FUNAN De Denis Dos – France/Belgique/Luxembourg/Cambodge – 2018 – 1h22 Avec les voix de Bérénice Bejo, Louis Garrel.
Une famille cambodgienne dans la tourmente de l’histoire à l’arrivée des Khmers rouges. Un premier film et un sommet du cinéma d’animation, justement plébiscité et couronné lors du dernier festival d’Annecy.
En 1975, les Khmers rouges décident de vider Phnom Penh et de déporter ses habitants vers des camps de travaux forcés. Quiconque se révolte est tué. Une famille comme les autres prend le chemin des camps de travail. Dans cette longue file : des hommes et des femmes, des jeunes et des vieillards, qui avancent tête baissée dans l’angoisse de ce que l’avenir leur réserve. Soudain, un gamin de 4 ans lâche la main de sa mère. Les parents hurlent son nom. La grand-mère file à sa poursuite. Trop tard ! Les armes bloquent désormais le passage. Sovanh et ses parents sont séparés. De camp en camp, ils n’auront de cesse de chercher leur fils, de savoir s’il est en vie, de se rapprocher de lui. Au fil du temps, les conditions de détention vont se faire de plus en plus dures. La nourriture de plus en plus rare.
HORS CHAMP. Funan nous fait vivre le drame cambodgien à travers l’odyssée de cette famille. La principale qualité de Denis Do tient dans sa simplicité. Son récit se déplie harmonieusement ; la narration linéaire nous fait ressentir le temps qui passe. C’est par la suggestion que le cinéaste impose les images les plus fortes. Celle des mets abandonnés dans le logis au début du film symbolise la rapidité de la rafle opérée par les Khmers rouges. La vision de la ville déserte fait monter l’angoisse d’un cran. Et on imagine plus qu’on ne voit les atrocités commises par les autorités du camp. C’est hors champ que les hommes sont tués, que les femmes meurent de faim. Il s’autorise une seule exception dans ce très subtil traitement de la violence : celle d’un prisonnier contre son ancien bourreau. Pour ne pas passer sous silence que le désir de vengeance existe.
DÉLICATESSE
Denis Do travaille ainsi sur l’émotion du spectateur sans jamais forcer le pathos. Il tisse un suspense qui nous fait espérer les retrouvailles entre la mère et son fils. Et en maniant l’ellipse avec intelligence, le cinéaste nous fait ressentir tout au long de son récit ces quatre années de camp de façon très intime. Il s’en dégage une poésie, une délicatesse sans égales. Sans doute parce que dans ce film qui parle du désespoir des hommes, le réalisateur accorde une grande place à la nature. On voit les femmes qui travaillent à la rizière, l’immensité des champs, le foisonnement de la forêt tout autour. On est témoin par flashs de la vie de Sovanh – petite silhouette menue et songeuse, à cinq kilomètres du camp des parents… ou peut-être à cent – sans jamais savoir s’il s’agit de la réalité ou des rêves de la mère. Son graphisme, influencé par l’animation japonaise, et notamment le travail des Studios Ghibli, est très réaliste mais garde une candeur enfantine. Le jury du Festival d’Annecy ne s’y est pas trompé en le récompensant lors de son édition 2018 d’un Cristal, la récompense suprême. Denis Do a tout d’un grand.
– D’après les critiques de PREMIERE – Sophie Benamon.