Ciné Mont-Blanc
A ne pas rater !!
/!\ Le prochain Coup de Coeur Surprise aura lieu le Lundi 7 Avril 2025 à 20h 00. A l’issue de la projection, nous vous proposons de nous rejoindre afin d’échanger vos impressions.
Archives auteur : admincc
Un Petit Frere
UN PETIT FRERE
de Léonor SERRAILLE,
FRANCE (1h56)
Chronique de plus de 20 ans de la vie d’une jeune mère ivoirienne et de ses deux fils installés en France en 1989. Avec autant d’ambition que de sens de détail, la cinéaste Léonor Serraille rend profondément romanesque cette odyssée du quotidien en trois volets, qui portent les prénoms de chacun: Rose, puis Jean (Stéphane Bak), et enfin Ernest (Ahmed Sylla), le petit frère du titre.
Rose, superbement interprétée par Annabelle Langronne, révélation à la présence magnétique, à la noblesse vacillante. Arrivée d’Afrique avec un passé qu’en deux répliques on devine douloureux, cette jeune mère célibataire est logée, en attendant mieux, par des membres de sa famille installés de longue date dans la banlieue parisienne, et travaille comme femme de ménage d’un hôtel où elle brique, mais fait souvent des pauses pour fumer, pour rêver.
Rose n’a peur de rien. Ni de travailler dur, ni de sortir danser, ni d’élever ses fils qu’elle adore mais auxquels elle ne passe rien: il faut qu’ils réussissent, qu’ils soient des élèves exemplaires, même si l’aîné râle quand elle l’habille trop élégamment pour aller à un concours de maths. Rose est une femme libre, ou qui tente de l’être dans une vie précaire et un contexte social où il serait plus simple d’avoir un homme à ses côtés. Sa communauté lui conseille de se caser avec Jules César. C’est, au contraire, avec un ouvrier tunisien rencontré sur les toits de Paris qu’elle croit l’amour possible, un temps. Avant d’accepter de s’installer à Rouen, délaissant ses fils adorés pour un Français qui lui promet la lune…
Les fils, eux, grandissent au fil du film, pendant que les rides tracent sur le visage de Rose les sillons d’une certaine désillusion. Mais pas une once de misérabilisme dans le regard précis et poétique de Léonor Serraille. Pas de tragédie ou de sociologie faciles: la vie est un doux drame en soi, quand on est une femme qui n’accepte aucun diktat, mais qui se trompe aussi. (…) Un grand film sur la beauté de la fierté comme ce principe transmis par Rose à ses fils: «il faut se cacher pour pleurer» -«on pleure dans sa tête?» mime, avec un geste délicieux, le petit Ernest -«C’est ça, on pleure à l’intérieur»
Publié dans 8ème film du programme, Archives films
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Kirill Serebrennikov
Né le 7 septembre 1969 à Rostov-sur-le-Don
Russie
Réalisateur, scénariste, metteur en scène de théâtre et d’opéra
Playing the Victim, Le Disciple, Leto, La
Fièvre de Petrov, la Femme de Tchaîkovsky
Incroyable destin que celui de Kirill Serebrennikov. Un cocktail explosif à lui tout seul. Père juif russe. Mère polono-ukrainienne. Né à Rostov-sur-le-Don (Russie), voici cinquante-trois ans. Ajoutez, avec le temps, physicien viré saltimbanque, artiste polymorphe (théâtre, cinéma, opéra), agitateur invétéré, homosexuel et démocrate revendiqué. Liberté, diversité, refus de l’assignation identitaire et du patriotisme borné. Tout ce que le pouvoir russe abhorre. Cela devait mal tourner. Il s’est retrouvé accusé de malversations, assigné à résidence en 2017, condamné à trois ans de prison avec sursis en 2020. Il s’échappe de la geôle russe en mars 2022. La sortie de portrait saisissant d’une aliénation, équivaut pour le réalisateur à une libération.
Qu’avez-vous trouvé de particulièrement inspirant dans cette histoire d’amour à sens unique et de folie au point d’y consacrer un film ? Comment avez-vous déjoué les pièges de l’académisme, qui sont souvent les travers des films biographiques et historiques ?
