SOUS LE CIEL DE KOUTAISSI
De Alexandre Koberidze
Georgie 2021:2H30/VOST
Avec Giorgi Bochorishvili, Ani Karseladze, Oliko Barbakadze, Giorgi Ambroladze
Lisa et Giorgi se rentrent dedans en pleine rue. Une première fois, puis une deuxième… C’est un début de comédie romantique comme on en a vu beaucoup au cinéma. Mais filmé ainsi, jamais : le coup de foudre est en effet cadré sur les chevilles des deux amoureux… Ce genre de trouvailles insolites — et séduisantes —, Sous le ciel de Koutaïssi en regorge. C’est une fable où des objets inanimés (une vieille plante, une gouttière…) sont pourvoyeurs de légendes et alertent les protagonistes de la malédiction qui plane sur eux. Une drôle d’expérience cinématographique où le réalisateur demande soudain à ses spectateurs de fermer les yeux, puis de les rouvrir après un signal sonore…
En dépit de, ou plutôt grâce à cette étrangeté récurrente, on s’attache très vite à Lisa, l’étudiante en médecine, et à Giorgi, le footballeur, frappés par le mauvais œil : le narrateur, dans un texte poétique, prévient que les deux amoureux vont se réveiller avec un physique différent, que leurs talents auront disparu, et qu’ils ne pourront jamais se retrouver. Lisa va donc devenir serveuse, Giorgi sera désormais incapable de taper dans un ballon… et les personnages vont changer d’interprètes.
Leur histoire d’amour maudit pourrait être tragique. Elle émerveille, autant par ses rebondissements tranquilles que par ses digressions buissonnières. Aleksandre Koberidze met régulièrement son récit sur « pause » — quitte à prendre parfois un peu trop son temps —, pour évoquer, entre regard documentaire et rêverie, le passé glorieux de la ville de Koutaïssi. Dans l’ancienne capitale de la Géorgie envahie d’une douce torpeur, il filme, magnifiquement, les enfants, les chiens, et la passion pour le football à l’heure de la Coupe du monde. Il rend, aussi, un bel hommage au cinéma à travers un « film dans le film » qui permet de voir la réalité autrement. Et, peut-être, de réenchanter le monde par la magie… Telerama Samuel Douhaire
: Il y a les films qui vont droit au but et ceux qui s’oublient sciemment en chemin, car c’est la divagation qui leur importe, la flânerie conçue comme principe poétique. De poésie, le second long-métrage d’Alexandre Koberidze, jeune cinéaste géorgien, né en 1984 à Tbilissi, en regorge. Non pas cette poésie autoproclamée qui tord la réalité sous l’effet d’un caprice d’auteur, mais celle qui se recueille directement à la surface des choses, si tant est que l’on veuille bien leur prêter attention.
Sous le ciel de Koutaïssi, révélé lors de la Berlinale 2021, le fut sous son titre international What Do We See When We Look at the Sky ? : « que voyons-nous quand nous regardons le ciel ? » Devinette en guise de frontispice qui traduit assez bien de quoi il retourne : du regard qui, comme le vent, se pose où il veut et transfigure tout ce qu’il touche, transformant le plomb en or et les grenouilles en princes. Le monde Mathieu Macheret