Semaine du 27 juin au 2 juillet 2024
LA BELLE DE GAZA
De Y0LANDE ZAUBERMAN -France- 1H16
La Belle de Gaza commence : le visage d’une anonyme, filmé quelques années auparavant par Yolande Zauberman, obsède la cinéaste, elle tente de la retrouver pour raconter son histoire. Selon une légende urbaine parvenue aux oreilles de la documentariste, la Belle de Gaza – comme la surnomme la cinéaste – se serait échappée de l’enclave palestinienne pour rejoindre à pied la « bulle » israélienne et entreprendre sa transition de genre.
À mesure que Zauberman retrace son chemin et interroge d’autres femmes trans qui auraient pu la connaître, la figure énigmatique se montre toujours plus insaisissable. La quête entreprise par la cinéaste irrigue le film d’un élan pulsionnel. Le désir y est omniprésent : dès le feu d’artifice qui jaillit à l’ouverture, le film, sans éluder la précarité de l’existence des femmes qu’elle filme (les nuits de Tel-Aviv sont loin d’être un havre de paix pour les transgenres palestiniennes), partage leur appétit de jouissance. Les conversations qui s’engagent avec ces personnages à la sensualité exacerbée (par leur accoutrement et leur manière de se mouvoir) tournent ainsi principalement autour de la sexualité.
La trajectoire symbolique vers l’émancipation sexuelle – qui se double d’un déplacement géographique de Gaza à Tel-Aviv – conduit surtout la cinéaste à sonder la distance qui se creuse entre ces femmes et leur milieu d’origine, et que recoupe la ligne de fracture entre les deux peuples. L’exil est double, corporel (elles abandonnent leurs corps originels) et social – elles se détournent de leurs familles, qui bien souvent les ont rejetées violemment.
Le film évite toutefois d’opposer trop frontalement les sociétés israéliennes et palestiniennes sur la question. Le danger qui menace l’existence de ces femmes prend davantage le visage des rôdeurs frustrés – ces hommes rongés par la honte qui viennent épier et menacer les femmes trans – que celui de la religion et de ses interdits : qu’ils soient palestiniens ou israéliens, les harceleurs et les violeurs infligent les mêmes maux.
Dans le dernier mouvement du film, Zauberman semble chercher à combler le fossé qui sépare tous ces éléments contraires ; la religion et la transidentité, Israël et la Palestine. En témoigne un plan magnifique, qui par un étrange jeu de reflet dans l’habitacle d’une voiture fait flotter le visage d’un fils rejeté, devenu une femme trans épanouie et célèbre à Tel-Aviv, au-dessus de celui de son père, coupable d’avoir été aveuglé par son conservatisme : l’image les maintient alors dans deux espaces différents, tout en ménageant la possibilité d’une tendresse partagée.