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DALTON TRUMBO

De Jay ROACH – Etats-Unis – 2016 – 2h04 – VOST
Scénario : John McNamara, d’après Bruce Cook.
Avec Bryan Cranston, Diane Lane, Helen Mirren…
Ce Dalton-là, c’est le plus célèbre résistant à une chasse aux sorcières dirigée contre les « communistes » ou supposés tels, pendant les années 1950, où le maccarthysme sévissait à Hollywood. Ce personnage attachant, rusé et intègre, et interprété par Bryan Cranston qui met en scène son charisme, son énergie et son élégance narquoise, fut retenu coupable d’appartenir au Parti communiste américain. Il fut condamné à 11 mois de prison avec interdiction d’exercer son métier de scénariste. Il dut entrer dans la clandestinité. La profession lui décerna deux Oscars sans le savoir. Ce drame traité avec la fluidité, l’humour et l’éclat d’une comédie ressuscite tout un monde de célébrités confrontées à ce climat de guerre froide.

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The assassin

THE ASSASSIN 3De Hou Hsiao-Hsien – 2015 – Taîwan – 1h45 – VOST
Avec Shu Qi, Chang Chen, Yun Zhou…
The Assassin nous propose un bond en arrière jusqu’au IXe siècle, au coeur de la dynastie Tang, une des plus florissantes périodes de la Chine. Une jeune femme , Nie Yinniang, revient chez elle après plusieurs années d’un exil mystérieux. On découvre peu à peu qu’elle a séjourné auprès d’une nonne qui lui a enseigné les arts martiaux ; Nie Yinniang est devenue une professionnelle de l’assassinat, envoyée à Huebo pour tuer le gouverneur félon de la province, son cousin à qui elle fut fiancée.
Le film est ponctué de rares combats, magnifiquement chorégraphiés, ciselés avec grâce, mais la tension réside essentiellement dans l’atmosphère feutrée des palais où les intrigues se nouent. Hou Hsia-Hsien filme magnifiquement les paysages grandioses de la Mongolie et de la Chine, et magnifie en clair obscur les intérieurs couleur sang et or que n’aurait pas renié Caravage, des intérieurs où se nouent les amours déçues, les vengeances longtemps enfouies… Nous sommes transportés dans un monde frémissant, comme si la caméra-pinceau de Hou Hsia-Hsien avait rapporté des images documentaires du IXè siècle ! La mise en scène est d’une admirable précision et les plans séquences maîtrisés à la perfection, illuminés par l’égérie du cinéaste, Shu Qi.
Prix de la mise en scène au festival de Cannes 2015

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Paulina

PAULINA 2De Santiago Mitre – Argentine, Brésil, France – 2015 – 1h43 – VOST
Avec Dolores Fonzi, Oscar Martinez…
Paulina, 28 ans, renonce à une brillante carrière d’avocate pour se consacrer à l’enseignement dans une région défavorisée d’Argentine. Confrontée à un environnement hostile, elle s’accroche pourtant à sa mission pédagogique, seule garantie à ses yeux d’un engagement politique. Quitte à lui sacrifier son petit ami et la confiance de son père, un juge puissant de la région. Peu de temps après son arrivée, elle est violemment agressée par une bande de jeunes et découvre que certains d’entre eux sont ses élèves. En dépit de l’ampleur du traumatisme et de l’incompréhension de son entourage, Paulina s’efforcera de rester fidèle à son idéal social.

