DE CHAQUE INSTANT
Nicolas PHILIBERT–France-2018–1h45
Documentairefrançais
Le réalisateur nous invite à suivre la formation d’élèves infirmiers de l’institut dela Croix-Saint-Simon àMontreuil(93), que l’on suit en classe, puis en stage et enfin qu’on écoute témoigner de leur rencontre parfois rude avec le monde hospitaliersoumis à la pression du rendement, au manque criant de personnel, au poids grandissant des tâches administratives, à la tension dans les services. Sont abordés aussi, le rapport à l’autre, la transmission, les relations entre générations.
Nicolas Philibert : L’idée d’un apprentissage du métier d’infirmier m’est venue suite à mon hospitalisation à deux reprise aux urgences pour une embolie pulmonaire. Alors que je tournais autour de l’idée du corps parce que le cinéma, c’est toujours des corps filmés, mon propre corps m’a envoyé en repérages à l’hôpital.
Le film se penche sur toutes sortes de corps : d’abord des bouts de mousse utilisés par les étudiants pour apprendre à piquer, puis des mannequins servant à pratiquer les techniques de réanimation, puis des corps complices (une étudiante simulant une pathologie, un étudiant faisant la femme enceinte…), enfin de vrais patients lors des stages à l’hôpital. Mais les corps ce sont aussi les gestes que ces futurs infirmiers et infirmières apprennent à maîtriser. Quand on est hospitalisé, tous ces gestes exécutés avec dextérité par des personnes expérimentées ne semblent pas si difficiles. Filmer leur apprentissage par des étudiants qui tâtonnent permet de les décortiquer et de révéler la complexité de leur enchaînement.
De plus en plus d’actes techniques leur sont confiés, mais beaucoup se plaignent de la manière dont le relationnel est mis à mal, faute de temps à lui consacrer. Et ils sont exposés à des réalités humaines auxquelles ils ne sont pas forcément préparés. Ils sont nombreux à faire leur premier stage dans des Ehpad (maisons de retraite) après deux mois de cours et de travaux pratiques. Ils se trouvent alors confrontés à des corps vieillissants, sur lesquels ils apprennent à faire des toilettes intimes. Ils ont aussi affaire à des personnes qui n’ont plus toute leur tête. Et la mort inévitablement. Ce stage de première année est pour chacun un baptême du feu. Certains décrochent à ce moment-là ; d’autres renoncent, en 3ème année, quand se profile la prise de responsabilité.
En résumé, la première partie du film c’est l’apprentissage des règles de bonne conduite, la deuxième, c’est la confrontation au réel durant le stage, souvent livrés à eux-mêmes, ils sont mis à l’épreuve, parfois mis à mal par les équipes qui attendent d’eux des choses qu’on ne leur a pas apprises. La troisième partie permet d’entendre ce que la deuxième pouvait difficilement montrer comme les maltraitances dont ils sont parfois victimes.
Extraits d’un entretien avec François Ekchajzer publié sur Télérama 3581, du 29.8.2018