De Charlie Kaufman et Duke Johnson – Etats-Unis – 2016 – 1h30 – VOST
Avec les voix de David Themlis, Jennifer Jason Leigh, Tom Noonan…
Comment rendre compte du rêve américain des chefs des grandes entreprises privées et publiques : celui de façonner un homme standard, interchangeable, uniforme, solitaire et disponible pour appliquer les procédures dans la guerre économique ? Les réalisateurs ont choisi l’animation pour décrire cet homme avec humour sardonique, crudités et idées noires. Voici le col blanc désillusionné, tourmenté par le sexe, cerné par le dégoût du monde et de lui-même. Et derrière les attitudes de pure convention, l’onirisme cauchemardesque révèle les abîmes qui guettent les personnages.
Critique
Pour décrire l’homme-pantin aux normes managériales des grandes entreprises de la société néo-libérale, le choix de la technique de l’animation image par image s’avère éloquent.
Voici un homme qui paraît subir sa vie comme si elle lui était entièrement dictée. Pris dans des schémas rigides de réussite sociale et familiale, il ne se porte pas bien du tout. Il vit dans un monde uniformisé réglé par des procédures toutes faites. En déplacement professionnel, le voici dans un avion, puis dans un hôtel chic mais standard et sans âme. Il doit prêcher la bonne parole capitaliste à des commerciaux dans un congrès. Mais le cœur n’y est pas.
À la veille de la conférence, il se sent très seul dans sa chambre. Après un coup de file sans plaisir à la famille, il retrouve, au bar de l’hôtel une femme probablement séduite et abandonnée cinq ans plus tôt. C’est la cata.
Puis il rencontre deux modestes télé-vendeuses venues de loin pour assister à son intervention. Mû par une banale attirance sexuelle, il conduit l’une d’elles dans sa chambre. Alors, la capacité inattendue de cette femme à vivre et partager l’instant présent, vient infléchir le nihilisme ambiant. Le voilà embarqué dans une aventure entre coup de foudre et cauchemar.
C’est un univers où se croiseraient Michel Houellebecq et David Lynch. Le col blanc désillusionné, tourmenté par le sexe, est cerné par le dégoût du monde et de lui-même. Et puis des décrochages oniriques, absurdes, révèlent les abîmes qui guettent les personnages, derrière les attitudes et les mots de pure convention.
Charlie Kaufman écrivit d’abord cette histoire pour le théâtre. Il est célèbre pour ses scénarios dont celui d’Eternal Sunshine of the spotless mind de Michel Gondry. Avec Duke Johnson, responsable de l’animation, il trouve la forme idéale pour sa crudité, ses idées noires et son humour sardonique. Cette superbe anomalie, drôle et féroce, a reçu de nombreux éloges de la critique et a aussi obtenu l’Oscar du meilleur film d’animation.
Texte librement inspiré de la critique de Louis Guichard, Télérama.