Ciné Mont-Blanc
A ne pas rater !!
/!\ Le prochain Coup de Coeur Surprise aura lieu le Lundi 6 Janvier 2025 à 20h 00. A l’issue de la projection, nous vous proposons de nous rejoindre afin d’échanger vos impressions.
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Toute l'équipe Cinécimes vous souhaite une excellente année cinéphile !!
Archives : Archives films
Corporate
CORPORATE
Un film de Nicolas SILHOL
France- -2017 – 1h35
Avec : Céline Sallette
Lambert Wilson
Stephane de Groodt
Brillante responsable des ressources humaines dans un groupe agroalimentaire, Emilie Tesson-Hansen n’a pas d’état d’âme. Dalmat, un cadre d’une quarantaine d’années, veut la rencontrer mais la jeune femme ne cesse de repousser le rendez-vous. Il finit par se suicider dans l’enceinte de l’entreprise. Emilie est tout de suite pointée du doigt. L’inspectrice du travail l’a dans sa ligne de mire. Ses supérieurs ne sont pas plus tendres, notamment Stéphane, le directeur des ressources humaines. Alors qu’elle tente de s’éviter la prison, elle donne des informations à l’inspectrice sur les méthodes de la société… Emilie Tesson-Hansen (Céline Sallette) est une « tueuse », elle en est fière, c’est même pour cela qu’elle a été embauchée comme responsable des ressources humaines par le fringant PDG Stéphane Froncart (Lambert Wilson). S’il l’a recrutée, c’est pour se débarrasser de certains cadres de l’entreprise, trop vieux, pas assez performants, en les poussant à la dépression, donc à la démission. Jusqu’au jour où l’un des cadres qu’elle a mis sur la touche se suicide sur son lieu de travail. La veille, il avait, une fois de plus, désespérément cherché à lui parler, mais elle avait fait la sourde oreille. Lorsqu’une enquête est ouverte par une inspectrice du travail zélée, Emilie est prévenue par sa hiérarchie : dans l’intérêt de la boîte, elle doit faire bonne figure, rester « corporate ». De toute manière, elle n’a rien à se reprocher…Voilà un premier film qui tombe à pic. Alors que les thèmes du burn-out et du stress au travail s’invitent dans la campagne présidentielle, ce thriller psychologique, précis, tendu, décortique les mécanismes du « management par la terreur », de plus en plus en vigueur. Dans un décor sans âme où le stress et l’intimidation sont palpables, Nicolas Silhol privilégie le facteur humain en la (belle) personne de l’inspectrice du travail (Violaine Fumeau), sorte de cow-boy moderne, en lutte contre une rentabilité inhumaine. Mais le personnage pivot est bien sûr Emilie : au-delà du film dossier à la Yves Boisset, Corporate est un magnifique portrait de femme, actrice consentante, et même active d’un système qui lui promet une carrière toujours plus brillante. Constamment dans le contrôle avec son chemisier de rechange et son déodorant pour rester impeccable, elle paraît aussi inébranlable que les baies vitrées des bureaux où se reflète son profil parfait. C’est cette carapace en train de se fendre que filme le réalisateur. Et cette question qui affleure dans les yeux de glace d’Emilie : moi qui suis forte, à quel moment suis-je devenue un monstre ? En creux, il en pose une autre, plus générale : jusqu’à quelles extrémités une femme doit-elle aller pour s’imposer dans un monde d’hommes ? Dans ce rôle, Céline Sallette est remarquable. Dans le contrôle, elle aussi, loin de sa fougue habituelle, elle évoque une héroïne de Hitchcock contemporaine : le feu sous la glace néolibérale. Et chacun de ses regards, de plus en plus apeurés, est un indice de son réveil progressif. Une nuit, alors qu’elle mime un entretien d’embauche avec son mari, la « tueuse » se lance soudain dans un monologue qui trahit son effarement devant ce qu’elle est, ce qu’on la force à être. Particulièrement dans cette séquence, Corporate est un film important. Marquant.