Publié dans Archives réalisateurs, Réalisateurs
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Benoît Jacquot (Par Coeurs)
France
Réalisateur
Par Coeur, L’Intouchable,Villa Amalia, Les Adieux à la Reine, Suzanna Andler, Par Coeurs
Par coeurs : c’est quoi ce documentaire avec Isabelle Huppert et Fabrice Luchini ?
Isabelle Huppert et Fabrice Luchini, côté coulisses
En 1998, le cinéaste Benoît Jacquot réalise Par coeur, un documentaire qui est une captation de la lecture au théâtre, seul en scène, de grands auteurs par Fabrice Luchini. 24 ans plus tard, il reprend quasiment le même principe dans Par coeurs pour cette fois filmer Isabelle Huppert et Fabrice Luchini au Festival D’Avignon 2021. La comédienne y était pour la représentation de La Cerisaie d’Anton Tchekhov, et le comédien pour une lecture de Friedrich Nietzsche. (suite…)
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Vivre ( Oliver Hermanus )
Afrique du Sud
Acteur, réalisateur, scénariste
Shirley Adams, Moffie, Vivre
Un remake aussi réussi, voire plus convaincant encore que l’original, c’est possible. Soixante-dix ans après Akira Kurosawa, le réalisateur sud-africain Oliver Hermanus propose sa version de Vivre. L’histoire d’un fonctionnaire inflexible qui, quand il découvre être atteint d’une maladie sans espoir de guérison, consacre les derniers mois qu’il lui reste à profiter enfin de l’existence et entreprendre une bonne action. Le film, d’une émotion poignante, doit beaucoup (…) au scénario de Kazuo Ishiguro, Prix Nobel de littérature 2017. Le romancier britannique d’origine japonaise, dont plusieurs livres ont été adaptés à l’écran (Les Vestiges du jour par James Ivory, Auprès de moi toujours par Mark Romanek), a transposé avec brio l’intrigue nippone du film de Kurosawa dans l’Angleterre en reconstruction des années 1950. Rencontre avec un écrivain cinéphile aussi passionné que méthodique (du genre à regarder sept films de Nicholas Ray à la suite…).
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Hynur Palmason ( Godland )
Né le 30 septembre 1984 à Rekjavik
Islande
Réalisateur, scénariste, directeur de la photographie
Winter Brothers, Un Jour si Blanc, Godland
Entretien avec Hlynur Palmason, réalisateur
GODLAND se déroule à l’époque où l’Islande était sous domination danoise. Qu’est-ce qui vous a amené à traiter une histoire du temps de la colonisation ?
Ma vie a toujours été partagée entre ces deux pays très différents, qui m’ont modelé de nombreuses manières. L’autorité de la couronne danoise en Islande a pris fin il n’y a pas si longtemps et je ne l’ai jamais vraiment vue dépeinte au cinéma. J’avais envie d’explorer les contraires dans le paysage, dans les tempéraments et dans le langage, ou disons la source de nos malentendus, mais également les oppositions de forme et de sentiment et la façon dont elles se révèlent dès que l’on met ces deux pays l’un face à l’autre. (suite…)
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Par cœurs de Benoit Jacquot
PAR CŒURS de Benoit Jacquot France 2022 1 h 16
Avec Fabrice Lucchini et Isabelle Huppert
Festival d’Avignon, été 2021. Une comédienne, un comédien, face à leur rôle, leur texte, juste avant les représentations. Devant la caméra documentaire de Benoit Jacquot, Isab
elle Huppert et Fabrice Luchini au travail.
Par cœurs invite le spectateur à un moment suspendu, dans lequel deux amoureux et maîtres de leur art se livrent à ce qu’ils savent faire de mieux : caresser les mots de leur passion qu’ils ont pour eux.
Avec beaucoup de générosité, Isabelle Huppert et Fabrice Lucchini ouvrent des portes presque sacrées : Dans cette intimité de l’avant représentation, qui renferme tous les doutes et les derniers instants de présent avant de quitter le monde des coulisses pour ceux de la lumière, les deux acteurs se livrent complètement. La rencontre, bien qu’elle n’ait jamais lieu, est celle d’un duo de glace et de feu. L’une a l’élégance de la précision, l’autre l’exubérance de la passion. Deux comédiens aux antipodes l’un de l’autre et pourtant animés par cette même faim du mot délivré à sa plus juste valeur – soit dans son exactitude, soit dans son sens véritable
.
