Aurel ( Josep )

Aurélien Froment né le 31 mai 1980 en Ardèche

France

Dessinateur de presse, auteur de bandes dessinées, cinéaste

Josep

NOTE D’INTENTION D’AUREL

BARTOLÍ : J’ai découvert le travail de Josep Bartolí de manière assez fortuite, au cours d’un salon du livre auquel j’étais invité. La couverture du livre que Georges Bartolí a consacré à son oncle Josep m’a saisie. Un croquis de républicain espagnol avachi sur ses béquilles, mi-homme mi-cadavre, d’une puissance singulière. Ce dessin ne pouvait être l’œuvre que d’un dessinateur génial.

Cela me fut confirmé à chaque page : illustrations politiques riches de détails et de sens, critiques du pouvoir, de l’État, de la religion, de la lâcheté des dirigeants internationaux. Et puis les croquis des camps. La force du coup de crayon pour témoigner de cette dramatique séquence honteuse et peu connue de l’histoire du XXe siècle. Le besoin de me plonger dans cette histoire, me l’accaparer, la digérer puis la faire revivre à travers le filtre de mon crayon m’a immédiatement animé…

DU DESSIN À L’ANIMATION : Si d’un côté c’était évidemment mon crayon qui devait rendre hommage à Bartolí, comme dans une forme de mise en abîme du dessin, d’un autre côté, il était évident que cet hommage devait apporter quelque chose de plus. Un mouvement, un son, une musique, une respiration, un rythme. Tout ce qu’il manque au dessin. J’ai su qu’il s’agirait d’un dessin animé. Il fallait redonner vie à Bartolí de la meilleure manière qu’il soit.

DE BARTOLÍ AU DESSINATEUR : Au départ ébloui par tous les aspects de cette vie foisonnante, j’envisageais de travailler sur ce film à travers une approche très biographique : une traversée du XXe siècle de ce personnage aux mille vies… Le premier à mettre en doute cette approche fut Jean-Claude Carrière à qui j’exposais le projet. Pour lui, l’évidence était que l’intérêt de ce projet résidait dans le fait qu’un dessinateur de presse se penche sur la carrière d’un de ses aînés. Après quelques mois de travail et de réflexion – aidé notamment par Serge Lalou – je commençais à y voir plus clair : le sujet du film est le dessin. Bartolí son incarnation.

L’ART DU RACCOURCI : On demande toujours au dessin de se justifier. Pourquoi choisir ce medium plutôt qu’une photo, de la prise de vue réelle ou un simple texte ? Pour beaucoup, le dessin est une esquisse préparatoire, un croquis explicatif, un pis-aller graphique quand on n’a pas meilleure illustration.Le sujet du film étant le dessin, j’ai choisi d’affirmer la force du dessin pour raconter de manière intrinsèque tout ce qu’une image réelle ne pourrait jamais raconter. Le trait dessiné est au centre de la narration. Même les couleurs sont réduites à leur portion congrue. Le dessin est l’art du raccourci, non pas pour aller plus vite, mais pour raconter une histoire par l’entremise de quelque chose qui n’existe pas dans la nature : le trait (aucune personne, aucun objet, aucun animal n’est cerclé d’un trait noir). C’est une démarche intellectuelle complexe que de gommer les volumes qui nous entourent pour accepter de ne les représenter que par des lignes qui sont absentes de notre univers. Pourtant tout le monde comprend. Je veux dans ce film amener le spectateur à retrouver cette confiance enfantine dans le raccourci du trait pour raconter le monde dans sa complexité.

UN CRI : L’animation est le seul moyen de montrer en quoi le dessin permet de mettre en lumière un défaut, une contradiction, une injustice. De le faire sauter aux yeux du spectateur sans mots, sans délai. De montrer aussi le dessin comme un cri. Un cri qui permet de vivre le monde tel qu’il est, sans être dupe de ce qui n’y tourne pas rond. Un cri poussé dans l’espoir d’améliorer les choses ou qu’elles ne se reproduisent plus. Un cri universel qui, pour Josep, pour moi, passe par une feuille et un crayon.

LE FUSIL OU LE CRAYON : Grâce à ce film, je souhaite interroger la notion d’engagement, de résistance, de témoignage et bien entendu de déracinement. Le résistant est celui qui s’oppose physiquement à l’insupportable, quitte à le payer de sa vie. Le journaliste est celui qui observe et doit préserver sa vie pour pouvoir témoigner. Bartolí a été les deux. Il a pris le crayon quand les armes étaient devenues vaines. Mes grands-pères avaient choisi de prendre les armes quand il le fallait. Moi j’ai le crayon pour raconter ce qui pourrait aller mieux.

Dossier de presse du film

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