LES COWBOYS

Les cowboys 1De Thomas Bidegain – France – 2015 – 1h45
Avec François Damiens, Finnegan Oldfield, Agathe Dronne, Ellora Torchia, John C. Reilly…
En 1994, dans l’Ain, des fans de l’Ouest américain se rassemblent pour une fête. Mais Kelly, 16 ans, s’enfuit avec un islamiste radical qui rêve de djihad. Son père et son frère partent à sa recherche. Entre la Belgique et le Moyen-Orient, leur quête durera plus de quinze ans. Comme dans un western, les deux hommes affrontent personnellement la situation avec audace. Une œuvre romanesque ambitieuse, ample et tendue qui embrasse avec intensité deux destins de limiers perdus dans un terrifiant labyrinthe.

Critique

Thomas Bidegain passe enfin à la réalisation de son premier film. Connu pour ses scénarios très exigeants, notamment pour Jacques Audiard et récompensé par une Palme d’or lors du dernier festival de Cannes avec Deephan, l’auteur nous propose un long métrage d’une immense richesse.
Le personnage du père, remarquablement interprété par un François Damiens totalement habité, traumatisé et obsessionnel, mène l’histoire vers une quête qui durera des années. Cette recherche qui se transmet sur une autre génération fait naitre du sens au sein d’une famille dont les codes sociaux avaient explosé depuis le drame. (…)
Le père transmet donc son obsession et son intransigeance à son fils (remarquable Finnegan Oldfield) qui finira par faire entièrement tourner sa vie autour de la recherche de sa sœur, passant de pays en pays dangereux, entre humanitaire, enquête personnelle, rapprochement avec les services internationaux et prise de risque inconsidérée.
L’histoire passe ainsi de communautés en communautés, des européens au monde arabe et perse mal perçu par nos concitoyens. Les deux héros naviguent ainsi dans les milieux des trafiquants, des salafistes et des négociateurs sans perdre de vue leur but initial. Comme si le besoin de recréer le groupe d’antan, celui de la famille, prenait le dessus sur tout le reste.
Le cheminement sur la durée voit passer successivement les attentats meurtriers du 11 septembre, de Londres et de Madrid, ceux d’Al-Qaida, entité fantomatique qui plane au-dessus de la famille et que l’on approchera au Pakistan lors de la deuxième partie du film. Ces événements sont vécus par le fils comme autant d’explosions et de rappels de la rage à la fois personnelle et mondiale. (…)
Ce long métrage ambitieux et complexe se révèle être une pépite sur bien des domaines : le sujet, le jeu des comédiens, le développement de l’histoire (rarement vu en France sur un tel sujet), mais aussi sa mise en image, encore proche de celle d’Audiard, ce qui est très loin d’être le pire des défauts. Cette réussite visuelle est même une grande surprise tant Bidegain restait encore dans l’ombre de l’immense metteur en scène français. La réalisation est sèche et sensible à la fois, ménageant ses effets de surprise, créant des séquences remarquables, à la lisière de l’onirisme dans certains passages. Tous les personnages secondaires sont brillamment créés, du moindre syrien, aux passeurs, sans oublier l’inquiétant négociateur américain campé par un John C. Reilly que l’on retiendra longtemps
De la petite histoire familiale à un drame géopolitique, Thomas Bidegain ramène les réflexions sur le supposé choc des civilisations. A l’heure d’un Daech qui prend concrètement ses marques au Moyen Orient, le film pose des questions essentielles sur les communautés et sur les incompréhensions codées entre celles-ci. Plus qu’important, il s’agît d’un long métrage essentiel et limpide qui pose un regard acéré sur notre temps.
Extraits de la critique d’Écran large

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