Costa Gavras ( Adults in the Room )

Né le 10 Février 1933 à Loutra Ireas (Grèce)

Français et Grec

Réalisateur

Compartiment Tueurs, Z, L’Aveu, Etat de Siège, Missing,Amen,  Adults in the Room…

ENTRETIEN AVEC COSTA-GAVRAS

Une crise financière, l’arrivée d’un nouveau Premier ministre (Aléxis Tsípras), des négociations avec les instances européennes… Cela ne ressemble pas vraiment à un film d’action ! Pourtant, le réalisateur Costa-Gavras, après quelques films un peu décevants, retrouve ici avec ce film la force de ses grandes œuvres et réussit à faire de cette histoire économique un thriller… Ou une tragédie grecque. Une leçon d’histoire contemporaine passionnante.

Entretien.

Pas évident de créer de l’action dans une succession de réunions ?

C’était la difficulté. La tension, ici, c’est la parole. Comme au théâtre.

C’est une fiction très documentée ?

Dans les réunions de l’Eurogroupe, c’est une histoire vraie avec de vraies personnes, donc vous ne pouvez pas tricher. Ce qui est dit dans le film s’est vraiment dit. La seule liberté que j’ai prise, c’est de faire des choix, réduire et traduire le jargon.

Où a démarré l’envie de ce film ?

Dès que la crise grecque a commencé, je m’y suis intéressé. Il y avait des choses incroyables : les magasins qui ferment, les salaires qui baissent, 500 000 jeunes qui quittent la Grèce en dix ans… Mais il manquait encore le coeur. Quand le ministre des Finances Yánis Varoufákis a démissionné, je l’ai contacté.

Yánis Varoufákis est un pur, comme Antigone ?

Je n’aime pas les qualificatifs aussi définitifs. C’est un homme assez pur dans sa fonction, sa pensée, son éthique. Il m’a raconté beaucoup d’histoires. Il m’a fait écouter ce qu’il avait enregistré. Puis il m’a envoyé le livre qu’il était en train d’écrire, chapitre après chapitre. Au bout de quatre mois, j’avais tout. Avec aussi en tête une phrase de Christine Lagarde : « Cette dette ne peut pas être payée ». Pourtant, personne n’en a tenu compte alors qu’à l’autre bout, il y avait un peuple qui souffrait.

Vous le connaissez ?

Une partie, oui, je le connais bien puisque c’est de là que je viens après avoir quitté la Grèce. Mais ceux qui partent aujourd’hui sont diplômés et ils offrent la formation que leur a payée la Grèce à d’autres pays.

Lors de l’une réunion, Christine Lagarde a aussi dit : « Y a-t-il un adulte dans la salle ? »

Et là aussi, ils n’en ont pas tenu compte. Ils sont restés sur : « Il faut sauver l’euro ». Alors que l’euro n’était pas menacé par l’économie grecque.

On a loupé une occasion ?

Les Grecs ont loupé une occasion. Ils auraient pu s’unir et dire à l’Europe, au-delà de nos différences, notre peuple ne peut pas souffrir comme ça. Et l’Europe, de son côté, ne voulait pas faire de cadeau à un gouvernement de gauche radicale. Les peuples ne comptent toujours pas assez en Europe.

Gilles Kerdreux pour Ouest-France le 6/11/2019

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