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L’autre coté de l espoir
L’AUTRE COTE de L’ESPOIR
D’Aki Kaurismaki, Finlande 1h38 en Vo, avec Sherwan Haji, Sakari Kuosmanen
OURS d’argent à Berlin 2017
Ours d’argent à Berlin, L’Autre côté de l’espoir est une histoire de destins croisés ceux de Khaled et de Wikhström, ,
Il suit Khaled, un jeune réfugié syrien qui a dû fuir son pays au début de la guerre et s’est retrouvé par hasard en Finlande. Il raconte son histoire comme on réciterait une liste de courses : il a perdu tout ce qu’il avait et tente de retrouver sa sœur dont il a été séparé lors d’un contrôle à une frontière. La femme qui l’écoute est tout aussi impassible que lui. Un ami réfugié irakien de Khaled l’invite à essayer de sourire pour s’intégrer, car, ici, on expulse ceux qui sont tristes. Sauf que les personnages kaurismäkiens sont trop épuisés pour avoir la force d’exprimer quoi que ce soit : le réel les a, semble-t-il, dépouillé aussi de cette capacité làIl suit Wikhström, un représentant de commerce de 50 ans qui, après avoir gagné une grosse somme au poker, quitte femme et travail pour ouvrir son propre restaurant.
La première fois que l’on voit Khaled, c’est une apparition fantastique qui émerge de la nuit et s’extirpe d’un tas de charbon. Il se promène sale, maculé de noir dans les rues d’Helsinki : c’est l’étranger. Lorsque Wikhström quitte sa femme, il fait sa valise, dépose son alliance dans le cendrier situé devant elle. Ils ne se disent rien. Peut-être dans le scénario y avait-il seulement indiqué cette phrase : « Un homme quitte sa femme. »
A la manière de ses personnages, Kaurismäki nous dit à sa façon qu’il racontera toujours la même histoire, celle d’opprimés qui tentent de s’évader, de s’offrir une nouvelle condition. Ils se font une idée très naïve, presque romantique de leur vie meilleure : fonder sa propre entreprise, s’établir dans un autre pays. Comme Khaled, qui pense être arrivé sur une terre d’accueil qui pourtant le rejettera, ils ont la naïveté de croire qu’un ailleurs plus hospitalier existe, qu’on peut réellement se sortir du monde et du travail
Kaurismaki a son romantisme : il fantasme un monde méchant dans lequel un groupe d’exploités s’organiserait pour entrer en résistance ; son système fonctionne par manichéisme. Mais il s’attendrit pour ses personnages, les idéalise, et se voit comme leur consolateur. Ils n’ont rien mais ils auront la bonté, l’esprit de résistance, l’hospitalité. On ne peut qu’ s’’être touché de voir un cinéaste vieillir et, en vieillissant, gagner en inquiétude, en littéralité et en tendresse. Et on trouve en lui un père aimant. L’autre côté de l’espoir déploie , avec un charme fou, un humour flegmatique, une vision du monde légèrement désinvolte et profondément empathique.
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LOVING
LOVING
De Jeff Nichols–Etats-Unis-2016–2h03-VOST
Avec Ruth Negga, Joel Edgerton, Nick Croll, Michael Shannon
Mildred est noire, Richard est blanc. Ils s’aiment et veulent fonder un foyer. On est en 1958,enVirginie, et dans cet État, une union «mixte» est un délit pour lequel on risque la prison.Les voilà poursuivis comme des délinquants, forcés à l’exil dans un autre État.
Une nouvelle version de Roméo etJuliette? Mais, on est au XXème siècle, dans le Sud des États-Unis où le traumatisme de l’esclavage a marqué les esprits.Il est donc question desforcesqui rassemblent et de celles qui séparent: d’un côté une communauté abuse de son pouvoir pour en exploiter une autre, hier par l’esclavage, le colonialisme, l’impérialisme. Et, noussavons que l’exploitation de l’homme par l’homme se poursuità notre époque,de toutes sortes de façons:gestion par le stress, gestion déconnectée des réalités de l’autre, politique du plus bas salaire possible, emplois sans protection sociale, liquidation des entreprisesetc.D’un autre côté, des personnes se rapprochent de membresd’une autrecommunauté,avec curiosité,intérêt, respect,parfoisdésiret amour,sous différentes formes. Ainsi les hommes choisissentou subissentla ségrégation,la haine, leracisme,lerejet,laviolence, ou bien la découverte heureuse de la différence.
Jeff Nichols a choisi de racontercommentce couple,qui a existé, en affirmantavec obstination son amour,a renversé le rapport de force etchangé le cours de l’Histoireen faisant modifierla loi.
