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JULIE SE TAIT

JULIE SE TAIT

De Leonardo Van Dijl – Belgique/Suède – 1h37 – 2024.

Avec Koen De Bouw, Ruth Becquart, Claire Bodson.

Julie, une star montante du tennis évoluant dans un club prestigieux, consacre toute sa vie à son sport. Lorsque l’entraîneur, qui pourrait la propulser vers les sommets, est suspendu après le suicide d’une sportive du club et qu’une enquête est ouverte, tous les joueurs du club sont encouragés à partager leur histoire. Le club enquête, cherchant à protéger les autres membres et surtout Julie qui garde le silence sur la nature de sa relation avec son entraîneur. Ce film est une oeuvre en forme de quasi thriller psychologique, causant à priori de la libération de la parole dans le milieu sportif. Dans le plus grand des silences. Pas celui induit par l’omerta, les pressions ou encore les intérêts sportifs. Mais celui subi par une jeune femme conciliant famille, études et sport mené à haut niveau. Le film arrive à montrer comment le harcèlement insidieux s’instaure de manière étouffante dans le quotidien de Julie.

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MON GATEAU PREFERE

« Mon gâteau préféré », naissance d’un amour tardif
Le second long-métrage, après Le Pardon (2020), du couple de cinéastes composé par Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha, installé à Téhéran, cristallise une nouvelle fois la chappe de plomb que fait peser le régime iranien sur la création cinématographique. Tourné en secret en 2022 dans un climat de tension sociale, au moment où allait éclater le mouvement Femme, vie, liberté, le film enfreint délibérément les restrictions qui entourent la représentation des femmes à l’écran, concernant, notamment, le port du hidjab jusque dans l’espace domestique, en dépit de toute considération réaliste. Mon Gâteau Préféré se présente pour l’essentiel comme une authentique comédie romantique du troisième âge, en apparence assez inoffensive, mais, dans le fond, tout sauf naïve. Le film vaut d’abord pour la finesse avec laquelle il dépeint l’isolement des personnes âgées, montrées comme n’appartenant plus au même fuseau horaire que la société active (Mahin, victime d’insomnies, se lève à midi), donc condamnées à vivre dans ses interstices – un constat qui dépasse le simple cadre de la société iranienne. (Ma. Mt. Pour Le Monde.)
Mais la morale du film sur le courage des microrésistances privées, d’une inversion des signes moroses par l’étincelle d’une simple rencontre, s’inverse brutalement dans un finale absurde et sinistre. Il faut aimer les déconvenues hardcores ou interpréter ce twist comme le reflet du pessimisme des auteurs pour ne pas leur en vouloir de faire subir ça à des personnages qu’ils ont mis tant d’ardeur, et d’ailleurs de talent, à nous faire aimer. (Didier Péron pour Libération)
Il reste un film modestement magnifique, qui nous emporte avec une facilité déconcertante tant les deux acteurs sont formidables de présence et de justesse. Un film nécessaire et qu’on a particulièrement envie de partager quand on sait que les autorités iraniennes ont confisqué les passeports des deux réalisateurs Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha à l’annonce de la sélection de leur film en compétition au Festival de Berlin 2024…Ils sont depuis assignés à résidence dans l’attente de leur procès.

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LES FEUX SAUVAGES

Semaine du13 au 18 février

LES FEUX SAUVAGES
De Jia Zhangke -Chine-1H51 Vost
Avec Zhao Tao
Rattrapé par les marées, traduction du titre international (Caught by the Tides) du nouveau film de Jia Zhang-ke, permet peut-être de mieux l’appréhender. À 53 ans, le réalisateur chinois revisite son cinéma avec un récit en trois parties, situées respectivement en 2001, 2006 et 2022, non pour signer une grande fresque romanesque comme Au-delà des montagnes ou Les Éternels, mais pour reparcourir l’itinéraire emprunté par son cinéma dans la Chine du XXIe siècle. « Les marées » ou les « feux sauvages » sont à entendre comme des vagues de souvenirs irrépressibles, les siens et ceux de son actrice fétiche, Zhao Tao. Ils resurgissent par le biais d’images de précédents films, mais aussi de rushes inédits, comme extirpés des archives du cinéaste. Pour rassembler ces différentes périodes, le film s’en tient à un embryon de mélodrame : un couple se déchire, se perd de vue et se retrouve.
Les deux personnages, Qiaoqiao (Zhao Tao) et Bin (Li Zhubin), sont apparus pour la première fois il y a vingt-deux ans dans Plaisirs inconnus, dont on retrouve beaucoup d’images dans la première partie,, bien qu’elles soient ici agencées différemment : les scènes de rue, de chant et de chorégraphie s’enchaînent de façon purement musicale, en passant d’un morceau électronique populaire à un autre, sans que jamais ne s’amorce véritablement un récit, ne se déroule le début de l’intrigue, elle paraît surtout s’inscrire dans le mouvement frénétique de la ville.
Cette partie et la suivante – plus mélancolique et composée notamment de plans de Still Life – ravivent le souvenir de cette période du cinéma de Jia Zhang-ke ; Les ellipses racontent ainsi autant les mutations de la Chine (de l’effervescence libérale à la désillusion capitaliste, jusqu’à l’ère de la surveillance technologique) que celles du cinéma, et plus précisément de l’œuvre de Jia Zhangke. Si le scénario que bricole ce remix ne tient pas vraiment (ce que trahit, exemplairement, le choix de faire de Qiaoqiao un personnage muet), il fait surtout ici office de lien distant entre les morceaux assemblés.
La troisième partie, achève la perspective : elle donne à l’ensemble une colonne vertébrale – elle est la seule à avoir été tournée sur mesure pour ce film-ci. Si l’image y est numérique et un peu terne elle capture tout de même de façon troublante le passage des années sur le visage des acteurs. Le contexte du Covid-19 permet à plusieurs reprises d’aménager des scènes où Qiaoqiao et Bin se démasquent, manière émouvante de dévoiler le vieillissement de leurs corps. Pris dans son ensemble, Les Feux sauvages se présente dès lors comme un objet un peu bancal, ou du moins flottant, terme qui lui sied peut-être mieux : sur un bateau ou dans un train, les personnages, comme le cinéaste, se laissent porter par la dynamique d’un voyage à travers les souvenirs.