Critique

Paulina, 28 ans, décide de renoncer à une brillante carrière d’avocate pour se consacrer à l’enseignement dans une région défavorisée d’Argentine. Confrontée à un environnement hostile, elle s’accroche pourtant à sa mission pédagogique, seule garante à ses yeux d’un réel engagement politique, quitte à y sacrifier son petit ami et la confiance de son père, un juge puissant de la région. Peu de temps après son arrivée, elle est violemment agressée par une bande de jeunes et découvre que certains d’entre eux sont ses élèves. En dépit de l’ampleur du traumatisme et de l’incompréhension de son entourage, Paulina va tâcher de rester fidèle à son idéal social.
Une longue séquence de dispute père-fille au dialogue vigoureux ouvre le film. C’est sec, précis, rythmé. Chacun restera sur ses positions. Pragmatique, il ne peut admettre qu’elle renonce à l’avenir prometteur qui l’attend. Pétrie de convictions sociales, elle veut se rendre utile envers les plus défavorisés. Deux visions de la justice vont s’affronter, à travers l’un et l’autre de ces personnages. Le viol qu’elle va subir en marquera le sommet. La phrase qui résume le plus le film est celle que Paulina jette à la tête de son père : « La justice ne cherche pas la vérité quand des pauvres sont suspectés. Elle cherche des coupables » ; ce père sûr des lois qu’il représente n’imagine pas devoir les faire évoluer. Dans ce pays où les mentalités changent lentement, l’homme reste encore et toujours celui qui décide de tout, de la marche du pays comme de la vie des femmes. C’est bien de ce joug dont Paulina veut se libérer. D’ailleurs, pas plus qu’elle n’écoute son père, elle n’écoutera son fiancé qui rêve de vengeance.
Doucement mais efficacement, la caméra suit pas à pas le parcours de cette jeune idéaliste écartelée entre ses convictions et l’ordre établi. L’excellente Dolores Fonzi campe une Paulina inébranlable et impassible malgré ce qu’elle a subi, jetant habilement un trouble sur nos propres capacités à défendre l’indéfendable. Mais finalement que cherche-t-elle ? Juste à s’opposer à son père pour affirmer son statut de femme libre ? Est-elle vraiment cette idéaliste jusqu’au-boutiste que l’on pressent ? Le réalisateur n’a nullement l’intention de nous permettre de la comprendre. Il s’attache à nous présenter, sans états d’âme ni détours, le portrait complexe d’une femme qui, à la croisée des chemins de sa vie, ne semble pas décidée à dévier de la route qu’elle s’est tracée pour cause d’incident majeur. Malgré le caractère difficilement tenable de sa situation, sa force de caractère suscite l’admiration. On se laisse volontiers entraîner dans ce film féministe et ambitieux à l’aspect documentaire qui parle de violence et de pauvreté mais aussi de liberté et d’espoir de jours plus justes. A voir à lire
Grand Prix de la semaine de la critique Cannes 2015

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SKY

SKY 2De Fabienne Berthaud – 2015 – France -1h42
Avec Diane Kruger, Norman Reedus, Q’Orianka Kilcher, Gilles Lellouche, Lena Dunham…
Romy est en vacances avec Richard, son mari français. Mais le voyage ne se passe pas comme prévu et révèle un peu plus les failles dans le couple. Complètement saoul, Richard se met à flirter avec deux blondes dans un bar. Romy le surprend. Lors d’une énième dispute où il lui reproche d’être stérile, elle pense l’avoir tué. Elle fuit au volant d’une vieille Plymouth mais finit par apprendre que Richard est vivant et à l’hôpital. Elle lui annonce qu’elle le quitte. Enfin libérée, elle entreprend un road-trip entre Las Vegas et les plaines du Nevada. Elle y croise le chemin de Diego, un séduisant ranger… Fabienne Berthaud entraîne sa muse Diane Kruger sur les routes américaines. La cinéaste s’approprie les codes du road-movie et signe le portrait libre et inspiré d’une femme blessée mais lumineuse.