Ilaévitéle film-dossier. On y retrouve son souffle poétique dans sa contemplation méditative. Il filme magnifiquement, non pas l’épopée du couple, mais son humilité, son dégoût de l’exposition, sa volonté de ne pas paraître. Tous deux héroïques dans l’obstination de leur tendresse.** Illaisse les sourires et les regards expliquer la lassitude, lesdoutes, la paranoïa qui gangrènent peu à peu le couple sans jamais le faire exploser.*
On lui connaît son sens de l’ellipseet des silences. C’est une histoire d’autant plus grande, qu’elle se développe dans les détails minuscules, intimes et touchants d’un amour au long cours, en butte à la bêtise et à la violence du monde, puis à la médiatisation.***
Extrait descritiques de *Yannick Vely, Paris Match,de **Sophie Avon, Sud-Ouestet de ***Cécile Mury, Télérama.
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LUMIERE L’AVENTURE COMMENCE
Un film de Thierry Frémaux
Documentaire- France-1h 26
Avec :
Les frères Lumière
Leur chef opérateur Alexandre Promio
LUMIERE ! L’aventure commence
Thierry Frémaux, directeur de l’Institut Lumière à Lyon, délégué général du Festival de Cannes nous offre dans ce documentaire une émouvante exploration de l’avènement du cinéma avec une sélection extraordinaire des premiers films des frères Auguste et Louis Lumière. Cet hommage documentaire se décline en onze chapitres pour couvrir tout le spectre cinématographique de cette nouvelle invention. Chacun des 108 films sélectionnés dure environ 50 secondes ce qui correspondait à 17 mètres de pellicule ! En 2016, découvrir sur grand écran tous ces films choisis pour leur pertinence et d’une qualité de restauration absolument sidérante, engendre une expérience sensationnelle. On redécouvre le premier film comique de l’Histoire du cinéma avec le célèbre Arroseur et arrosé, on frémit devant Arrivée du train à la Ciotat provoquant à l’époque la terreur aux premiers spectateurs, on sourit devant Repas de bébé, on s’extasie en voyant Démolition d’un mur à l’envers ou à l’endroit. De façon presque ethnologique ces films reprennent leur caractère si précieux en nous dévoilant comme rarement le portrait de la France de la fin du XIXe et l’avènement du XXe à travers les rues de France ou les pays du monde entier.
L’érudition et les commentaires pédagogiques pertinents de T.Frémaux apportent un décryptage astucieux, une mise en perspective salutaire, rétablissant ainsi à sa juste valeur le génie des frères Lumière et la qualité de mise en scène de leurs films. Il apparaît clairement qu’ils ont posé les bases d’une véritable grammaire cinématographique. Chaque film montre l’étendue de leur savoir-faire, plaçant toujours une caméra fixe au bon endroit, dans un bon angle de vue, n’hésitant pas à pratiquer des installations sur des moyens de transports maritimes ou aériens, ascenseurs ou balcons pour offrir des « vues en panoramas », les futurs travelling du cinéma « moderne » ou des mises en scène savamment orchestrées et jouées par des membres de la famille ou quidam trouvés dans la rue rejouant des gestes domestiques dans des saynètes de la vie quotidienne.
Thierry Frémaux met en lumière par sa voix off les liens notables avec les réalisateurs Méliès, Griffith, Ozu ou Visconti.
Ces « petits » films muets s’accompagnent avec grâce d’une partition musicale entièrement emplie de morceaux de musique classique de Camille Saint-Saëns, musicien contemporain des frères Lumière, donnant à ce voyage l’émotion et le lyrisme nécessaire pour mieux finir de nous envoûter.
Entre des analyses esthétiques et des commentaires ludiques, ce voyage à travers l’œuvre des Lumière, est aussi pleinement un film familial. La respiration en chapitres courts, le ton de la voix qui semble comme raconter une histoire au coin du feu, le plaisir de voir apparaître des similitudes ou des variations entre le lointain et le familier, voilà autant d’arguments pour voir le film entre adultes et enfants. Les Lumière dès leur origine, sans rien gommer de la réalité de ce qu’ils captaient, instituaient le cinéma comme un instrument d’égalité. Une belle leçon de cinéma et de vie à partager en famille.
