Emmanuel Mouret

mouret30 juin 1970  Marseille

Nationalité: Française

Réalisateur et acteur

Laissons Lucie Faire!  Vénus et Fleur,  Changement d’Adresse,  Un baiser S’il Vous Plaît,  Fais moi Plaisir,  L’art d’Aimer.

 

ENTRETIENS CROISÉS

CLEMENT / Emmanuel Mouret VU PAR…

Virginie Efira : Clément est quand même un bel éclopé dans le film ! Alicia et Caprice n’ont aucune perversité : chacune à leur façon représente une protection ; ensemble, elles pourraient s’occuper à merveille de Clément et lui serait aux anges. Aux yeux d’Alicia, qui a été larguée et dont le métier veut qu’elle soit entourée de faux-semblants, Clément est une perle : il est instituteur, ce qui la fascine ; il est doux et profond ; il est dégagé des apparences. Clément exhale un pouvoir de séduction inconscient auquel beaucoup de femmes sont sensibles, j’en suis certaine !

Anaïs Demoustier : Emmanuel, je l’avais rencontré lors des essais pour un autre de ses films, L’art d’aimer. On a ensuite fait des lectures pour un scénario génial qu’il n’a pas encore tourné, puis est arrivé Caprice. Depuis tout ce temps, j’ai eu l’occasion de voir à quel point il est précis dans ses choix d’acteurs. Il aime les personnages féminins, il adore les actrices, c’est une douceur de ressentir cela chez lui mais il va toujours prendre LA personne qui colle à sa partition.
Emmanuel a une manière de fonctionner

qui n’est pas analytique : il a besoin que la rythmique d’une scène – comique ou autre – soit conforme à ce qu’il a imaginé. On touche à cette musique si particulière, qui marque les films d’Emmanuel. Et cette musique est présente en amont, dès son écriture : il est l’un des rares auteurs français à proposer une caractérisation aussi forte et singulière des personnages.

V. E. : C’est rigolo parce que j’ai commencé à découvrir Emmanuel avec L’art d’aimer puis j’ai continué avec Changement d’adresse etc… J’avais entendu dire qu’il cherchait une actrice pour Une autre vie et, chose que j’ose rarement, je lui ai proposé de se rencontrer. Entre-temps, j’ai appris qu’il avait trouvé sa comédienne mais j’ai maintenu ce rendez-vous. À raison : moins de pression et plus de temps pour échanger et découvrir que nous pouvions avoir des points communs.
Un an plus tard, il m’a envoyé le scénario de Caprice, j’ai adoré son écriture mais je ne me suis pas tout de suite vue dans ce personnage. J’ai agité mes petits complexes en me pensant trop ordinaire pour incarner cette diva fantasmée par Clément. J’imaginais une Alicia plus immédiatement impressionnante… Après, Je la trouvais sans humour et ennuyeuse en regard de Caprice (rires).

A. D. : C’est exactement là où tu as infléchi le personnage vers un côté solaire !

V. E. : C’est Emmanuel qui m’a convaincue. En m’inspirant une vision bienveillante   d’Alicia : elle porte sur l’existence un regard enthousiaste sans être mièvre. J’ai arrêté de juger le personnage. Je n’ai pas forcément compris pourquoi Emmanuel m’avait choisie et je m’en fichais. Je n’ai jamais été très « Actor’s Studio ». Quand il me demandait de « jouer un peu plus… tu vois, hein ? », c’était dingue mais je comprenais le message (rires). Je me suis régalée à jouer dans un film qui ressemble à Emmanuel : aux antipodes du réel et d’une justesse absolue.

A. D. : Avec Emmanuel, c’est un tâtonnement particulier car il sait parfaitement où il veut aller.

V. E. : C’est comme une partition où l’on essaye d’enchaîner les notes au plus juste. Dans la scène où Clément apprend à Alicia qu’il l’a trompée, j’ai d’abord joué la fermeture, le rejet. Emmanuel m’a rectifiée en me demandant de sourire : je l’ai fait, sentant qu’il avait raison, mais je n’en ai saisi l’intention que plus tard..

A. D. : … Et ce type d’intention, il la véhicule en tant que comédien sans avoir besoin des mots du metteur en scène.

V. E. : Emmanuel EST le film mais il a toujours l’air de rentrer dans le plan en s’excusant (rires). Il explique souvent n’avoir trouvé personne d’autre pour interpréter son personnage mais c’est plus complexe, évidemment.

A. D. : Emmanuel est le contraire d’un narcissique et se comporte comme si on l’avait un peu forcé à jouer dans son film. Ce qui est culotté, c’est de s’être donné le rôle de l’homme dont on devient toutes les deux folles et obsédées (rires).

UNE ACTRICE PEUT EN CACHER UNE AUTRE

Anaïs Demoustier : Jouer une actrice qui débute m’a beaucoup amusée. C’est une période de galère ou d’apprentissage que j’ai peu vécue : j’ai tourné mon premier film à 13 ans donc je n’ai pas eu le temps de réfléchir au « rêve » d’être actrice. C’était Le temps du loup…

Virginie Efira : Haneke, un petit truc quoi (rires)

A. D. : Franchement, je ne me rendais compte de rien ! Après, je n’ai pas fait d’école, je n’ai pas connu la dynamique de troupe au théâtre : j’ai enchaîné avec des courts et des longs métrages. J’ai continué gaîment, comme on peut dire. Ce qui ne m’a pas empêchée d’être fascinée par d’autres actrices, d’aller au théâtre à Lille – là où j’habitais… J’admire d’autant plus les filles comme Caprice : elle est enthousiaste, forcenée, passionnée ; elle fait tout pour concrétiser son rêve, monter à Paris et se lancer dans le théâtre amateur.

V. E. : Dans ce métier, l’égalité des chances n’existe pas. J’ai un parcours très étrange car je voulais être comédienne depuis l’enfance, j’ai fait une école de théâtre et, à 19 ans, j’ai tout arrêté pour des raisons intimes, de confiance en moi. Je me suis retrouvée à faire de la télévision, pas dans l’idée de faire du cinéma car le lien me paraissait aberrant. Lorsque l’on incarne une comédienne installée, respectable comme Alicia, c’est intéressant d’avoir vécu la notoriété. On sait à quel point elle n’intervient jamais dans l’épanouissement personnel, ce qui ne signifie pas qu’on la dénigre. Quand j’ai abandonné l’animation télé pour tenter une bonne fois le cinéma, c’était pour y trouver du sens, MON propre sens.

A. D. : On pourrait s’attendre à ce que le film joue sur la rivalité entre actrices mais Emmanuel ne s’aventure pas sur ce terrain : il n’y a aucune trace de jalousie chez Caprice envers Alicia. Cette dernière affiche même de la bienveillance envers sa « rivale ». Tout simplement parce qu’Emmanuel a situé l’enjeu ailleurs.

V. E. : Alicia ne joue jamais de son statut pour affirmer sa supériorité féminine. C’est quasiment un déni de sa notoriété ! C’est peut-être naïf de ma part de croire que si l’on n’est pas d’un tempérament jaloux, on ressent moins l’envie chez les autres. Tout cela est tellement éphémère, fluctuant, que j’essaye de ne pas polluer ma vie et de plutôt chercher du sens à mon travail. Ce qui n’empêche nullement de vouloir plaire : c’est l’essence même du métier d’actrice.

A. D. : Ce qu’Emmanuel résume dans le titre du manuscrit de théâtre écrit par Clément :  « Ce fâcheux besoin d’être aimé ». Pour une actrice, « être aimée », c’est être regardée. Emmanuel l’a parfaitement cerné…

Notes de production

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