Un film de Bavo Defurne
France /Belgique/Luxembourg -2016 – 1h30
Avec : Isabelle Huppert/Kevin Azaïs/Johan Leysen
SOUVENIR
Année exceptionnelle pour Isabelle Huppert : grâce à Elle, le film de Paul Verhoeven, elle accumule les prix et les nominations des deux côtés de l’Atlantique, en route, probablement, pour la prochaine cérémonie des Oscars. Il y a eu aussi, en début d’année, la réussite deL’Avenir, de Mia Hansen-Love, et le spectacle événement Phèdre(s), entièrement conçu autour d’elle. Après ce grand chelem, Souvenir, réalisé par un Flamand quasi inconnu, paraît bien modeste, au moins dans son propos — le come-back d’une chanteuse oubliée. Mais il montre à quel point la présence d’Huppert, dès lors qu’on la place au centre de l’histoire, tire un film vers le haut, apporte l’ambiguïté et l’irrésolu, autant dire le cinéma.
Soit, donc, une employée anonyme dans une usine de charcuterie. Un jour, un jeune collègue croit reconnaître en elle une gloire éphémère de la variété des années 1970. Elle nie. Il insiste. Lui qui se destine à la boxe projette son ambition sur elle. Il se met en tête de la faire remonter sur scène. Ils deviennent associés et amants… L’habileté du film : partir d’une situation hautement improbable, à tous égards, pour traiter, précisément, de ces chimères sans lesquelles les vies humaines seraient vaines et plates. Huppert en ouvrière spécialisée dans la terrine, Huppert en chanteuse glamour, Huppert en maîtresse passionnée de Kévin Azaïs (révélation desCombattants, à nouveau lumineux) : étape par étape, le ridicule est neutralisé. Un charme baroque s’installe, dans une simplicité presque désarmante. Entre prosaïsme et féerie (un alliage assurément belge), sur fond de Pink Martini (le groupe lui aussi un peu oublié qui signe les chansons d’Huppert), Souvenir est une fable plus subtile que prévu. L’idée de l’accomplissement professionnel (artistique, sportif) semble d’abord centrale pour les deux partenaires et dans leur relation amoureuse. S’immisce, ensuite, l’hypothèse que ni l’un ni l’autre ne sont particulièrement doués dans leurs disciplines respectives. Cette défaillance, à peine formulée, remet en question leur lien. Puis d’autres événements changent encore la donne, et la fin scintille étrangement. Elle confronte l’idéalisme des personnages à une réalité très crue, passée sous silence jusque-là. Morale : cet impossible auquel, dit-on, nul n’est tenu, chacun y tient plus que tout.