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Certaines femmes
Réalisation KELLY REICHARDT
USA
Avec : Laura Dern, Michelle Williams, Lily Gladstone, Kristen Stewart
Durée : 1H47
Laura est avocate. Tous les jours, elle reçoit la visite d’un type paumé, Fuller, dont la vie part en vrille à la suite d’un accident du travail pour lequel il voudrait faire reconnaître la responsabilité de son employeur. Laura est la maîtresse de Ryan, un homme marié. Gina, la femme de Ryan, souhaite construire sa maison avec les pierres présentes sur le terrain d’un vieil homme. En compagnie de son mari, elle rend visite à ce dernier et tente de le convaincre. Ryan n’est d’aucune aide. Cette négociation est une nouvelle fois révélatrice du fossé qui s’est creusé dans leur couple. Jamie, une jeune femme solitaire, travaille dans un ranch. Lors d’un cours du soir, elle tombe sous le charme de Beth, une jeune avocate harassée par les kilomètres qu’elle doit parcourir pour faire classe…
Depuis Old joy, son premier long métrage, la réalisatrice américaine Kelly Reichardt trace le sillon d’un cinéma sensitif, fait de petits riens que sa mise en scène sublime pour toucher durablement le spectateur. En adaptant trois nouvelles de Maile Meloy, la réalisatrice de La Dernière piste raconte « L’Americana », avec une rare économie d’effets mélodramatiques. Dès son premier plan, un train qui passe lentement devant le décor enneigé du Montana, Certaines femmes impose son rythme et demande une minutieuse observation de ce qui se passe dans le cadre. Tout se joue dans les regards et les silences, rien n’est imposé.
Trois histoires non liées se suivent mais une même solitude envahit peu à peu les récits, note de fond ajouté par le quatrième personnage principal du film, le paysage froid du Montana, qui rend les déplacements difficiles et les élans du cœur impossibles à exprimer. La beauté de Certaines femmes tient dans l’empathie que fait éprouver Kelly Reichardt pour ses personnages. Par la beauté sereine de sa mise en scène, le quotidien le plus trivial devient bouleversant. Et quand une jeune femme amoureuse se promène fièrement à cheval pour déclarer sa flamme, le cœur enfin s’emballe et l’émotion nous étreint. (Yannick Vély) Utopia
Avec une douceur et une délicatesse infinies, scrutant les microévénements qui font le tissu du quotidien, regardant magnifiquement ses grandes actrices (dont la révélation Lily Gladstone, aussi éblouissante que ses trois autres partenaires), Kelly Reichardt déploie un minimalisme et une précision sans surlignage qui rappellent la puissance nue du cinéma de Jarmusch, des nouvelles de Carver ou des chansons de Springsteen. Sans brandir un drapeau, sans jamais faire la leçon, elle brosse de petits croquis de la condition féminine dans un bourg de l’Amérique profonde, région où se mêlent la modernité universelle (internet, portables, etc.) et les invariants locaux (grands espaces, isolement, masculinisme latent. Les Inrocks
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CHEZ NOUS
À Hénart, petite ville – fictive – du Nord, tout le monde connaît Pauline Duhez (Émilie Dequenne), une infirmière qui sillonne tous les jours les rues de la cité. Normal qu’à l’occasion des élections municipales, le docteur Berthier (André Dussollier), ancien député européen et notable bien connu, lui propose de venir sur la liste d’Agnès Dorgelle (Catherine Jacob), chef du Rassemblement National Populaire. Le plan de Berthier est le suivant : Pauline sera numéro deux derrière la blonde parisienne Dorgelle et elle fera le boulot pour celle qui doit privilégier son engagement national.
Au début, Pauline est sur un petit nuage, cela la change de son travail auprès des malades, même si elle l’aime bien. Mais très vite la machine se grippe quand elle apprend que Berthier masque un passé douteux d’activiste d’extrême-droite. Cette gêne est accentuée par le nouveau compagnon de Pauline, Stanko (Guillaume Gouix), un ami d’enfance, qui a fait partie autrefois des nervis au service de Berthier. Cela aussi, Pauline aurait préféré ne pas le savoir.
Donc, ce qui ne devait être qu’une formalité, une marche facile vers la victoire, s’annonce plus compliqué. Les cadavres sortent des placards et Agnès Dorgelle, qui veut faire oublier les déclarations tonitruantes de son père sur les juifs, les arabes et les « apatrides », a bien du mal à gommer le passé sulfureux de ses principaux collaborateurs. Mais elle y arrivera.
La réussite de « Chez nous » tient à la ligne du réalisateur : il suggère sans démontrer, il tente d’expliquer mais jamais n’affirme de manière péremptoire. Il filme les coulisses dans cette fiction, il donne une sorte de profondeur de champ à un mouvement au fond assez opaque. S’il prend parti, c’est pour la transparence. Lucas Belvaux aime le Nord. « Cette campagne est belle, dit-il, belle à l’aube, quand elle est bleue, à midi quand elle est verte, belle encore le soir quand les villes l’illuminent ». Il ajoute qu’elle est triste quand les hommes la couvrent de zones commerciales. Et tout cela est dans son film avec les aubes et les crépuscules magiques mais aussi les échangeurs d’autoroutes sans âme, les rangées de maisons proprettes où l’on se sent en sécurité, « chez nous », mais aussi les barres d’HLM ouvertes aux quatre vents, chez eux… Un beau pays meurtri et en colère.