D’après les critiques du Monde et de Critikat ( janvier 2025)

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Memoires d’un escargot

               

À la mort de son père, la vie heureuse et marginale de Grace Pudel, collectionneuse d’escargots et passionnée de lecture, vole en éclats. Arrachée à son frère jumeau Gilbert, elle atterrit dans une famille d’accueil à l’autre bout de l’Australie. Suspendue aux lettres de son frère, ignorée par ses tuteurs et harcelée par ses camarades de classe, Grace s’enfonce dans le désespoir. Jusqu’à la rencontre salvatrice avec Pinky, une octogénaire excentrique qui va lui apprendre à aimer la vie.

Lorsqu’elle fait le bilan de son existence, Grace se définit comme « un verre à moitié plein », qui comble sa moitié vide avec la lecture de romans à l’eau de rose et la compagnie (envahissante) des gastéropodes – auxquels, à force de s’être construit une carapace pour se protéger du monde, elle a fini par s’identifier. Bien qu’explorant par le menu les multiples traumatismes de la jeune fille, tout l’enjeu du film sera de colmater ses failles émotionnelles pour l’amener à s’ouvrir au monde. Mémoires d’un escargot use pour y parvenir d’un ton étonnant, alignant moments d’une immense drôlerie, mais aussi pas mal de mélancolie et un soupçon de colère. Soit peu ou prou les étapes d’un processus de reconstruction de soi. Part thérapeutique du film qui se confirme avec l’entrée en scène de Pinky, mamie aussi ridée que décapante, qui n’hésite pas à faire des doigts d’honneur à quiconque la juge, soigne sa trouille de la sénilité à la marijuana et dispute des parties de ping-pong endiablées avec Fidel Castro.

Il n’est pas anodin que ce génial long métrage soit fait de pâte à modeler : il exprime comment des êtres peuvent se remodeler, les creux et les pleins apparaissant sur la texture même des personnages. De même, les décors fourmillant de détails, reflet du bric-à-brac surchargé qu’est l’esprit de Grace, contribuent à faire de Mémoires d’un escargot un film très singulier, malléable, tendre et dur, fourmillant d’idées et merveilleusement poétique. Adam Elliot y trace sa voie, magnifique et solitaire, entre étrangeté formelle et scénario vantant les imperfections (un univers résumé par une phrase du film : « Sans obscurité, la lumière n’a pas de sens ») ou la référence marquée au Kintsugi, cet art japonais consistant à rénover des objets abîmés sans faire disparaître leurs fissures. Le résultat est saisissant : nous sommes emportés par la puissance émotionnelle de Mémoires d’un escargot, qui transcende un récit de deuil et ses cicatrices en celui d’une renaissance apaisée.
Cristal du long métrage au Festival d’Annecy 2024

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EEPHUS

CINE CIMES Semaine du 06/02 au 11/02/2025

EEPHUS, LE DERNIER TOUR DE PISTE

Film de Carson Lund – Etats-Unis, France -1h38 -VOST
Avec Keith William Richards, Cliff Blake, Ray Hryb…

On appelle eephus ou encore « arc en ciel » un type de lancer au baseball: une balle courte qui ressemble à une balle lente, autrement dit une feinte, destinée à déstabiliser le batteur qui ne manquera pas d’être surpris par une trajectoire et une vitesse inhabituelles. On prédit le même sort et la même agréable désorientation au spectateur de ce film d’atmosphère dont l’intrigue tiendrait sur un billet de stade.

