Leonardo di Costanzo

Né en 1958 à Ischia (Naples)

Italie

Documentariste, scénariste, réalisateur

L’Intervallo, L’Intrusa

Extraits d’un entretien avec Leonardo di Costanzo, réalisateur de « L’intrusa » qui signe ici sa deuxième fiction après un long passé dans le cinéma documentaire. (…)

Qu’est-ce qui vous a amené à passer du documentaire à la fiction ? Est-ce pour avoir une plus grande liberté narrative ?

Oui, il y a un peu de ça. En même temps, je ne sais pas si c’est une question de liberté. Avant je n’avais jamais pensé passer à la fiction. (…) Ce travail sur le monde des bénévoles et des associations est difficile à faire en documentaire. (…) Je suis arrivé à la fiction

parce que je connais bien ce monde-là et que c’était plus facile pour le décrire.

Vous avez écrit à trois. Comment a été créé ce personnage de Giovanna ?

Nous sommes partis en sachant que nous voulions traiter ce thème. Nous avons fait un long travail de recherche en parlant avec celles et ceux qui travaillent dans ce domaine. Nous avons entendu plein d’histoires dont je voulais rendre compte. Je pense que ce sont des gens qui expérimentent jour après jour ce qu’est la tolérance mais aussi la fermeté. Car les limites se déplacent sans cesse. Ils sont en contact avec des gens qui sont dans une grande détresse, dont on peut penser qu’ils sont les « méchants » et donc dangereux. Ils doivent continuellement jongler entre ce qu’il faut tolérer ou pas, entre ce qui est bien et ce qui est mal. Mais à partir du moment où nous avons trouvé cette histoire, qui est quasiment une histoire vraie, nous avons commencé à écrire. Mais nous l’avons fait sans nous fixer de règles. Nous avons beaucoup discuté tous les trois, tantôt je travaillais avec eux, tantôt avec l’un puis avec l’autre, tantôt les deux autres sans moi. Je pense que l’écriture est un travail solitaire et que le faire à trois est difficile. Je préfère donner des directions d’écriture. Mais comme ce sont des gens que je connais depuis très longtemps, nous avons beaucoup de choses en commun sur le plan moral et politique, sur le cinéma que nous voulons faire. Du coup, je ne crains pas de mauvaises surprises.

Le film a été long à produire ?

Pas énormément. La principale difficulté a été l’écriture. Écrire sur les méchants, c’est très facile. Essayer de dire que le monde est bon, ce n’est pas très sexy. Je trouvais que l’histoire risquait de s’intéresser à l’intruse plutôt qu’aux gens qui l’accueillaient. Trouver le bon équilibre a été assez difficile. Mais ensuite c’est allé très vite.

Comment avez-vous composé votre casting ?

Il n’y a pratiquement aucun acteur professionnel. À part Raffaella Giordano qui incarne Giovanna, la responsable de ce centre d’accueil. Mais en même temps, elle vient d’un autre monde, puisque c’est une chorégraphe et danseuse qui a travaillé avec Pina Bausch et Carolyn Carlson. Elle est de Turin, elle a une soixantaine d’années. Elle avait joué juste une fois dans le film de Mario Martone, Leopardi : il giovane favoloso. C’était étrange de travailler avec quelqu’un qui utilise plus son corps que la parole. Quant aux autres comédiens, ce sont surtout des gens qui fréquentent ce genre de lieux, qui sont tous passés par ce monde des associations. Ce qui est intéressant, c’est que, une fois le scénario structuré, je continue à écrire en me servant des expériences des gens que je rencontre à cette étape du casting. Comme ils connaissent bien ce monde, l’histoire s’enrichit énormément pendant toute la période de préparation. Donc, c’est à la fois un casting, une préparation et une écriture.

Où avez-vous tourné exactement ?

C’est un quartier de la banlieue est. À l’opposé de celui où l’on a tourné Gomorra. C’est à l’intérieur d’une masseria, un vieux domaine situé au milieu des tours. C’est un espace fermé, comme une sorte de fort, à l’image de ceux qui étaient érigés autrefois pour se protéger des indiens.

Est-ce que vous avez une méthode de travail particulière sur le tournage ?

Je travaille beaucoup en amont avec les acteurs. C’est un peu comme des répétitions au théâtre. Mais je laisse toujours un peu d’espace pour que la vie puisse rentrer. La machine cinéma est lourde, donc c’est difficile de bouger et de s’adapter. Mais nous avons réussi à faire un cinéma de proximité, très proche des gens. Et je suis très content de ça. Ce qui ne veut pas dire que c’est un bon film. Mais je suis satisfait de la façon dont j’ai pu m’adapter. (…)

À l’arrivée le film est semblable à ce que vous aviez en tête au départ ?

Ça non, je ne crois pas. C’est toujours différent je pense. Je n’ai jamais une idée très claire de ce qu’il y aura à l’arrivée. Je le découvre en le faisant. Rien ne peut être trop défini à l’avance.

Naples c’est vraiment votre terre de cinéma ?

Oui, mais c’est juste parce que je vis à Naples et que je la connais. En fait, je suis né sur une île en face. Et peut-être que cette distance m’a été nécessaire. Naples est une ville qui est très filmée, qui se laisse filmer facilement et qui aime se faire filmer. Mais quand je faisais des documentaires, j’avais toujours le souci de la complaisance par rapport au sujet. C’est un peu la même chose avec Naples. Je me bats toujours avec cette capacité de la ville de toujours se montrer sous son beau jour. Faire attention à la complaisance, c’est mon souci constant.

 Recueilli par Patrice Carré (Site : Le film français) 

Date de publication : 22/05/2017

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