Critique

Pour Romy et son mari, c’est le voyage de la dernière chance. Mais, dans ce Grand Ouest américain où elle rêvait d’aller depuis longtemps, elle réalise le dégoût que Richard lui inspire… Un coup de lampe sur la tête dans la chambre du motel et Romy prend la route, n’écoutant que son instinct…
Ce film est audacieux à plus d’un titre. Pour son troisième long métrage (après Frankie et Pieds nus sur les limaces), Fabienne Berthaud s’est lancée dans un film américain rien qu’à elle, avec halte insolite à Las Vegas et rencontres qui changent une vie dans le désert. Elle a mêlé les influences (Thelma et Louise, Bagdad Café, mais surtout les grands auteurs américains comme Cormac McCarthy ou Jim Harrison) pour mieux brouiller les pistes, puis rouler vers le mélo à plein régime. Son casting, lui-même, est aussi surprenant que cohérent, au final : Lena Dunham (Girls), Norman Reedus (The Walking Dead), Q’Orianka Kilcher (la Pocahontas de Terrence Malick !) et Gilles Lellouche (superbe et pathétique) — sans compter deux Elvis Presley et une créature digne d’Amos Kollek (Sue perdue dans Manhattan)… Quant à Diane Kruger, son égérie, son alter ego, elle lui a maquillé les yeux en bleu pailleté — quel beau plan ! — pour évoquer l’autre ­Romy, celle de L’important, c’est d’aimer d’Andrzej Zulawski. Fougueuse et vibrante, l’actrice se consume et porte haut la foi de Fabienne Berthaud dans les histoires d’amour et de renaissance…
(Guillemette Odicino)

Arrêter une relation nuisible qui stoppe net une route de vie, bifurquer sur une autre route en croyant, en criant, que l’on peut se passer de l’amour, perdre ses repères, avoir peur, puis se laisser faire par le destin, en terre inconnue, telle est l’histoire de Romy (Diane Kruger) que la caméra de Fabienne Berthaud colle au corps soit en silhouette gracile sur fond de paysages arides, soit en cadrages serrés, notamment sur son visage et ses expressions toujours très justes et émouvantes. Avec sa caméra, la réalisatrice semble protéger et accompagner sans relâche son actrice fétiche (3ème film avec elle), bien qu’elle la largue en pleine errance…

Ce beau film est un melting pot de références : Diane Kruger devient, dans un battement de cils pailletés de bleu, Romy Schneider. (un moment fort du film). A déconseiller à tous ceux qui ne croient pas à la reviviscence, car il est ici question des cycles de la vie et de la fragilité des vies humaines, mais aussi de revenir à la vie, celle qui nous convient.

Un beau film audacieux qui demande de se laisser porter, sans à-priori, jusqu’à la fin…

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Le cœur régulier

LE COEUR RÉGULIER 1De Vanja D’Alcantara – Belge, Français, Canadien – 2016 – 1h35
Avec Isabelle Carré, Jun Kunimura, Niels Schneider…
Alice a une vie bien réglée, entre mari, enfants adolescents et belle maison design. Nathan, son frère cadet, vient lui rendre visite. Après un passé agité, il semble avoir trouvé la sérénité au Japon auprès de sa petite amie et grâce au sage Daïsuke. Alors que son avenir s’annonce radieux, il se tue dans un accident de moto. Bouleversée et décidée à faire le point sur sa vie, Alice se rend au pays du Soleil-Levant, pour rendre visite à ce fameux Daïsuke. Sur place, elle découvre des falaises d’où se jettent les désespérés. Daïsuke les surveille pour que ces suicidaires ne commettent pas leur geste fatal. Il les recueille ensuite chez lui. Dans une atmosphère toute japonaise, elle se remet à écouter son cœur…

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FRITZ BAUER UN HÉROS ALLEMAND

Die Heimatlosen / Fritz Bauer (AT) Regie: Lars Kraume Kamera: Jens Harant Produktion: zero one film GmbH Co-Produktion: TERZ Filmproduktions GmbH Szene 106 Staatsanwaltschaft – Bauers Büro?Dr. Schüle weiß um Bauers Verdacht in Bezug auf... abgeb.: Fritz Bauer (Burghart Klaußner) Foto: Martin Valentin MenkeDe Lars Kraume – Allemagne – 2016 – 1h46 – VOST
Avec Burghart Klaußner, Ronald Zehrfeld, Lilith Stangenberg…
Pour sauver son pays, il faut savoir le trahir. En 1957, le juge Fritz Bauer apprend qu’Adolf Eichmann se cache à Buenos Aires et rêve de l’extrader. Les tribunaux allemands préfèrent tourner la page plutôt que de le soutenir. Fritz Bauer décide alors de faire appel au Mossad, les services secrets israéliens.
Fritz Bauer est un personnage hors du commun : il ne s’est pas du tout comporté comme la plupart des victimes de l’Holocauste qui ne voulaient plus en parler. Bien qu’il ait eu à faire face à une très forte résistance, il voulait poursuivre les nazis – non pas par esprit de vengeance, mais parce qu’il était guidé par un grand esprit humaniste et qu’il voulait informer ses compatriotes. Il avait une personnalité lumineuse et il est devenu le personnage principal du film.