Dans une bourgade non identifiée de Nouvelle Angleterre à une époque elle même floue qui pourrait être les années 1990, deux équipes amateurs, les Riverdogs et les Adler’s Paint, s’affrontent pour un ultime match. Dans l’autoradio d’un des joueurs, la voix chevrotante de Frederick Wiseman (94 ans) annonce la couleur : le terrain va être rasé pour faire place à une école. Satanée jeunesse .
Ambiance de fin de partie et nostalgie à tous les étages, donc, dans ce huis clos proustien déguisé en film de sport.
Car évidemment le baseball n’est pas le sujet. Tous plus ou moins bedonnants, grisonnants, claudicants, les protagonistes sont de piètes athlètes. Ils courent comme des pingouins et s’enfilent plus de canettes de bières qu’ils ne marquent de points. Ce stade, c’est leur cour de récré, leur bar, leur refuge, leur raison d’être dominicale pour fuir le foyer, entre autres. Etre là pour ne pas être ailleurs.

Et la saison choisie par les auteurs ne l’a pas été au hasard : c’est l’automne, avec son chapelet de couleurs fauves, égrenées et magnifiquement mises en valeur par le jeune réalisateur Carson Lund, chef opérateur du récent Noël à Miller’s Point, de son camarade Tyler Taormina, ici producteur. Les deux trentenaires appartiennent au même collectif , Omnes Films, et représentent le futur du cinéma indépendant américain : moderne mais à l’ancienne, détaché des impératifs de rentabilité, et où l’apparente nonchalance de la forme impose en douceur un discours tournant ostensiblement le dos à l’efficacité des contenus pour plateformes.

Dans ce film choral que n’aurait pas renié Robert Altman, autre modeste protagoniste d’une Amérique en voie d’extinction, l’action impose moins que la sensation. Sur le terrain, les joueurs disputent leur dernière manche ; la nuit tombe ; l’électricité a été coupée ; on allume les phares des voitures pour y voir clair. Personne n’a envie de rentrer. Le score ? Quel score ? Seul compte le vent dans les érables. « Au baseball, dira l’un des personnages, on attend des heures que quelque chose se passe , et hop, c’est finit ».

Critique de Jérémie Couston – Télérama .

Ciné Surprise le 03/03 /2025

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Emanuel Pârvu (Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde)

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Sélectionné en compétition à Cannes et lauréat de la Queer Palm, Trois kilomètres jusqu’à la fin du monde est un drame brillant, à la fois tendu et lumineux, où les réactions de villageois suite à une agression homophobe donnent lieu à une métaphore de la contamination de la pensée fascisante.

Avant d’aborder les thèmes traités par le film, je souhaitais débuter par vous interroger sur le remarquable travail sur la lumière. Comment avez-vous travaillé avec votre chef opérateur Silviu Stavilã sur cet aspect?

Tout d’abord, il faut dire que la lumière est déjà naturellement exceptionnelle dans cette région du delta du Danube où nous avons tourné. Jacques-Yves Cousteau a déclaré que cette région était le plus bel endroit du monde, et ce précisément à cause de la lumière spéciale qui existe là-bas. Je ne sais pas comment expliquer que cette lumière soit si particulière, si ce n’est qu’elle vient de Dieu.

Silviu Stavilã est un très grand chef opérateur qui a déjà travaillé avec Cristi Puiu ou Lucian Pintilie. L’idée que je lui ai soumise dès le début du projet était que pour le début du film, je souhaitais utiliser des plans fragmentés et décomposés, où les personnages et leurs visages n’apparaitraient pas forcément en entier, pour progresser peu à peu vers des plans conventionnels à mesure que les personnages révèlent clairement qui ils sont. Le tout pour aboutir aux plus beaux plans possibles. Je me suis beaucoup inspiré d’Ozu et de sa technique des tatami shots (méthode consistant à placer la caméra relativement bas, épousant le regard d’une personne à genoux sur un tatami, ndlr). Quant à la lumière, je souhaitais qu’on ne rajoute aucune source artificielle. A l’inverse, notre travail a plutôt consisté à filtrer autant que possible toute la superbe lumière que l’on recevait naturellement.

Dans son discours de remise de prix, le jury de la Queer Palm a justement souligné la dynamique des personnages qui sont soit aveugles à la lumière qui les entoure ou qui au contraire se dirigent pleinement vers elle. C’est une formulation dans laquelle vous reconnaissez votre film?