Par cœurs est une introduction dans le vif de ce que représentent Isabelle Huppert et Fabrice Lucchini dans le paysage de la belle interprétation française. Chaque moment aux côtés de celui qui aime d’un amour sans égal le théâtre et chaque instant de pur abandon auprès d’Isabelle Huppert font le film. L’actrice y est bouleversante de franchise, ouvrant à la caméra des moments de travail acharné mais qui, comme par miracle, s’ouvrent sur une infinie légèreté. ; les moments d’introspection sont forts.
Moins qu’une rencontre au sens propre du terme, Par cœurs propose une comparaison savamment montée en champs contre champs, explorant les similitudes non seulement entre les artistes, mais également entre les exercices dans lesquels on les retrouve – une pièce avec troupe et répliques à donner pour Huppert, un seul en scène comme il les affectionne pour Lucchini.
Ce film est un plaisir pour les amateurs de ces deux grands acteurs, une gourmandise à savourer pour ceux qui aiment le beau verbe dans de belles bouches.
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Mario Martone ( Nostalgia )
Né le 2à novembre 1959 à Naples
Italie
Réalisateur, scénariste, metteur en scène de théâtre et d’opéra
Mort d’un Mathématicien Napolitain, Nostalgia
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Les 8 Montagnes
LES HUIT MONTAGNES
Film de Felix Van Groenningen, Charlotte Vandermeersch, Italie/Belgique/France – 2h30
Avec Luca Marinelli, Alessandro Borghi, Filippo Timi.
Depuis La Merditude des choses et Alabama Monroe, on sait que Felix Van Groeningen n’a peur de rien. En tout cas ni du mélo, ni du trop-plein. Nouvelle preuve avec ce Huit montagnes, co-réalisé avec sa femme Charlotte Vandermeersch. Adapté du roman de Paolo Cognetti, le film suit de l’enfance à l’âge adulte Pietro, l’enfant solitaire de la ville, et Bruno, le gamin farouche de l’alpage. Récit d’initiation mélancolique, Les 8 montagnes raconte leur histoire d’amitié et la manière dont ces deux copains grandissent, se construisent et s’éloignent pour mieux se retrouver. Bruno reste sur les lieux de sa naissance, se marie, devient père et monte son entreprise. Pietro, lui, cherche des réponses dans l’exil. Il erre, pose son sac au Népal, sans parvenir à s’enraciner… Tout quitter pour se (re)trouver ou s’ancrer pour se construire ? La chronique existentielle flirte (parfois) avec les leçons de vie et les maximes de développement personnel, mais comme toujours chez Groeningen il s’agit de nous embarquer dans des montagnes russes émotionnelles. Et l’émotion est là. Souvent inattendue. Pris à bras-le-corps dans une histoire intense, parfois violente, le spectateur suit les héros entre désenchantement et lyrisme. Incroyablement filmé (les montagnes occupent tout l’espace du cadre carré), incroyablement incarné (est-ce qu’un jour Lucas Marinelli, l’interprète de Pietro, aura le succès qu’il mérite ?), le film produit des vibrations intimes puissantes et impressionne par sa maestria visuelle et sa manière de mettre l’homme face à lui-même, entre doute, renoncement et espoir émerveillé. Ce film a été tourné dans le Val d’Aoste (Italie).
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Nostalgia
Italie: 2022/ 1H57
Réalisé par Mario Martone
Avec Pierfrancesco Favino, Tommaso Ragno, Francesco di Leva
Mario Martone est napolitain avant tout, et son film se passe intégralement à Naples, en grande partie dans un de ses quartiers, La Sanita, quartier populaire mythique fait de ruelles en pentes, d’immeubles décatis creusés à même la roche, et arpenté encore aujourd’hui par les sbires de la mafia locale.
«La connaissance est dans la nostalgie. Qui ne s’est pas perdu ne possède pas. Pasolini.
Homme d’affaires expatrié, passé par le Liban et l’Afrique du Sud, désormais basé au Caire, Felice Lasco revient à Naples, la ville où il a grandi, dans le quartier labyrinthique de la Sanità. Il y retrouve sa mère, les rues de son enfance et décide de renouer avec ce lieu dont il a été absent trop longtemps. Où il va devoir composer avec la nouvelle donne locale, toute en vives tensions mafieuses, et faire l’inventaire de vieux souvenirs liés à son ancien meilleur ami, Oreste Spasiano, cause de son départ quarante ans plus tôt et aujourd’hui à la tête d’une tentaculaire organisation criminelle.