A lire : dossier pédagogique sur ce film

Critique

Sur un canevas de film dossier à l’ancienne, Lars Kraume se lance dans une enquête géopolitique captivante contre l’oubli. Burghart Klaussner, formidable, endosse le costume sur mesure de Fritz Bauer, héros de l’ombre en quête de rédemption.
En 1957, le juge Fritz Bauer apprend que le criminel de guerre nazi Adolf Eichmann se cache à Buenos Aires. Les tribunaux allemands préfèrent tourner la page plutôt que le soutenir. Fritz Bauer décide alors de faire appel au Mossad, les services secrets israéliens. En revenant sur cette période palpitante de la vie du procureur allemand, Kraume délivre un bel hommage à un héros de l’ombre qui aura lutté avec abnégation contre l’oubli par esprit de justice. Au gré d’une maîtrise narrative rigoureuse, le cinéaste allemand tire un trait d’union entre enquête géopolitique et film dossier à l’ancienne parfaitement rythmé. La traque du haut fonctionnaire nazi, terré en Argentine, réussit à se montrer particulièrement captivante malgré l’académisme de la réalisation et l’absence d’action. Le film va viser juste dans la mesure où il ne cherche pas à dissimiler des vérités, qu’elles soient flatteuses ou non pour l’Allemagne d’après-guerre, encore gangrénée jusque dans les hautes sphères de l’État (rappelons que d’anciens fonctionnaires de l’Allemagne nazie restent encore présents dans les rouages du pouvoir même après la chute du troisième Reich).
Le procureur Fritz Bauer doit en effet se débattre face à la raison d’État dans sa traque des nazis expatriés. Campé avec une crédibilité déconcertante par un magistral Burghart Klaussner (l’abattage de l’acteur nous touche que ce soit dans le registre dramatique comme dans celui de
l’humour pince sans rire), le personnage de Fritz Bauer nous apparaît à l’ouverture comme quelqu’un de particulièrement pessimiste et désabusé. Ce dernier va pourtant reprendre du poil de la bête, obstiné par l’idée de confronter les allemands à leur passé, lorsqu’il décide de s’atteler de très près au dossier Eichmann. Grâce au soutien d’un fidèle lieutenant (Karl Angermann interprété solidement par Ronald Zehrfeld), Bauer va poursuivre son combat contre l’oubli en marge de ses permissions (nous le verrons par exemple collaborer secrètement avec le Mossad). Les personnages de Bauer et Angermann n’hésitent pas à se mettre en péril, outrepassant les directives par conviction et appétit de justice. En résultera une interrogation plus que pertinente sur les responsabilités individuelles.
Signalons enfin que le film a été récompensé à juste titre par le prix du jury spécial police lors de l’édition 2016 du festival international du film policier de Beaune.

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L’avenir

L'AVENIR 3De Mia Hansen-Løve – France -2016 – 1h37
Avec Isabelle Huppert, André Marcon, Roman Kolinka….
Nathalie est prof de philo tout comme son mari et publie des articles philosophiques qui la passionnent. Le temps d’un été, Nathalie voit son monde s’effacer et ses repères vaciller. Le film raconte avec beaucoup de délicatesse ce moment où, quand son existence bascule, il faut tout reconstruire. Que faire de cette liberté nouvelle et soudaine ? Isabelle Huppert trouve là un rôle à la hauteur de son talent, apportant mille nuances à son personnage. Lumineuse en prof de philo, toujours en mouvement, elle est à la fois énergique et bouleversante de fragilité, intello et légère. Il se dégage de ce film une profonde douceur.
Prix de la mise en scène à Berlin.