Tout à fait. Ce n’est pas pour rien que le film se clôt sur une séquence qui est d’abord filmée dans un canal particulièrement étroit avant d’aboutir vers un horizon de plus en plus vaste où l’on a enfin l’impression de pouvoir respirer. Ce n’est pas non plus pour rien que le film porte ce titre : le village où nous avons tourné se trouve littéralement à trois kilomètres de la mer, c’est donc littéralement la fin des terres, mais il s’agit aussi bien entendu d’une métaphore. Je voulais dire par là que si l’on continue à agir comme les personnages qui entourent le protagoniste, on court droit à la fin du monde. J’ai parfois l’impression qu’à force de racisme, d’homophobie et de xénophobie, on n’est plus qu’à quelques minutes près de la troisième guerre mondiale. Le monde a besoin de paix. La Terre est un endroit si merveilleux. La région où se déroule l’action est un coin de paradis mais par leur méfiance de toute différence, les gens en font un vrai enfer, et c’est pareil partout dans le monde. Je ne sais pas pourquoi on ne peut pas vivre ensemble malgré nos différences.

Le récit de 3 kilomètres a beau être claustrophobe et angoissant, vous filmez énormément la nature. La majeure partie du film est paradoxalement filmée en extérieur, dans de espaces très ouverts.

C’est la même idée. On souhaitait délibérément aborder cette surprise-là. Je voulais montrer un lieu qui ressemble au paradis, un lieu qui inspire immédiatement la paix, dans lequel tous les spectateurs auraient envie de vivre sereinement. Je voulais qu’on soit encore plus choqué par l’attitude des personnages, qui en font un enfer sur terre. Je voulais des plans très larges qui viennent contraster avec l’étroitesse d’esprit des personnages. Je ne parle pas forcément que des habitants de cette région, car c’est hélas partout pareil sur la planète. Ce village n’est qu’un exemple parmi d’autres de notre humanité. Si j’avais filmé cette histoire sur la côte française, thaïlandaise, américaine ou vietnamienne, j’aurais pu y trouver des coins de paradis que la bêtise humaine transforme en enfer. Dieu nous offre le paradis et nous on gâche tout.

Je sais bien qu’on ne peut pas changer l’humanité avec juste un film, un livre ou une chanson, mais cela peut néanmoins pousser les gens à réfléchir, et même beaucoup. Qui sait, peut être qu’avec vingt ou trente ans de recul, un film peut permettre de faire évoluer les choses. Je suis déjà heureux de pouvoir faire un cinéma qui soulève de telles questions.

Le récit débute par une agression homophobe, et le reste du récit s’attache davantage au réactions de l’entourage de la victime plutôt qu’à cette dernière, et ce décalage a étonné plusieurs spectateurs lors de la première du film à Cannes. Comment avez-vous trouvé votre équilibre idéal sur la place donnée au seul personnage queer de cette histoire ?

De deux choses l’une. Je ne fais pas partie de la communauté LGBT et j’ai su dès le départ que je n’avais pas la légitimité de m’exprimer à la place d’un personnage queer. C’est un point de vue que je ne peux pas prétendre exprimer, je n’aurais jamais osé aller sur ce terrain-là et parler à la place des personnes directement concernées. Ce que je connais en revanche, c’est la partie de la société à laquelle j’appartiens, et croyez-moi je la connais très bien. Je ne voulais pas parler à la place de la communauté queer mais la moindre des choses que je pouvais faire était de l’écouter. J’ai beaucoup échangé avec mes amis queer et j’ai beaucoup discuté avec Ciprian Chiujdea (l’acteur principal du film) qui est ouvertement gay. Leur ressenti sur le scénario était plus que précieux, il était indispensable. Il m’aurait été impensable de faire jouer à Ciprian quelque chose qu’il n’aurait pas trouvé juste ou qui l’aurait dérangé. Je connais les homophobes, je sais jusqu’où ils peuvent aller, je tenais donc à ce que Ciprian me dise jusqu’où le film pouvait aller sans nuire à la communauté queer.

Je suis un homme très croyant (il montre des tatouages de croix sur ses avant-bras, ndlr), mais j’ai tout à fait conscience que les institutions religieuses peuvent gâcher la vie des gens. Dans notre pays, ces instituons sont gangrenées par plein d’anciens membres de la Securitate et des politiciens très conservateurs, c’est la merde. Il faut en parler pour que les choses changent.Il y a deux ans, la télévision roumaine a passé un reportage sur la corruption financière de l’Eglise, et quatre millions de personnes l’ont regardé, sachant qu’on est quinze millions d’habitants.

Vous et moi portons tous les deux des lunettes, je rêve d’une société où être homosexuel ait aussi peu de conséquences que de porter des lunettes. Ce serait une société idéale. Mais en attendant, il faut pouvoir aborder les problèmes, même si c’est quelque chose qu’on me reproche. Je ne souhaite pas non plus m’approprier le combat et le vécu des autres. Mon film ne prétend pas être un exposé sur la particularité du vécu queer en Roumanie et comment notre société devrait évoluer sur ce sujet précis. Je ne serais pas légitime pour cela. Le sujet du film est davantage la normalité : qui décide ce qui est normal ou non ?

