La pérennité du désir, l’infidélité, les ravages du temps… Des sujets pas vraiment drôles, dont Christophe Honoré a réussi à faire une comédie enlevée et joyeuse avec « Chambre 212 », qui sort en salle mercredi. En compétition lors du dernier Festival de Cannes dans la section Un certain regard, le film a remporté le prix d’interprétation pour Chiara Mastroianni. Maria (Chiara Mastroianni) quitte le domicile conjugal à la suite d’une dispute avec son mari (Benjamin Biolay,) pour passer la nuit à l’hôtel. Alors qu’elle tente de faire le point, plusieurs personnes de sa vie passée entrent en scène. Ce qui semble au départ être un songe de Maria -qui parle avec sa mère morte, son mari lorsqu’il avait 25 ans (joué par Vincent Lacoste) ou l’ex-amour de celui-ci (joué par Camille Cottin)- montre en réalité les dédales de sa réflexion. « C’est l’histoire d’une femme qui pense et qu’on accompagne dans toutes ses pensées, lesquelles s’incarnent dans des situations ou des personnages », racontait Christophe Honoré à l’AFP en mai dernier à Cannes. L’histoire, comme les protagonistes, se promène entre la chambre d’hôtel et l’appartement du couple -ils n’ont qu’une rue à traverser- en s’affranchissant du temps, pour permettre, par exemple, un dialogue entre l’un des personnages à deux âges différents, une bagarre entre un amant actuel et un futur mari encore dans ses vingt ans… Les situations amusantes s’enchaînent….
Après « Plaire aimer et courir vite », son dernier film à la tonalité plutôt grave, Christophe Honoré avait « envie d’échapper à un certain naturalisme » pour faire un long métrage « qui s’amuse, au ton plus léger, même si le film a sa part de mélancolie ». Car sans avoir l’air d’y toucher, le propos est profond, tournant autour d’une seule grande question : un couple peut-il résister au temps ? « J’arrive à un âge où j’ai la chance de vivre en couple depuis longtemps. C’est un travail », avance Christophe Honoré, en écho aux propos de l’un de ses personnages. « Prenez la façon dont on gère le désir : c’est très déstabilisant d’aimer toujours autant quelqu’un mais de le désirer moins qu’avant. Il faut pouvoir passer outre ce genre de choses ou en tout cas faire avec…On n’est pas sur terre pendant si longtemps au fond, et la question de qui on désire, à qui on plaît, et comment on a la chance ou non de vivre une histoire d’amour… c’est quand même essentiel dans nos vies », selon le cinéaste qui se dit « heureux » d’avoir fait ce film. ( rh/sl pour La Croix)
En même temps, une poignante interrogation affleure : peut-on jamais se remettre de la perte de la jeunesse ? Peut-on jamais faire autrement que tromper l’autre avec lui-même ? C’est le bilan d’une vie de couple, mais aussi le carrefour virtuel de toutes les vies que les deux époux auraient pu avoir à la place. La troupe d’acteurs éblouit, notamment du côté des nouvelles recrues de Christophe Honoré : Benjamin Biolay, la maturité assumée et le cœur lourd, Camille Cottin, émouvante « vieille maîtresse » ressurgie du passé et Carole Bouquet, vivante référence au cinéma de Blier…Une nouvelle réussite.
( Télérama ) »