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Noces
NOCES
Est-ce si important de savoir que ce film est inspiré d’une histoire vraie, qui s’est déroulée à Charleroi, en 2007 ? Non, car il est aussi inéluctable, implacable et universel qu’une tragédie grecque, seulement déplacée sous le ciel gris du plat pays.
Zahira, une beauté sombre de 18 ans, fait la fierté de son aimante famille belgopakistanaise. Elle est étudiante et si elle se tourne vers l’avenir, c’est sans renier ses origines. Jusqu’au jour où sa jeune vie s’emballe et se détraque. Non seulement elle apprend qu’elle est enceinte d’un garçon qui la repousse alors, mais elle se voit aussi imposer par son père un mariage traditionnel, version Skype, avec un Pakistanais resté au pays. Après avoir tenté de résister, Zahira finit, croit-on, par céder. Mais le pire est encore à venir.
Le Bruxellois Stephan Streker, dont c’est le troisième film, a l’intelligence d’arbitrer, sans prendre parti (un art où excelle l’Iranien Asghar Farhadi), le combat clandestin qui oppose, dans un petit appartement européen, deux cultures, deux mondes irréconciliables, que Zahira avait pourtant réussi à harmoniser.
Dans le rôle de l’héroïne sacrificielle, Lina El Arabi, cette Antigone d’aujourd’hui, est proprement époustouflante. Elle est la révélation de ce film sans illusions sur les « Noces » de la coutume et de la modernité. Elle offre à la rébellion un visage doux et décidé. Celui de la liberté que seule la fatalité peut entraver. Sujet ultra sensible.
3 Prix et 5 Nominations dans les Festivals
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Fais de beaux reves
FAIS DE BEAUX REVES
Turin, années 1960. Massimo a neuf ans et sa mère remplit sa vie d’une joie immense. Une mère aimante, dansante, enjouée, fascinée par Belphegor. Mais c’est aussi une mère qui semble parfois absente, lointaine, comme perdue dans son monde, recluse entre les murs qu’elle dresse elle-même autour d’elle. Une mère qui passe du rire le plus naturel à la gravité la plus insondable, sans prévenir. Massimo l’aime inconditionnellement, cette mère, comme elle est : privilège des enfants d’aimer sans réserve. Mais au matin d’une nuit pas comme les autres, agitée, décousue, Massimo se réveille et sa mère a disparu, partie comme une étoile filante. Son départ laisse évidemment un vide abyssal, que rien ni personne ne peut combler.
A cette époque (mais est-ce si différent aujourd’hui ?), on croit encore qu’il est préférable de ne pas tout dire aux enfants, qu’ils ne peuvent pas comprendre, que le secret voire le mensonge sont préférables à la douloureuse vérité. Et Massimo ne saura rien ou presque… Alors pour accepter l’inacceptable il va chercher de l’aide auprès de leur amie Belphégor…
Avec une extrême délicatesse, Marco Bellochio filme Massimo à plusieurs âges de sa vie, jusqu’à la quarantaine. Nous sommes avec lui, parfois aussi perdus que lui, dans ce monde où les enfants ne sont informés que par des bribes de conversations volées aux adultes. Nous sommes encore avec lui quand, adolescent, il se fabrique une carapace en mentant aux autres et un peu à lui-même. Mais, tant bien que mal, il trace sa vie. Ainsi, grandi avec le stade de l’équipe du Torino juste sous ses fenêtres, il sera d’abord journaliste sportif, puis il deviendra reporter de guerre. Une profession où il parle des autres pour mieux se cacher encore. Mais sa fêlure intérieure ne lui permet jamais d’être véritablement relié au monde.
La caméra virtuose de Bellochio donne à ce drame intimiste une réelle ampleur, notamment par la beauté des plans et par l’ambiance si juste qui parcourt tout le film.