Est ce que cela vous convient si l’on dit donc que, contrairement aux apparences, l’homosexualité ou l’homophobie ne sont pas exactement le vrai sujet du film?

Ce n’est pas le sujet, en effet. Vous savez, je considère que la forme d’amour la plus pure et la plus puissante est l’amour qu’un parent ressent pour son enfant, que ce soit chez les animaux ou les humains L’amour devrait être inconditionnel par définition. Comment cette dimension inconditionnelle pourrait être remise en question dès que l’on se retrouve face à quelque chose qui dépasse notre confort? Comment peut on en arriver à des situations où notre place dans la société, ce que pensent nos voisins de nous, peut devenir plus important que l’amour pour nos enfants ? Il y a des gens qui peuvent visiblement comprendre que leur enfant vole, viole, violente d’autres personnes, et ils peuvent même continuer à l’aimer. Mais dès que leur enfant leur révèle quelque chose qui dépasse leur entendement, cet amour peut à peine survire.

Pas besoin que ce soit quelque chose d’extrême, d’ailleurs. Quand j’ai annoncé à mon grand père que je voulais devenir acteur, ça l’a tellement sidéré que j’aurais tout aussi pu lui annoncer que je partais vivre sur la lune. Il y a beaucoup de choses à améliorer dans la manière dont nous vivons ensemble. Comme je le disais hier soir lors de la première roumaine du film, je pense que nous allons dans la bonne direction. Là où j’ai des doutes en revanche, c’est sur la vitesse à laquelle nous y allons.

Entretien réalisé par Gregory Coutaut le 21 juin 2024 pour Le Polyester

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FREMONT

Semaine du premier  au 6 février : FREMONT

De BABAK JALALI 2023 -USA- 1H28- VOST

Avec Anahita Wali Zada…. Jeremy Allen White, Gregg Turkington, Hilda Schmelling, Avis See-

Prix du jury au Festival du cinéma américain de Deauville

Dessiné dans les rondeurs de l’enfance, le visage que l’on voit occupant toute l’image et qui sera de quasi tous les plans délivre une douceur pleine de détermination. Cela tient, sans doute, au regard, direct et franc, qui l’illumine. Donya (Anaita Wali Zada), réfugiée afghane de 21 ans, ancienne traductrice pour l’armée américaine et expatriée au retour au pouvoir des talibans, vit désormais à Fremont, ville de la baie de San Francisco, en Californie. Elle y a trouvé un nouveau travail dans une petite fabrique familiale de fortune cookies (« biscuits à message ») tenue par un couple d’immigrés chinois. Le soir, elle dîne seule dans un petit restaurant de quartier, toujours le même, avant de retrouver son studio, où elle peine à s’endormir.

C’est ainsi que s’esquisse le portrait auquel le cinéaste Babak Jalali consacre son quatrième long-métrage, Fremont, petite merveille en noir et blanc, épurée du superflu et d’effets, au profit d’une grâce un brin mélancolique et d’une rare beauté.

Fremont, nous parle d’exil (géographique, social, mental), de ces vies en marge et de la solitude qui en résulte : il a  reçu, en septembre, le Prix du jury au Festival du cinéma américain de Deauville

A cet exil, source de nombreuses souffrances, le cinéaste ajoute néanmoins une puissance dont il se fait un devoir. Celui d’accorder force et volonté aux personnages de ses films, à l’inverse du caractère victimaire dont on affuble le plus souvent les déracinés. Donya porte ce flambeau, qui, malgré sa modestie, refuse de se laisser faire et sait ce qu’elle veut. Le film agit de même : la tristesse diffuse sans cesse contrariée par des situations absurdes, une drôlerie pince-sans-rire pour le moins irrésistible. Bien que routinière, la vie de Donya croise une galerie de personnages plus ou moins loufoques, sujets aux névroses, un vague à l’âme dont il est préférable de rire plutôt que de pleurer : La politesse de Babak Jalali…. Donya trace, doucement son chemin. Promue au sein de la petite entreprise où elle travaille, elle rédige désormais les messages incorporés aux biscuits qu’elle se contentait il y a peu d’emballer. Ces courts messages destinés à offrir en quelques mots un peu d’espoir à ceux qui les découvrent nous livrent désormais les humeurs et les désirs de la jeune femme. Notamment celui de vivre une histoire sentimentale qui l’aiderait à rompre avec sa solitude. Décidée à forcer le hasard, Donya glissera son numéro de téléphone sur l’une de ces petites langues de papier. On taira évidemment l’issue, surprenante et admirable, à laquelle conduira cette initiative. On dira seulement qu’elle est à l’image de Fremont, film profond et émouvant.

