
LES MAUDITES
De Pedro Martin-Calero -Espagne/Argentine 2024-1H47-VOSTF
Avec Ester Exposito, Mathilde Ollivier, Malena Vila et José Lui Ferrer
C’est un film de genre, à la fois intelligent et efficace , mais aussi une fable tout à fait pertinente et percutante sur la malédiction – annoncée par le titre français – dont sont victimes les femmes…
Dès les premières images, Les Maudites (on peut préférer le titre original espagnol, El Llado « Les Pleurs », plus énigmatique, sans doute plus fidèle à l’esprit du film) happe et met en tension : une scène de boîte de nuit où une jeune femme se laisse prendre par le rythme saccadé de la musique jusqu’à ce que tout devienne de plus en plus frénétique et violent. On n’en saura pas plus pour l’instant.
Changement de décor et d’ambiance : on se retrouve (un carton nous l’indique) à Madrid en 2022. On découvre Andrea, une étudiante à l’existence sereine gentiment contrariée par l’éloignement de son compagnon temporairement exilé en Australie. Tout bascule quand elle apprend que sa mère biologique – dont ses parents adoptifs ne lui ont semble-t-il parlé que très récemment – vient de décéder en Argentine, peu de temps après sa sortie de la prison où elle était incarcérée pour meurtre… Et dans le même temps, des phénomènes inexplicables perturbent la vie quotidienne d’Andrea : elle a l’impression d’être suivie par une silhouette d’homme inquiétante qu’elle ne voit pas directement mais qui apparaît sur des photos ou des images vidéo et elle est victime, à proximité d’un immeuble tout en hauteur et aux balcons rébarbatifs, d’hallucinations auditives : elle entend dans son casque audio des pleurs de femmes qui se substituent à la chanson qu’elle écoutait. Et…
Flash-back de vingt-cinq ans, on se retrouve à La Plata, en Argentine, auprès de Camilla, étudiante en cinéma solitaire. Réalisant une sorte de documentaire libre pour un exercice, elle repère une jeune femme en rouge qui la fascine et qu’elle va filmer à son insu. On reconnaît dans la jeune femme en question la danseuse en transe de la première scène et on comprend rapidement qu’elle n’est autre que Marie, la future mère d’Andrea. Et Camilla surprend dans le viseur de sa caméra… une silhouette d’homme inquiétante qui apparaît à plusieurs reprises à proximité de Marie…
Les Maudites est un fascinant écheveau de récits inquiétants qui se superposent avec habileté, vous perdent parfois pour mieux vous rattraper, avec une vraie maestria dans la mise en scène qui sait créer une ambiance angoissante tout en affichant l’économie d’effets propre aux grands thrillers. Et c’est aussi une parabole sociétale, une puissante évocation de la violence systémique exercée par les hommes sur les femmes, de générations en générations, violence stylisée ici par le fantastique mais pourtant omniprésente, qui se double du déni de l’extérieur face à la parole des victimes.