GU XIAOGANG, Chine, 2h30, VOST avec Qian Youfa, Wang Fengjuan, Sun Zhangjian
Film-fleuve résolument ambitieux, tenant autant de la peinture chinoise traditionnelle que de la chronique familiale.
“On a vécu ici pendant trente ans et ils ont mis trois jours à le démolir”. La phrase lâchée par un couple de pêcheurs, au début du récit, résume assez bien la démarche artistique du néo-réalisateur Gu Xiaogang : confronter l’intériorité avec le collectif, l’instantané avec l’éternel, l’histoire moderne des hommes avec celle d’un pays fort de ses traditions séculaires. Le film repose ainsi sur une mise en relief constante, mettant en perspective l’évolution de l’individu avec celle de sa famille et du tissu social dans lequel il évolue. Pour ce faire, il s’inspire de la méthode traditionnelle du Shanshui, forme picturale dédiée à l’harmonie physique et spirituelle des montagnes et de l’eau (le titre, d’ailleurs, évoque une œuvre de Huang Gongwang, datant du XIVe siècle). Des œuvres qui ont la particularité d’être peintes sur plusieurs rouleaux que l’on déploie progressivement, faisant ainsi surgir la représentation du monde et donc de la vie. Une technique dont les similitudes avec le cinéma vont être parfaitement exploitées par Gu Xiaogang, le jeune cinéaste s’essayant à l’art délicat de la “caméra pinceau” et du déploiement de plans-séquence…
S’il marche clairement sur les pas de Jia Zhangke, dont les films reflètent les différentes transformations de la société chinoise (Still Life, Au-delà des Montagnes, Les Eternels), Gu Xiaogang n’hésite pas à affirmer ses propres considérations artistiques. On s’en rend compte notamment dans sa manière d’entrelacer les différentes intrigues, délaissant certaines avant d’y revenir au mouvement suivant, jouant astucieusement avec le montage parallèle et les ellipses pour donner une vraie profondeur à son histoire. La mise en scène, le travail sonore, ou encore le soin apporté à la narration, tout est là pour faire de ce “séjour” un moment inoubliable. C’est la première partie d’une trilogie.
Extrait de la Critique de Kalopani sur SensCritique.