D’après la critique du  Monde de Véronique Caubaopé

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HOW TO HAVE SEX

HOW TO HAVE SEX

De Molly Manning Walker- Royaume -uni, Grèce-2023 – 1H28

Prix un certain regard au festival de Cannes 2023

Tara, Skye et Em : trois jeunes filles anglaises de 17 ans, expertes dans l’art de s’habiller pour en paraître plus de 18, débordantes d’une énergie propre à l’adolescence et joyeusement persuadées de leur amitié éternelle, débarquent en Grèce pour quelques jours de vacances après leurs examens de fin d’année : elles savent exactement ce qu’elles veulent : une chambre avec vue sur la piscine, boire jusqu’à vomir et recommencer… et surtout permettre à Tara de perdre sa virginité. Assez vite, se dessinent les différents enjeux de ce voyage de toutes les folies, sur lequel souffle un premier vent de liberté pour nos héroïnes en quête de divertissement et de souvenirs à ramener dans leurs valises.

Tara est la plus petite des trois, la plus grande gueule aussi. Skye la complimente souvent sur son apparence pour parfois la rabaisser sur son intelligence, ou en tout cas sur ses résultats scolaires. Une rivalité sourde plane sur leur amitié dite indestructible. C’est Skye qui la ramène souvent au fardeau que semble être sa virginité avec une bienveillance teintée d’acidité. Alors, quand Tara rencontre Badger et Paddy, deux garçons d’un appartement voisin, elle commence à se préparer à l’éventualité de passer à l’action…

« How to have Sex » raconte la manière dont on s’inscrit  dans une histoire écrite par la société ; une histoire distordue qui devient une légende : perdre sa virginité c’est passer d’enfant à  femme, la garder c’est ne pas grandir. Dans cette légende, les termes désir, plaisir et consentement ne sont évidemment pas prononcés. Il faut le faire comme un rite de passage obligatoire, sans se poser de question. Il faut le faire pour ressembler à tout le monde. Molly Manning Walker, dont c’est le premier long-métrage, réussit à retranscrire de manière assez subtile ces impressions universelles ressenties à l’adolescence. On ressent la pression que Tara s’inflige à elle-même comme on pressent la façon dont cette vulnérabilité pourrait vite être exploitée.

. D’après la Critique du site « Abus de ciné » 2023

Horaires sur le site Cinecimes .fr

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Cannes 2023 Palmarès et Contre-Palmarès….

Télérama Cannes 2023 : on a classé tous les films en compétition, du plus raté à la Palme d’or potentielle

21 – “Black Flies”, de Jean-Stéphane Sauvaire

Un jeune urgentiste et un collègue endurci traversent un New York chaotique, entre guerre des gangs et foule de condamnés. Désolé de tirer sur l’ambulance, mais Sean Penn, une fois de plus, en fait trop dans ce film balourd à la violence complaisante, remake inavoué et, surtout, inutile d’À tombeau ouvert de Scorsese.

20 – “Club Zéro”, de Jessica Hausner

Derrière la mise en scène arrogante et précieuse de la réalisatrice autrichienne ne reste que son mépris pour les troubles alimentaires des héros adolescents d’un film vainement provocant. Une caricature du cinéma d’auteur européen sous (mauvaise) influence de Michael Haneke.

Lire notre critique

https://www.telerama.fr/cinema/cannes-avec-club-zero-jessica-jausner-pousse-la-satire-de-notre-epoque-jusqu-a-la-nausee-7015691.php

19 – “La passion de Dodin-Bouffant”, de Tran Anh Hung

Chatoyant produit destiné à l’export – sous le titre international The Pot-au-feu, ça frétille du patrimoine –, cet ode à la gastronomie mijote, à feu très doux (2h14) et en lumières chaudes, une conception de l’art de vivre fin XIXe dont personne n’aurait songé à vérifier la date de péremption. Ça ouvre l’appétit, certes, mais, en termes de cinéma, on frôle l’indigestion.

Lire notre critique

https://www.telerama.fr/cinema/cannes-la-passion-de-dodin-bouffant-une-pub-de-deux-heures-pour-le-pot-au-feu-7015734.php

18 – “Le retour”, de Catherine Corsini

Le programme du film tourné par la réalisatrice dans sa Corse natale oscille entre ouverture de placards pleins de squelettes, choc social attendu au bord de la piscine et récit d’apprentissage sensible (racisme, rébellion et émois de tous genres). Ça fait beaucoup. Trop.

17 – “La Chimère”, d’Alice Rohrwacher

La cinéaste italienne des Merveilles imagine un homme obsédé par l’image d’une absente, et qui met son don de médium au service d’une bande de pilleurs de tombes étrusques. Très vite, et malgré le charme de Josh O’Connor, l’expérience part, hélas, dans toutes les directions, tant par son esthétique que par sa narration – film de deuil, comédie néo-réaliste, manifeste pour la marginalité, tragédie musicale, romance en germe…

16 – “Firebrand – le jeu de la reine”, de Karim Aïnouz

Catherine Parr, la sixième femme du roi Henri VIII, le « Barbe-Bleue » anglais, échappera-t-elle à la décapitation subie par deux de ses prédécesseuses ? Alicia Vikander et Jude Law excellent dans ce film élégant mais un peu trop propre, qui aurait davantage sa place sur la BBC qu’en compétition à Cannes.

