De Joachim Trier – Norvège-France-Danemark – 2015 – 1h49 – VOST
Avec Isabelle Huppert, Gabriel Byrne, Jesse Eisenberg…
C’est un film beau et grave dont le titre était “Plus fort que les bombes”, transformé par le distributeur après les attentats. Trois ans après la mort inattendue d’une photographe de guerre, une exposition sur son travail réunit son mari et ses deux fils qui ne se sont pas vus depuis longtemps. Le passé, avec sa rafale de révélations, est explosif et force les trois hommes à se découvrir sous un nouveau jour. La mort est une bombe à retardement. Revenue chez les siens par flash-back, Isabelle Huppert est impressionnante, et les deux garçons passent sous nos yeux de l’enfance prolongée à l’âge adulte, celui des peines inguérissables. Tout cela est raconté sans psychologisme, seulement l’exploration d’un traumatisme. Ce qui est caché frappe plus que ce qui est montré.
Sélection officielle Cannes 2015
Critique
C’est l’un de ces films qu’on n’attend plus, et qu’on est heureux de voir : élégant, sensible, pastel. Tout se passe en courants d’amour invisibles, entre un homme esseulé, un fils adulte qui vient d’avoir un bébé, un autre fils adolescent que l’avenir et le passé tourmentent. Au centre, une femme invisible : Isabelle Reed (Isabelle Huppert), photographe de guerre morte dans un accident de voiture. Un galeriste organise une expo, et les souvenirs remontent, flottent comme des brumes, s’entrecoupent de rêves abrupts, de confidences amères, de silences chargés de munitions. Peu à peu, différentes vérités s’empilent : Isabelle Reed s’est suicidée, Isabelle Reed avait un amant, Isabelle Reed portait la guerre en elle… Joachim Trier capte des choses invisibles, des fils d’araignée qui se tissent entre un père et ses deux fils : jalousie, rage, amour, illusion…
Il y a, chez Trier, un écho du cinéma d’Antonioni, en plus doux, en plus attentif. Back Home est une œuvre soyeuse qu’on laisse s’installer, comme une petite sonate entêtante : et puis, peu à peu, la poésie des regards, les couleurs de la vie, la mélodie de la mémoire triomphent.