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Archives : Archives
Ama Gloria
De Marie Amachoukeli
Avec Louise Mauroy-Panzani, Ilça Moreno-Zego
Cléo, 6 ans, a des bouclettes, des lunettes, et l’énergie du bonheur. Surtout quand elle regarde sa nounou, Gloria, qu’elle adore – et c’est réciproque. Mais quand la petite orpheline de mère apprend que cette femme essentielle à son quotidien doit repartir au Cap-Vert pour l’enterrement de sa propre maman et s’occuper, enfin, de ses propres enfants, le cœur de Cléo se fend. C’est pas juste. Alors papa, pas très présent mais gentil bougre, promet qu’elle pourra la rejoindre pour les vacances d’été sur l’île de Santiago. Histoire d’une parenthèse initiatique au bord de la mer, et d’un nouvel apprentissage du deuil…
Franchement, on se demande comment Marie Amachoukeli (Party Girl, avec Claire Burger et Samuel Theis, Caméra d’or à Cannes en 2014) fait pour, à ce point, capter l’essence de l’enfance, et la substantifique moelle d’un lien inconditionnel, même (surtout ?) s’il n’est pas sanguin. La moindre image de ce film ultra sensitif respire l’amour dans sa plus touchante expression. Gloria fait découvrir son île à Cléo, lui apprend à nager – ce qui sera bien utile, un peu plus tard, lors d’une séquence aussi lyrique qu’alarmante –, la trimballe partout, de la plage où l’on écaille des poissons tout juste pêchés à son modeste logement où son fils, grandi sans elle, la rejette, tandis que sa fille est en passe d’accoucher. C’est une histoire d’amour en vases communiquants : la femme que Cléo veut rien que pour elle va devenir grand-mère, et la fillette souhaitera la mort de ce bébé qui lui « vole » la berceuse qu’elle pensait réservée à ses seules oreilles. C’est aussi un hommage, délicat, jamais démonstratif, à toutes ces émigrées rémunérées pour abandonner leur famille au profit d’autres.
Si Marie Amachoukeli puise cette authenticité émotionnelle dans ses souvenirs d’enfance, elle qui fut élevée par une nounou portugaise et souffrit de leur séparation, sa mise en scène devient hypnotique, aussi, par son parti pris d’une focale douce, à deux doigts des visages, qui donne à l’ensemble une beauté impressionniste, comme le point de vue d’une gosse un peu myope. Et dès que la cinéaste craint le cliché, elle choisit le dessin animé, pour pigmenter de couleurs rêveuses les souvenirs enfouis et les peurs secrètes de sa jeune héroïne. Bien sûr, la magie d’Àma Gloria vient, aussi, de ces deux actrices non professionnelles, la petite Louise Mauroy-Panzani (comment la réalisatrice a-t-elle pu lui tirer de tels sanglots ?) et Ilça Moreno Zego, d’origine cap-verdienne, si lumineuse et sereine. Sans oublier Arnaud Rebotini, le musicien électro, compositeur des musiques de films de Robin Campillo, parfait en père attendri, auquel Marie Amachoukeli offre, au son de la chanson de Nilda Fernandez Mes yeux dans ton regard, un slow à pleurer.
Télérama, Guillemette Odicino
Publié dans Archives films
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Programmation Septembre et Octobre 2023
Du 30/08 au05/09
REALITY
De Tina SATTER, Etats-Unis, 1h22, VOST, avec Sydney Sween
Josh Hamilton, Marchant Davis.
À partir de vrais enregistrements, la cinéaste érige l’interrogatoire de Reality Winner, lanceuse d’alerte sous Trump, en un féroc
thriller psychologique, fin portrait d’une jeune femme, film politique et un huis clos policier éloigné des clichés habituels.
Tout est stupéfiant dans ce condensé de l’Amérique post-11-septembre.
Le film retranscrit les dialogues sans nettoyer les scoriesde la conversation originale, ses plaisanteries et répétitions. Tout cela est porté par une Sydney Sweeney exceptionnelle dans lerôle de cette jeune femme à la normalité désarmante et sa manière de faire apparaître peu à peu ses ambiguïtés, ses zones d’ombre, sa complexité ; les travaux d’approche badins des enquêteurs dérivent peu à peu vers l’interrogatoire musclé et, face à eux, la suspecte reste indéchiffrable ; s’associe l’actualité de Trump sur le même sujet, et du coup l’invraisemblable paralysie de la justice américaine face à l’ex-président.
Du 07 au 12/09
LES TOURNESOLS SAUVAGES
De Jaime Rosales, 1h43, Espagne, vost
Avec Anna Castillio
Julia, incarnée par la lumineuse Anna Castillo, est une jeune femme moderne, indépendante, déjà mère de deux enfants qu’elle élève seule, sans pour autant renoncer à une vie amoureuse.
Orientant et organisant sa vie selon les désirs de l’homme qu’elle s’est choisi pour soleil, et qui chaque fois devient son « tournesol » . Trois prénoms masculins vont successivement scander le film, annonçant simultanément un règne et son caractère transitoire. Trois chapitres, comme autant de vies, autant d’impasses ou de chances explorées. Trois liens, trois climats, saisis avec sensibilité par la caméra d’Hélène Louvart. Face à trois types de masculinité parfaitement incarnés, Anna Castillo s’impose, dans chacune de ses émotions, comme la plus lumineuse des filles d’aujourd’hui.
