Cette semaine sera diffusée la deuxième partie de La Flor, film argentin foufou de 14h que nous découvrons par fragments dans nos salles obscures. Voici donc une mise en bouche avec la deuxième partie de notre entretien avec son réalisateur, Mariano Llinás.
Ce qui frappe aussi, c’est le côté naïf de ces récits où vos actrices et acteurs jouent différents rôles un peu à la manière des jeux d’enfants dans les cours de récréation, où l’on joue aux espions. » On dirait qu’on était des aventuriers! « , ce genre de procédés.
Je ne sais pas si vous dites cela avec bienveillance (c’est le cas, ndrl). Oui je crois ça. C’est intéressant, ce que vous dites, car parfois on oublie ce côté naïf dans notre métier.
L’autre jour mon enfant, qui a bientôt trois ans, jouait avec une voiture, un dinosaure et une figurine de Spider-Man. Il s’est mis à inventer un dialogue entre le dinosaure et Spider-Man au sujet de la voiture. C’est très amusant une conversation entre un dinosaure et Spider-Man. Et le voyant, je me suis dit que ce qu’on fait, c’était pas si loin. Je crois que je pourrais faire ça, mais ce sont les Américains qui ont les droits de Spider-Man. Je crois que ce type d’imagination c’est très proche de ce que l’on peut faire au cinéma. Et pour tout un tas de raison que je ne comprends pas, on a quitté ce type de films. On a pensé que ce type d’illusions devait faire place à une vision plus adulte du cinéma. D’une certaine manière on a quitté cette envie et l’on est allé vers des films que l’on considère plus respectables. Mais lorsque je fais face à ça (il montre une statue dans la pièce) ou la tour Eiffel ou chaque film que j’aime, j’ai toutes sortes d’idées amusantes qui me viennent en tête… Mon imagination travaille. Ce sont des idées qui me viennent de l’enfance. Et je crois que c’est ce que l’on recherche, et qu’on fait tous les autres arts.
Mais aujourd’hui le cinéma est devenu trop sérieux, il a quitté cette possibilité. Je ne crois pas que mon film n’est pas fait pour les adultes, mais j’ai envie de retrouver cette forme de beauté, au bord de l’enfance, même au risque d’être ridicule aux frontières de la honte. Mais du coup, parce que le cinéma est devenu trop sérieux on le prend un peu mal lorsque l’on nous dit qu’on a fait un film enfantin.
Vous parliez de Spider-Man et justement je voulais évoquer l’influence de la bande dessinée sur La Flor, et l’importance d’Hergé. Lui aussi s’attaquait à des sujets très sérieux en voulant, dans un même mouvement, chercher une forme de légèreté.
Il y a beaucoup d’influences de la bande dessinée, mais aussi de la littérature. Le quatrième épisode, par exemple, avec ces idiots qui cherchent à faire un film m’a été un peu inspiré par le village d’Astérix et Obélix d’Uderzo et Goscinny. La première et même la seconde partie, sont très influencées par le cinéma d’Alfred Hitchcock mais également, c’est évident, par le travail d’Hergé.
Mais c’est aussi que face aux films d’Hitchcock je vois une relation entre le cinéaste et l’auteur de BD. Pour moi c’est frappant le rapport entre les deux. Je ne crois pas, qu’Hergé était un amateur des films d’Hitchcock et évidemment Hitchcock n’a sans doute jamais lu Hergé. Il y a chez les deux le même fétichisme, le même amour des objets et des couleurs. Et pourtant je n’ai jamais entendu personne évoquer cette filiation. Hitchcock évoquait le pouvoir psychique des objets, il leur donnait un pouvoir particulier. De la même manière Hergé a créé des objets inoubliables, il pense ses objets comme des personnages et pense ses personnages comme des objets.
Et La Flor c’est un peu la même chose, on a tenté de faire en sorte que chaque personne soit décrite par sa couleur, plus que par sa psychologie. On voulait décrire toute cela de façon visuelle. Et je crois que, évidemment, cela vient d’Hergé. C’est très difficile de parler de cela. Vous savez il n’y a qu’en France que l’on me pose des questions sur Hergé, que l’on le considère comme un grand artiste. C’est qu’ici on est très sérieux avec Hergé. Ailleurs c’est différents on me parle plus des autres poètes qui sont cité dans le film, mais ici on me parle d’Hergé comme on me parlait des grands poètes, de Gérard De Nerval.
Ce rapport entre Hergé et La Flor m’a frappé aussi parce qu’il m’a rappelé le rapport qu’entretient Spielberg avec le travail d’Hergé, à travers notamment Indiana Jones.
Je n’ai pas vu ce qu’a fait Spielberg avec Hergé, je crois qu’il a fait ce qu’il y a de pire à faire avec Tintin : un film en trois dimensions… Mais Indiana Jones je ne sais pas. Vous savez, j’ai revu Indiana Jones et j’ai été très déçu. Je n’apprécie pas trop la comparaison.
De Gaël Martin publié le 19/03/2019 La Flor partie 2.