Critique

Voici un couple d’intellectuels, des vrais, tous deux professeurs de philosophie, tous deux aimant leur métier, qu’ils exercent à Paris. Cet amour, la réalisatrice le rend d’emblée tangible, à travers l’attachement sensible aux livres ,les idées que le couple échange à table avec ses enfants, le cours que donne Nathalie dans sa classe de lycéens. Tout sonne juste, tout est fluide dans ce tableau culturel qui pourrait être idyllique s’il n’était troublé par un premier souci : la mère maniaco-dépressive de Nathalie (Edith Scob, fantasque à souhait), qu’un moment, agacée, elle n’hésite pas à qualifier de « folle ». Une mère angoissée, ­envahissante, complexe et drôle aussi, qui l’empêche souvent de vivre. A ce tourment s’ajoute une mauvaise nouvelle, soudaine, totalement imprévue…

Alors que tout semblait paisible, harmonieux, voilà que la souffrance s’annonce dans ce portrait de femme de la cinquantaine, brisée, abandonnée, que l’on voit pleurer à plusieurs reprises. Mais cette souffrance est tempérée par un faisceau d’autres sensations. L’Avenir séduit et transporte par sa forme de distanciation pudique, son absence de pathos comme de psychologie. Sans forcing, dans un geste qui semble naturel, la réalisatrice raconte, dessine, plus qu’elle n’explique, en filmant son héroïne comme un personnage à la croisée des chemins. Peu après avoir appris qu’elle allait désormais devoir vivre seule, on découvre ainsi — étrange transition — Nathalie qui se repose au soleil, sur la pelouse d’un parc parisien. Le vent joue avec ses feuilles de cours, qui se mettent à voler. Au chagrin, profond, réel, la réalisatrice joint une douceur suspendue.

Car rien n’est définitivement perdu. Le temps retrouvé ou le temps qui reste à vivre est un thème prégnant chez Mia Hansen-Løve. Jusque-là, elle le traitait surtout du point de vue de la jeunesse. Pour la première fois, elle épouse le regard de quelqu’un de plus vieux qu’elle, qui pourrait être sa mère et qui vient justement se ressourcer auprès de cette jeunesse, vive, dans le Vercors. C’est là que son « protégé », un jeune philosophe brillant à la pensée radicale, qui a rompu avec l’institution, s’est installé, avec des amis regroupés dans un collectif libertaire. Des idées circulent, il y a de la passion, des élans. Mais la force de la réalisatrice, c’est de mesurer, à ce moment-là, le décalage de Nathalie, tout en restant de son côté, de tout coeur avec elle.

Le film accorde autant d’importance aux mots qu’au silence. A la poésie colorée des paysages — de la Breta­gne à marée basse au Vercors doré — qu’aux citations de Rousseau ou de Pascal. L’humour (bienvenu et nouveau), avec ce chat noir capricieux, nommé Pandora, s’invite aussi. Et puis il y a Isabelle Huppert, émouvante, qui ne cesse de trotter, dans la panique. Et qui chemine aussi, ouverte à tous les possibles, dans un présent qui semble infini. — Jacques Morice

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CE SENTIMENT DE L’ÉTÉ

Ce sentiment de l'été 1De Mikaël HERS – France – 2016 – 1H46
Avec Anders Danielsen Lie, Judith Chemla, Marie Rivière…
Un jour d’été à Berlin, Sasha s’est levée du lit, qu’elle partage avec Lawrence, s’est habillée, a traversé le parc qui la sépare de son atelier, a travaillé quelques heures ; est ressortie, il faisait encore jour et, dans le parc s’est effondrée. C’en était fini pour elle. Ce « sentiment de l’été » c’est en premier lieu celui de l’absence, l’absence creusée par la mort subite de cette jeune femme, le film va suivre ensuite l’onde de choc de cette disparition sur son entourage, en particulier son compagnon Lawrence, et sa sœur Zoé, au cours de trois étés successifs et dans trois villes différentes : Berlin, Paris et New York. : belle déambulation autour du deuil, prise comme métaphore de la vie…

