De Mahamat-Saleh Haroun
France Allemagne, Belgique, Tchad/ 1H27
Avec Achouackh Abakar, Rihane Khalil Alio, Youssouf Djaoro
Une femme qui met les mains dans le cambouis, en travaillant dur, à N’Djaména, capitale du Tchad. Elle démonte des pneus pour en extraire du fil de fer qu’elle recycle. Elle tresse avec des paniers qu’elle vend dans la rue. Cette femme, Amina, élève seule sa fille de 15 ans, Maria. On devine ce qu’elle a enduré. À voir ses dérobades pour ne pas être importunée, soit par l’imam qui la sermonne, soit par un voisin qui lui déclare sa flamme, on sent que cette femme n’est toujours pas en paix. Sa fille, qui tient d’elle au moins pour son caractère fort, est tombée enceinte et voilà qu’elle a décidé d’avorter. En voulant braver ni plus ni moins les tabous du Tchad où, faut-il le rappeler, l’avortement est condamné par la religion et puni par la loi. D’abord anéantie par la nouvelle, la mère décide de soutenir sa fille. Un long et tortueux parcours de combattantes les attend.Après Grigris et Un homme qui crie, c’est la troisième participation de Mahamat-Saleh Haroun en compétition. Lingui, les liens sacrés marque sans doute une date officielle dans l’histoire du cinéma africain, dans sa manière frontale de défendre l’avortement et de s’attaquer dans le même temps au patriarcat. Les hommes sont ici absents ou relégués à l’arrière-plan, le film étant vraiment l’affaire des femmes, solidaires entre elles. Difficile de ne pas saluer ce geste synonyme d’avancée politique. Reste que la forme laisse un peu à désirer. Le casting n’est pas toujours à la hauteur de l’enjeu. Et le récit manque de densité dans sa simplicité. C’est d’autant plus regrettable que le film jouit d’un sens vif des cadrages et de l’ellipse – Mahamat-Saleh Haroun est loin d’être manchot. Tout se passe comme si le cinéaste restait sur son quant-à-soi, sans parvenir tout à fait à allier le néo-réalisme avec la fable (ses couleurs ambrées, son optimisme), voire le cinéma de genre (le « rape and revenge »). Le film est figé dans une retenue qui le dessert, empêchant l’émotion de s’épanouir. Telerama. Jacques Morice
Que veut dire « Lingui » ? Lingui est un mot tchadien, qui veut dire « le lien ». C’est ce qui relie les gens au nom du vivre ensemble. Ce terme signifie une solidarité pour ne pas laisser l’autre s’effondrer. Mahamat-Saleh Haroun précise : « Je ne peux exister que parce que l’autre existe, c’est cela le lingui, un lien sacré. Au fond, c’est une philosophie altruiste. Ce mot résume la résilience des sociétés confrontées à des choses assez dures. »
Qui pour jouer Amina ? Au Tchad, il n’y a quasiment pas de comédiens professionnels, à part ceux qui ont travaillé avec Mahamat-Saleh Haroun et qu’il considère désormais comme professionnels. Achouackh Abakar, qui joue Amina, avait déjà un petit rôle dans Grigris (2013). Mahamat-Saleh Haroun confie : « Quand elle a lu le scénario, elle a réclamé le rôle d’Amina, elle a dit que ce rôle était pour elle, alors que je l’envisageais pour un autre rôle. Elle a vécu à Los Angeles, et connaît assez bien le cinéma américain. Elle est mère elle-même et pouvait se projeter dans la problématique d’Amina. Elle a pris des cours pour pouvoir confectionner elle-même les fourneaux, elle s’est vraiment investie.