Interview de Doris Buttignol et Carole Menduni
Comment en êtes-vous venu à préparer un film documentaire sur les hydrocarbures de schiste ?
Doris Buttignol : Nous habitons toutes les deux dans la Drôme et nous sommes concernées par le permis de Montélimar, à proximité de la ville de Villeneuve-de-Berg qui s’est illustrée par une forte mobilisation citoyenne début 2011 pour stopper les velléités des pétroliers qui souhaitaient extraire du hydrocarbures de schiste (gaz et huiles, N.D.L.R.) avec la méthode de la fracturation hydraulique.
Carole Menduni : Au début, nous avions très peu d’informations. La première fois que l’on entendait parler du gaz de schiste c’était à la fin de l’année 2010. Mais très vite, on a compris qu’il se passait quelque chose d’important. C’est la que l’on a décidé de prendre nos caméras.
Ce que vous avez découvert vous a-t-il conforté dans vos convictions ?
D. B. : Effectivement, la fracturation hydraulique est tellement dommageable pour l’environnement et les êtres humains que nous ne pouvions pas passer ça sous silence. Nous avions en plus la chance de nous appuyer sur l’expérience malheureuse de la fracturation hydraulique qui existe depuis quinze ans aux États-Unis et au Canada.
Quelle était votre ambition avec ce film documentaire ?
C. M. : Le film américain Gasland, de Josh Fox, a été le premier à réveiller les consciences. Nous voulions prendre le relais pour nous adresser aux Français afin de leur dire que le combat n’est pas gagné et qu’il existe toujours de vrais risques.
Pourtant, la fracturation hydraulique est interdite en France depuis la loi Jacob de juillet 2011…
C. M. : Ce n’est pas pour autant que le risque est complètement écarté. Qui nous dit que dans quelques années cette fameuse loi ne sera pas abrogée sous les pressions des lobbies pétroliers qui jouent quotidiennement de leurs influences au Parlement européen ?
D. B. : C’est pour cela que nous avons construit ce documentaire de manière didactique, afin de rendre claire et compréhensible un débat qui peut paraître compliqué.
Dans votre documentaire, la Seine-et-Marne semble particulièrement concernée par cette problématique…
C. M. : C’est le département de France le plus à risque ! Il y a déjà une installation pétrolière forte avec toutes les infrastructures nécessaires. De plus, la mobilisation et le blocage citoyen n’ont pas été aussi importants que dans le sud-est de la France, ce qui rend le département encore plus vulnérable si jamais la loi est cassée ou contournée.
D. B. : Les conséquences d’une exploitation dépassent même les limites de ce territoire. Il y a d’importantes nappes phréatiques en Seine-et-Marne qui pourraient être contaminées si les pétroliers se mettaient à rechercher des hydrocarbures non conventionnels, c’est-à-dire les hydrocarbures de schiste. Or, la Seine-et-Marne sert notamment à alimenter en eau toute la région Ile-de-France…
Propos recueillis par Pierre CHOISNET – La République de Seine-et-Marne