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NAHID

Peur de rien 2De Ida Panahandeh – 2015 – Iran – 1h45 – VOST
Avec Sareh Bayat , Pejman Bazeghi , Navid Mohammadzadeh…
En Iran, le couple et la loi : un canevas complexe qu’explore un film inventif. Nahid, jeune divorcée désargentée, vit seule avec son fils de 10 ans dans une petite ville au bord de la mer Caspienne. Selon la tradition iranienne, la garde de l’enfant revient au père mais ce dernier, immature, toxicomane et instable, a accepté de la céder à son ex-femme à condition qu’elle ne se remarie pas… Mais que faire quand elle tombe amoureuse d’un type bien qui veut vivre avec elle ? Le film révèle une surprise, contenue dans le code de la loi, qui va se révéler aussi pratique que tragique pour le nouveau couple. A pas feutrés, la cinéaste, dont c’est le premier film, monte un piège incroyable avec une mise en scène qui joue avec les points de vue. C’est subtil et intense.

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ANOMALISA

anomalisa 3De Charlie Kaufman et Duke Johnson – Etats-Unis – 2016 – 1h30 – VOST
Avec les voix de David Themlis, Jennifer Jason Leigh, Tom Noonan…
Comment rendre compte du rêve américain des chefs des grandes entreprises privées et publiques : celui de façonner un homme standard, interchangeable, uniforme, solitaire et disponible pour appliquer les procédures dans la guerre économique ? Les réalisateurs ont choisi l’animation pour décrire cet homme avec humour sardonique, crudités et idées noires. Voici le col blanc désillusionné, tourmenté par le sexe, cerné par le dégoût du monde et de lui-même. Et derrière les attitudes de pure convention, l’onirisme cauchemardesque révèle les abîmes qui guettent les personnages.

Critique

Pour décrire l’homme-pantin aux normes managériales des grandes entreprises de la société néo-libérale, le choix de la technique de l’animation image par image s’avère éloquent.
Voici un homme qui paraît subir sa vie comme si elle lui était entièrement dictée. Pris dans des schémas rigides de réussite sociale et familiale, il ne se porte pas bien du tout. Il vit dans un monde uniformisé réglé par des procédures toutes faites. En déplacement professionnel, le voici dans un avion, puis dans un hôtel chic mais standard et sans âme. Il doit prêcher la bonne parole capitaliste à des commerciaux dans un congrès. Mais le cœur n’y est pas.
À la veille de la conférence, il se sent très seul dans sa chambre. Après un coup de file sans plaisir à la famille, il retrouve, au bar de l’hôtel une femme probablement séduite et abandonnée cinq ans plus tôt. C’est la cata.
Puis il rencontre deux modestes télé-vendeuses venues de loin pour assister à son intervention. Mû par une banale attirance sexuelle, il conduit l’une d’elles dans sa chambre. Alors, la capacité inattendue de cette femme à vivre et partager l’instant présent, vient infléchir le nihilisme ambiant. Le voilà embarqué dans une aventure entre coup de foudre et cauchemar.

C’est un univers où se croiseraient Michel Houellebecq et David Lynch. Le col blanc désillusionné, tourmenté par le sexe, est cerné par le dégoût du monde et de lui-même. Et puis des décrochages oniriques, absurdes, révèlent les abîmes qui guettent les personnages, derrière les attitudes et les mots de pure convention.

Charlie Kaufman écrivit d’abord cette histoire pour le théâtre. Il est célèbre pour ses scénarios dont celui d’Eternal Sunshine of the spotless mind de Michel Gondry. Avec Duke Johnson, responsable de l’animation, il trouve la forme idéale pour sa crudité, ses idées noires et son humour sardonique. Cette superbe anomalie, drôle et féroce, a reçu de nombreux éloges de la critique et a aussi obtenu l’Oscar du meilleur film d’animation.
Texte librement inspiré de la critique de Louis Guichard, Télérama.

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