15 – “Perfect Days”, de Wim Wenders

En filmant les gestes immuables d’un employé modèle des toilettes publiques à Tokyo, le cinéaste allemand compose une ode à la poésie du quotidien, bien filmée, mais qui laisse un peu de marbre. Le monsieur-pipi en question, Koji Yakusho, a toutefois un charisme fou, qui mériterait le prix d’interprétation.

14 – “Banel et Adama”, de Ramata-Toulaye Sy

Le seul premier film de la compétition mêle le conte et la tragédie dans un village du Sénégal menacé par la sécheresse. Un pari risqué qui court mille fois le péril de la joliesse et du dialogue appliqué mais le déjoue, parfois in extremis, grâce à un personnage féminin dont la grâce cache à la fois un secret dévorant et une force insoupçonnable.

13 – “The Zone of Interest”, de Jonathan Glazer

La vie quotidienne et familiale de Rudolf Höss, commandant d’Auschwitz, à quelques mètres du camp. Ce quasi-huis clos chez les monstres travaille avec un soin maniaque l’éternelle question de la banalité du mal et de la représentation de l’horreur. La mise en scène est virtuose mais son parti pris de distance esthétique confine à la pose et dénature partiellement le sujet. Comme si le film subissait la contagion du vide qu’il dénonce.

12 – “Monster”, de Hirokazu Kore-eda

Cinq ans après sa Palme d’or pour Une affaire de famille, le cinéaste japonais use de points de vue successifs façon Rashomon, pour raconter avec pudeur et empathie une attirance entre deux écoliers particulièrement émouvante. Dommage qu’il ait fallu tant de longues digressions pour en arriver là.

11 – “Vers un avenir radieux”, de Nanni Moretti

Le réalisateur de Journal intime revient à l’autofiction existentielle qui a fait sa gloire avec une comédie mélancolique censée conjurer trois disparitions réelles ou redoutées : celle du communisme, celle d’un couple et celle du cinéma. Le sujet grave mais le film, souvent réjouissant.

10 – “L’été dernier”, de Catherine Breillat

Dix ans après son dernier film, la cinéaste sulfureuse fait un retour gagnant avec le portrait complexe d’une quinquagénaire qui attire son jeune beau-fils dans ses filets. Son récit, vif et subtil, est maîtrisé de bout en bout. Et Léa Drucker, géniale, est l’une des prétendantes les plus évidentes au prix d’interprétation.

9 – “The Old Oak”, de Ken Loach

Dans une bourgade sinistrée du Nord de l’Angleterre, le patron d’un pub (le formidable Dave Turner, principal rival de Koji Yakusho pour le prix d’interprétation masculine) se lie d’amitié avec une jeune réfugiée syrienne, en dépit de la xénophobie ambiante. Ce beau récit à fort potentiel lacrymal, semble puiser sa force dans toute l’œuvre passée du vétéran Ken Loach. Et nous prouve une fois de plus à quel point le « vieux chêne » (87 ans en juin) est encore vert.

8 – “Asteroid City”, de Wes Anderson

Une famille endeuillée, une petite ville dans le désert du Nevada, une météorite et une troupe de théâtre newyorkaise se mêlent dans un récit gigogne proliférant. Le dandy texan recrée à sa manière chic et décalée l’Amérique à la fois triomphante et inquiète des années 1950. Et, deux ans après la déception de The French Dispatch, retrouve la grande forme.

7 – “Jeunesse”, de Wang Bing

Fidèle à sa méthode d’immersion au long cours, le grand documentariste chinois a filmé entre 2014 et 2019 les « petites mains » qui travaillent dans les 18 000 ateliers de confection de Zhili, accumulant deux mille six cents heures ( !) de rushes. Il en tire aujourd’hui un premier film (deux autres devraient suivre), déjà très copieux mais jamais ennuyeux. Un témoignage social terrifiant mais porteur d’une énergie communicative grâce à la vitalité des jeunes ouvriers filmés avec admiration par Wang Bing.

6 – “Les filles d’Olfa”, de Kaouther Ben Hania

Autour de l’histoire vraie d’une mère célibataire dont les deux filles aînées sont parties faire le djihad en Libye, la réalisatrice tunisienne brode un film intense, aux frontières du documentaire et de la fiction, pour interroger les violences faites aux femmes et la transmission des traumas familiaux. L’audace du film pourrait être son passeport pour le prix du Jury.

5 – “Rapito – L’enlèvement”, de Marco Bellocchio

En 1858, les autorités pontificales enlèvent un enfant juif baptisé en douce. De ce scandale mondial, le réalisateur du Traitre tire un récit puissant, alternant humour grinçant et scènes déchirantes dans un style opératique. Un prix de la mise en scène (au minimum) ne serait pas volé.

