Avec Romain Duris, Laure Calamy, Laetitia Dosch plus
Sorti le 03/10/18 Durée 1H38
Sélectionné à la Semaine de la Critique à Cannes
Elle est partie. Comme ça, sans prévenir. Elle n’est pas allée chercher les enfants à l’école, elle a pris ses affaires et n’a rien laissé, pas un mot, pas une lettre, juste du vide et des questions. Olivier, son mari, n’a rien vu venir, débordé par son boulot de contremaître, plus préoccupé par le mal-être de son équipe et les pressions de ses supérieurs que par le spleen de sa femme. Ce beau film sensible et vibrant, sélectionné à la Semaine de la critique du dernier Festival de Cannes, s’ouvre, d’ailleurs, sur le cas d’un des collègues d’Olivier, jugé trop vieux, trop faible, plus assez performant. L’entreprise n’a pas le temps de le licencier : l’homme se suicide avant. Ce drame inaugural, comme une blessure ouverte d’emblée, donne le ton du film : un équilibre fragile, mais dignement tenu, entre les grandes douleurs et la grisaille quotidienne, entre la chaleur des liens affectifs et les froides rigueurs des vies ordinaires, tout un maillage de contraires et de contraintes, d’injustices, de colères, de tendresses et d’usure.
Ce suicide, autour duquel tous se rassemblent et tentent de se soutenir, a-t-il joué un rôle dans le départ de la femme d’Olivier ? Partir, pour ne pas se laisser dévorer par le murmure insistant de la dépression, était peut-être le seul choix possible. Quelques indices et puis s’en va, en nous laissant seuls avec Olivier et sa progéniture, dont il ne sait trop quoi faire, au début, comme une version contemporaine du Dustin Hoffman de Kramer contre Kramer. Olivier, c’est Romain Duris, dans l’un de ses plus beaux rôles à ce jour. Il habite avec ferveur ce héros faillible, pivot essentiel, profondément vrai et attachant, au croisement de l’intime et du social. Rares sont, aujourd’hui, les œuvres qui mêlent si bien les réalités, celles du dedans et du dehors, la chronique d’une famille ébranlée et le tableau des solidarités et des tensions au sein d’une entreprise, qui compte, ici, bien plus qu’un décor. Nos batailles est un film subtil et fort sur le monde du travail, ses flux d’énergie quotidienne, ses cahots, mais aussi les violences sournoises du management moderne. Cécile Mury Télarama
Passé le choc, il est tenu par des fils invisibles qui à la fois le brident et le structurent, telle une marionnette qui découvrirait, stupéfaite, qu’elle est apte à débuter un mouvement qui lui est propre.
Le tissage de l’intime et du social se resserre lorsque Olivier et sa sœur confrontent leurs choix, l’un étant salarié permanent, l’autre intermittente du spectacle, cumulant des heures de travail avec des employeurs différents. C’est l’une des scènes les plus abouties, où les acteurs trouvent ce parler naturel que cherchait le réalisateur, avec une mise en scène tout à la fois calibrée et improvisée
Ce n’est pas la première fois que Romain Duris change de peau et surprend. Dans Nos batailles, Guillaume Senez a (presque) réussi à lui faire tomber son masque de charmeur au sourire automatique, tout en lui donnant le beau rôle. Clarisse Fabre. Le Monde