Le TECKEL
De Todd SOLONDZ–États-Unis-2016–1h28-VOST
AvecEllen Burstyn, Danny DeVito, Julie Delpy, Greta Gerwig
Todd Solondzest un trésor du cinéma américain indépendant. Pas celui qui fait la fête à Sundance en attendant d’être nommé aux Oscars l’année suivante. Non. Le vrai cinéma indé qui se bat pour exister, qui ne plie devant aucune mode ni aucun diktat. Solondz, lui, va même encore plus loin : à chaque film, il semble un peu plus crier ‘merde’ au tout-venant.
Avec LE TECKEL, le cinéaste a l’air (l’air seulement) de s’assagir : il s’agit sans conteste de son opus le plus accessible. Comme souvent chez lui, on rit à gorge déployée. Mais comme toujours aussi, ces élans humoristiques, qui semblent parfois purement gratuits –citons cette folle séquence d’un teckel incrusté sur des décors de western, célébré par une chanson country –, cachent un flot sardonique à la limite du supportable.
Le film débute sur l’adoption d’un teckel par une famille de bourgeois –dont la mère est incarnée par une Julie Delpy délicieusement castratrice. Au fil du récit, le chien va passer de maître en maître : une assistante vétérinaire perchée (Greta Gerwig), un couple atteint du syndrome de Down (Connor Long et Bridget Brown), un scénariste raté (Danny DeVito), puis une vieille dame seule et acariâtre (Ellen Burstyn). À chaque nouveau propriétaire, le Teckel apporte un moment de bonheur, même fugace.
Mais le Teckel, lui, qui lui en donne, du bonheur ? À travers le regard de son chien aussi ridicule que mignon, Todd Solondz effectue une radiographie bizarrement réjouissante des tares, des solitudes, des égoïsmes et des bassesses du genre humain. Qu’il use du stéréotype (la maison du premier couple est un temple aseptisé), du sarcasme (les prétendues règles de storytelling énoncées par le personnage de Danny DeVito) ou du décalage grinçant (cette Blanche new yorkaise qui porte un t-shirt ‘I can’t breathe’, slogan issu du mouvement Black Lives Matter), Solondz fait acte d’une justesse à toute épreuve, dansant avec malice sur le fil de l’outrance, un sadique bazooka posé sur l’épaule.
De scène en scène, Todd Solondz nous tend un miroir que l’on croit déformant jusqu’au moment où l’on comprend qu’il est en fait des plus réalistes. Cet élan qui s’agace de la médiocrité du genre humain –on se souviendra avec bonheur de ce long travelling sur une traînée diarrhéique –ne débouche pourtant sur aucune amertume. Même lorsque Solondz assène vers la fin un plan gaguesque violent et déprimant, on continue à en rire. C’est peut-être le propre des plus grands : faire passer la pilule comme si de rien n’était.
Critique de Aurélien Allin (Teaser)