4 – “Les feuilles mortes”, d’Aki Kaurismäki

Pour évoquer la naissance des sentiments entre deux esseulés, le cinéaste finlandais de L’Homme sans passé déploie des trésors d’humour pince-sans rire. Un hommage au cinéma qui offre à ses spectateurs un merveilleux refuge.

3 – “Les herbes sèches”, de Nuri Bilge Ceylan

La chronique magistrale des états d’âme d’un trio d’enseignants dans un village reculé d’Anatolie orientale. Comme pour Anatomie d’une chute (lire ci-dessous), le nouveau film tchekhovien du cinéaste turc pourrait gagner tout aussi bien le prix du scénario (le sien est d’une richesse folle), le prix de la mise en scène (somptueuse, comme toujours), ou un voire deux prix d’interprétation (pour Deniz Celiloglu et/ou Merve Dizdar)… Et pourquoi pas le Grand Prix pour synthétiser toutes ces récompenses ?

2 – “May December”, de Todd Haynes

Sur fond de scandale passé, le réalisateur de Carol orchestre avec une maestria narrative et formelle la rencontre vertigineuse de deux femmes, dont l’une doit jouer le rôle de l’autre. Avec des interprétations démentes de Julianne Moore et de Natalie Portman – cette dernière étant la principale concurrente de Sandra Hüller (dans Anatomie d’une chute, lire ci-dessous) pour le prix d’interprétation féminine.

1 -“Anatomie d’une chute”, de Justine Triet

Il y a là tous les éléments concourant au suspense d’une véritable intrigue policière, mais rehaussée d’une approche intime des personnages. Bataille d’ego, désir, frustration, jalousie… la réalisatrice excelle avec un scénario diabolique sur la dissolution du couple. Un projet ambitieux pour du grand cinéma. Notre Palme d’or .

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L’improbable voyage de Harold Fry de Hettie Mac Donald GB 1H48

Peut-être n’est-il jamais trop tard dans la vie pour surprendre son monde ? ce matin-là démarrait comme tant d’autres, pour Harold Fry : l’’aspirateur avait nettoyé la moquette au beige fané ; derrière les rideaux, on avait espionné le voisin en train de bichonner un arbuste : Rituels sans éclat, petites distractions pour remplir le vide d’une retraite sans vagues. Ainsi procédait à pas mesurés la routine dans ce quartier pavillonnaire de Kings bridge.

À l’aune de cette vie monotone, ce matin-là un fourgon postal dépose une simple lettre…, une enveloppe d’un rose sirupeux venue d’un improbable lieu : Berwick-upon-Tweed dans le Northumberland, la ville la plus au Nord de l’Angleterre, à plus de 700 km de là. Harold s’étonne :  qui connaît-on là-bas ? Absolument personne, lui réponds Maureen, son épouse qui se renfrogne devant sa tasse de thé ; d’une voix perplexe, alors Harold annonce après avoir décacheté l’intruse que c’est une lettre de « Queenie ». Soudain le petit déjeuner de Maureen est gâché, son regard ne masque ni sa contrariété, ni une forme de jalousie inquiète que l’attitude étrange d’Harold ne cessera de nourrir. Depuis combien de temps n’avaient-ils pas eu de nouvelles de Queenie ? 10, 20, 30 ans ? La voilà qui s’annonce terrassée par un cancer
Harold, en être sensé qu’il a toujours été ou voulu paraître, aurait pu, aurait dû se contenter de répondre par quelques mots de réconfort maladroits couchés sur un bout de papier. Et c’est même son premier réflexe, qui entraîne ses pas vers la première boîte aux lettres venue pour envoyer sa réponse à Queenie. Mais un passage éclair dans une station-service, les mots échangés avec la vendeuse aux cheveux bleus, mi-ange, mi punkette, vont changer le cours de son existence. Ses pas ne s’arrêteront pas à la poste, ils ne s’arrêteront peut-être jamais plus, ils l’éloigneront inexorablement du domicile familial vers une quête insensée, déraisonnable, à tout le moins improbable : aller voir Queenie et la sauver. Voilà notre Harold qui entreprend la Longue Marche, celle de sa vie, celle pour la vie, se répétant inlassablement à haute voix comme un mantra hypnotique : « Je vais marcher, et tu vivras. » Folie admirable, majestueuse ! Nous voilà réglant nos pas dans ceux d’Harold, entrainés dans un périple que l’on n’imaginait pas,  riches en rencontres réjouissantes et attachantes : Un périple au cours duquel les chemins d’aujourd’hui serpenteront avec les méandres du passé de notre marcheur, de ses regrets, vers l’espérance d’une rédemption, d’impossibles réparations,  et peut-être l’amour retrouvé.

Voilà un film modeste et serein, beau comme un instant de grâce, infiniment réconfortant et bienfaisant… …

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