L’homme le plus heureux du monde
De Teona Strugar Mitevska
Avec : Jelena Kordic, Adnan Omerovic, Labina Mitevska…
Un speed dating dans un hôtel de Sarajevo… La cocasserie et la gravité nourrissent ce second film de la cinéaste macédonienne découverte avec « Dieu existe, son nom est Petrunya ». Après sa charge contre le patriarcat, la réalisatrice s’intéresse aux cicatrices de la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995), qui marqua la dislocation du pays où elle naquit, la Yougoslavie.
Accueillis par deux hôtesses en robe panthère, les candidats à l’amour doivent revêtir d’affreuses blouses couleur parme, censées créer une harmonieuse unité.
A la table numéro 12, l’exercice du tac au tac devient de plus en plus déstabilisant entre les quadragénaires Asja et Zoran, respectivement conseillère juridique et employé de banque.
Au fil des questions, ils s’aperçoivent avec horreur que c’est lui qui a tiré, le jour où elle a été blessée par une balle, pendant le siège de Sarajevo.
Inspiré par ce qu’a vraiment vécu la coscénariste, Elma Tataragic, ce film magistralement écrit touche par son énergie âpre et ardente, jamais complaisante. Comme leur ville, qu’on voit en chantier et plantée de croix sur les hauteurs, les personnages sont en travaux, se reconstruisent et se déconstruisent en direct. Pour eux, la réalisatrice a concocté un film happening où les belles histoires programmées sont court-circuitées par un choc entre passé et présent, mémoire et oubli. L’étincelle de la guerre semble rallumée, mais c’est une bataille pour la paix qui se joue, remuante, intense, vivifiante.