Nostalgia réussit toutefois à taper terriblement juste lorsqu’il aborde son sujet central, qui est moins la nostalgie que le déracinement. Exprimé avec finesse et une étonnante économie de moyens par le personnage de Felice (Pierfrancesco Favino, excellent, on a l’habitude), nœud d’opiniâtreté, de rêves et de contradictions impossible à délier. Qui ne peut revenir à la raison alors que tout indique que la seule voie sensée est de refaire ses valises pour retrouver son épouse au Caire. Qui vit au passé mais repousse indéfiniment son départ pour s’inventer à tout prix un présent dans un lieu qu’il habite mais où il n’existe jamais vraiment.
Le film est tiré d’un roman, Nostalgia, écrit par Ermanno Rea, sorti juste après sa mort en 2016. Il met en scène outre notre héros Felice, un prêtre énergique en lutte contre la Camorra. Prêtre inspiré par le personnage réel de Don Antonio Loffredo, curé de la paroisse de Santa Maria della Sanità, ( qu’on retrouve dans le film ), et qui a lutté en proposant une alternative de culture et de sport aux jeunes du quartier. Ermanno Rea journaliste et homme engagé, esprit critique y compris vis-à-vis de ses propres idéaux, témoin des mutations de la société italienne, a toujours porté un discours de combat et d’utopie.
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La Femme de Tchaikovsky
Un film de Kirill Serebrennikov
Avec : Aliona Mikhaïlova, Odin Biron…
Russie – 2h23 – VOST
Plus qu’une simple reconstitution historique en costumes, mieux qu’un énième biopic compassé consacrant le génie du compositeur, La Femme de Tchaïkovski est un extraordinaire poème halluciné, baroque, sombre, virtuose, qui tour à tour enflamme et désarçonne, grise le spectateur d’images, d’émotion et de mise en scène, et ne se laisse abandonner qu’à regret, à bout de souffle après presque deux heures et demie de folie visuelle d’une rare puissance.
Ce pourrait être une variation sur l’éternelle histoire chère à Victor Hugo d’« un ver de terre amoureux d’une étoile ». Mais si Tchaïkovski brille assurément au firmament de la musique russe de son temps, Antonina Miliukova n’est cependant pas, au commencement du moins, du genre à ramper devant l’objet de son adoration. Jeune femme de tête et de bonne famille, elle est plutôt du genre volontaire, persévérante et obstinée sinon têtue. Convaincue avant même de l’avoir vécue de la passion qu’elle pense éprouver pour le compositeur, elle s’y donne tout entière comme elle entrerait en religion orthodoxe – avec méthode et fermeté, jusqu’aux frontières de l’érotomanie. Contre vents, marées, conseils amicaux et avisés, contre toute raison, alors que l’homme est notoirement homosexuel – il ne s’en cache du reste pas –, Antonina force les portes, l’amour et le destin. Et, contre la promesse d’une dot qui sauverait le musicien, toujours en recherche de prébendes pour assurer son train de vie, elle parvient à devenir officiellement et pour l’état civil Madame Tchaïkovski. Mais l’union tourne rapidement au cauchemar et plus le mari la fuit, la rejette, protégé par sa famille, par ses amis et ses amants, plus la malheureuse s’acharne à être reconnue comme son épouse légitime et tente de lui imposer une vie de famille qui lui fait horreur.
Que ce soit de son vivant, du temps de l’URSS ou plus près de nous sous la férule de Vladimir Poutine, il n’était, il n’est toujours pas question de valider la « fable » entretenue par l’occident dépravé, la « théorie sans fondements » de l’homosexualité de Tchaïkovski, tout simplement « un monsieur solitaire qui n’a pas réussi à trouver la bonne personne. Le paria Serebrennikov aura mis à profit sa longue assignation à résidence à Moscou pour peaufiner son scénario, le faire radicalement dériver vers la figure aussi effrayante que bouleversante d’Antonina Miliukova, et livrer, presque dix ans après sa première ébauche, un film sublime, tourmenté, à la mise en scène fiévreuse et éblouissante, qui se double, du fait de l’histoire de sa gestation et de la part du réalisateur russe vivant désormais en exil, d’une puissante charge politique.
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