Family Romance
2019 Japon – Allemagne
Réalisé par Werner Herzog 1h29 avec Ishii Yuichi, Mahiro Tanimoto, Miki Fujimaki
Qu’elles sont émouvantes et visuellement magnifiques, les premières images de Family Romance, LLC !
Dans un parc de Tokyo, des allées de sakura en fleurs, ces fameux cerisiers ornementaux du Japon, les reflets de ces sakura dans l’eau d’un lac, un homme et une jeune adolescente de 12 ans qui font connaissance. Il s’agit d’un père qui rencontre sa fille qu’à la suite d’un divorce il n’a pas vu depuis plus de 10 ans. Sauf que …
Sauf que la scène suivante nous apprend que cet homme, Yuichi, n’est pas le père de Mahiro, la jeune adolescente : il travaille chez « Family Romance » et il a été engagé par la mère de Mahiro pour jouer le rôle de ce père que Mahiro n’a pratiquement jamais connu. « Family Romance », une société spécialisée dans la location de « proches » à des gens qui, pour un motif quelconque, ont besoin à leur côté d’un parent, d’un ou de plusieurs amis, d’une fiancée, d’un ou de plusieurs collègues, etc., en résumé d’une ou de plusieurs personnes pour un temps déterminé ou pas.
L’imposture est terrible mais tout se passe dans un climat de douceur.
Werner Herzog profite du contexte pour nous éclairer, à sa façon, sur le Japon contemporain. Un pays qui, avec ces sociétés de location de « proches », s’efforce donc de combattre, moyennant finances, un sentiment ou une réalité de grande solitude chez de nombreux citoyens
La société japonaise contemporaine est une source de fascination évidente pour Herzog, bien au-delà de la seule entreprise au centre de ce documentaire imaginaire.
Vertiges d’un monde hyper-connecté dont Werner Herzog se targue d’avoir anticipé la solitude constitutive, dans les années 80, avec l’apparition des premiers téléphones cellulaires et l’explosion des moyens de communication, 20 ans avant Internet : « le 21ème siècle sera le siècle des solitudes », avait-il affirmé. Une chose est sûre : cette société, avec ses rapports sociaux complètement biaisés et factices par endroits, est un véritable terrain de jeu pour le septuagénaire à l’œil toujours aussi curieux et amusé. Les anecdotes sur le contexte de la production et de la société étudiée qui poursuivent la réflexion au-delà du cadre de cette semi-fiction sont toujours aussi plaisantes
Bien sûr, Herzog ne se pose pas en moraliste. Il ne s’agit pas d’un pamphlet sur la dégénérescence des rapports sociaux, mais plutôt le regard d’un curieux mi-fasciné mi-interloqué sur ces vides existentiels ou affectifs que l’on peut désormais combler avec une carte bancaire
A presque 78 ans, Werner Herzog nous joue un tour et sort de sa petite caméra – qu’il porte sur l’épaule – un film d’anticipation qui n’en est pas un. Dans la culture japonaise, cette prestation répond au souci de sauver les apparences : telle personne solitaire peut afficher sa sociabilité, tel homme célibataire rassurer ses parents avec une fausse petite amie, etc.