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Souvenir
Un film de Bavo Defurne
France /Belgique/Luxembourg -2016 – 1h30
Avec : Isabelle Huppert/Kevin Azaïs/Johan Leysen
SOUVENIR
Année exceptionnelle pour Isabelle Huppert : grâce à Elle, le film de Paul Verhoeven, elle accumule les prix et les nominations des deux côtés de l’Atlantique, en route, probablement, pour la prochaine cérémonie des Oscars. Il y a eu aussi, en début d’année, la réussite deL’Avenir, de Mia Hansen-Love, et le spectacle événement Phèdre(s), entièrement conçu autour d’elle. Après ce grand chelem, Souvenir, réalisé par un Flamand quasi inconnu, paraît bien modeste, au moins dans son propos — le come-back d’une chanteuse oubliée. Mais il montre à quel point la présence d’Huppert, dès lors qu’on la place au centre de l’histoire, tire un film vers le haut, apporte l’ambiguïté et l’irrésolu, autant dire le cinéma.
Soit, donc, une employée anonyme dans une usine de charcuterie. Un jour, un jeune collègue croit reconnaître en elle une gloire éphémère de la variété des années 1970. Elle nie. Il insiste. Lui qui se destine à la boxe projette son ambition sur elle. Il se met en tête de la faire remonter sur scène. Ils deviennent associés et amants… L’habileté du film : partir d’une situation hautement improbable, à tous égards, pour traiter, précisément, de ces chimères sans lesquelles les vies humaines seraient vaines et plates. Huppert en ouvrière spécialisée dans la terrine, Huppert en chanteuse glamour, Huppert en maîtresse passionnée de Kévin Azaïs (révélation desCombattants, à nouveau lumineux) : étape par étape, le ridicule est neutralisé. Un charme baroque s’installe, dans une simplicité presque désarmante. Entre prosaïsme et féerie (un alliage assurément belge), sur fond de Pink Martini (le groupe lui aussi un peu oublié qui signe les chansons d’Huppert), Souvenir est une fable plus subtile que prévu. L’idée de l’accomplissement professionnel (artistique, sportif) semble d’abord centrale pour les deux partenaires et dans leur relation amoureuse. S’immisce, ensuite, l’hypothèse que ni l’un ni l’autre ne sont particulièrement doués dans leurs disciplines respectives. Cette défaillance, à peine formulée, remet en question leur lien. Puis d’autres événements changent encore la donne, et la fin scintille étrangement. Elle confronte l’idéalisme des personnages à une réalité très crue, passée sous silence jusque-là. Morale : cet impossible auquel, dit-on, nul n’est tenu, chacun y tient plus que tout.
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Neruda
CINÉCIMES Du 2 au 7 février
NERUDA
Pablo LARRAÍN – Chili/Argentine/France/Espagne – 2016-1h48-VOST
Avec Luis Gnecco, Gael Garcia Bernal, Mercedes Morán.
« Pablo Neruda est comme l’eau qui coule sur les doigts, on ne peut pas l’attraper, mais les mains restent mouillées. » Le plus fameux des poètes chiliens ne peut être figé dans une biographie classique : visionnaire, séducteur et facétieux, homme d’État, insoumis, opposant communiste. Pour le réalisateur, « le film n’est pas une histoire sur Neruda, c’est une histoire nérudienne. Un film sur la légende, sur la littérature, sur la manière dont on peut appréhender la société par le prisme de la poésie. Je viens d’un pays qui est défini par les poètes. Sans Pablo Neruda, mais aussi bien d’autres, Gabriela Mistral et Vicente Huidobro, Pablo de Rocka, Jorge Teillier ou Nicanor Parra, je ne sais plus qui nous sommes. »
C’est donc une rêverie lumineuse, libre et vibrante sur son illustre compatriote. Situé à la fin des années 1940, le film ne reconstitue pas la fuite du grand homme, pourchassé par les sbires du président d’alors, Gabriel González Videla : il la réinvente, en fait un inclassable jeu du chat et de la souris, à la fois épique, fantasque et ironique.
Dans ses films, il s’agit pour lui d’approcher « des gens victimes des circonstances historiques et forcés de se comporter d’une manière qu’ils ne comprennent pas pleinement ». En 1973, lorsque la démocratie chilienne de Salvador Allende s’écroule sous les roquettes des putschistes, lorsque meurt Pablo Neruda, Pablo Larraín, aujourd’hui âgé de 40 ans, n’était pas encore né. Délibérément, il prône un regard anachronique : « Quand je fais un film sur Neruda, je sais ce qui s’est passé depuis. (…) Quoi que je raconte, c’est toujours une fabrication à partir du présent. »
C’est donc avec la voix off de Gael Garcia Bernal que commence le film. Cet implacable policier est en fait un fantasme né de l’imagination de Neruda, qui ne déteste pas se voir en ennemi public dans le regard envieux de celui qui le traque.
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