, mais en échange, nous gagnons en diversité, donc je pense que ça vaut la peine. » De son propre aveu, Miranda July vit principalement de ses avances sur écriture et de ses royalties : « Mes livres me font probablement mieux gagner mon pain que mes films. »

Caroline Besse pour Télérama du 3/10/2020

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