Du 14 au 19/09
AMA GLORIA
De Marie Amachoukeli, 1h24 – France-Belgique
Avec Louise Mauroy-Panzani, Ilça Moreno-Zego…
Qu’est-ce que la maternité si ce n’est avant tout un acte de bonté et un tas de regards qu’on échange avec amour ? Marie Amachoukeli révise le statut de mère à travers Àma Gloria, une délicate fresque d’une enfance qu’on a du mal à quitter. Elle convoque des émotions universelles et une mélancolie de l’enfance rarement capturée. Tout cela avec une mise en scène sans pathos, subtile, juste
Accompagnée de deux grandes figures de qualité, la cinéaste interroge la distance mère-fille au coeur d’une relation de sincérité, tout en rendant hommage à la nounou qui s’est occupée d’elle dans son enfance, Laurinda Correia.»
Du 21 au 26/09
FERMER LES YEUX
De Victor Erice – Espagne – 2023 – 2H49 VOS
1947, dans le Château de Triste le Roi, en France, un vieux juif de Tanger, majestueux et défait, fait venir, dans sa demeure un détective privé, pour retrouver sa fille disparue, avec sa mère chinoise, dans l’enfance à Shangaï…il s’agit d’un extrait d
film… Quelques minutes plus tard, en 2012, à Madrid, une autre scène s’ouvre sur un plateau de télévision de téléréalité : il s’agit de découvrir ce qu’est devenu un célèbre acteur (Julio Arenas), disparu, voici 20 ans, en plein tournage, du film dont l’extrait est celui vu un moment plus tôt. Ainsi les 2 récits, l’un fictionnel, l’autre réel vont se fusionner autour de de la figure de la disparition…Film sur l’identité, sur la perte d’identité, sur la célébrité, a été accueilli par une longue standing ovation au Festival de Cannes cette année et fait l’unanimité de la critique ce jour.
Du 28/09 au 03/10
LA BÊTE DANS LA JUNGLE
De Patric CHIHA, France, 1h43
Avec Anaïs Demoustier, Tom Mercier, Béatrice Dalle.
D’après Henry James (1903) mais transposé dans une boîte de nuit de 1979 à 2004, une oeuvre culte à nulle autre pareille.
John et May ont tissé des liens affectifs qui s’étaient dénoués. John refusait de s’engager dans le mariage, persuadé que sa vie n’était qu’en sursis parce qu’un évènement tragique et douloureux, tapi comme une bête dans la jungle, devait réduire à néant son bonheur et celui de ceux qui lui seraient attachés. Dix ans plus tard, May le croise de nouveau, et le convainc de reprendre leurs relations, mais sur une base amicale. Cette crainte de John évoque la découverte du psychanalyste anglais, Donald Winnicott, qui publie en 1974, «La crainte de l’effondrement», une angoisse qui a pris sa source dans une situation très douloureuse vécue peu de temps après la naissance, mais qui n’est pas mémorisée verbalement mais seulement émotionnellement. Ce passé est ignoré mais son émotion est projetée dans le futur. Il faut absolument éprouver sur grand écran cette expérience, hypnotique, conceptuelle et sensuelle, d’une vie mise entre parenthèses, du temps que May (Anaïs Demoustier) essaie de figer, alors que les années défilent sur la piste, la gestuelle des danseurs évoluant avec les époques (disco, new wave, techno…) C’est raconté au moyen de tout ce qui fait le cinéma : la lumière, la musique, le temps, le mouvement et le romanesque.
Du 5 au 11/10
DESERTS
De Faouzi Bensaidi
France, Belgique, Quatar, Allemagne, Maroc – 2H
Pieds nickelés marocains du surendettement, Mehdi et Hamid sillonnent en voiture et en costards cravates froissés le sud du pays. Leur mission : recouvrir pour leur agence les arriérés d’emprunts que n’ont pas honorés de pauvres bougres accablés par la misère et la sécheresse du désert, dans des villages de nulle part. Mêlant comédie et road-movie, le film prend un tour de western et même de quête initiatique lorsque les deux mercenaires désabusés, eux-mêmes mis sous pression, croisent la route d’un bandit de grand chemin.
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Les Tournesols Sauvages
Réalisateur Jaime Rosales
Espagne
1H46
Avec Anne Castillo, Oriol Pla, Quim Avila
Les films sur l’éducation sentimentale d’une jeune femme moderne ne manquent pas. Mais un charme particulier se dégage de l’itinéraire amoureux, en trois étapes, de Julia, 22 ans, jeune Barcelonaise déjà maman de deux enfants dont elle s’occupe avec attention et tendresse. Ce découpage affectif pourrait donner au film ce sous-titre : « Julia en trois chapitres ». Dans des couleurs ensoleillées, au léger filtre mélancolique, Julia rencontre d’abord Oscar, fou d’elle, trop fou d’elle. Sa relation avec cet homme dont la virilité semble être la seule identité finira avec l’une des scènes de violence conjugale les plus naturalistes vues depuis longtemps. Puis ce sera au tour de Marcos, le père des enfants et militaire qui, un temps, pousse son ex à le rejoindre à Melilla, une enclave espagnole au Maroc. Et, enfin, Alex, l’homme qui, après bien des errances, sera, peut-être, enfin, le compagnon que cette jeune femme méritante mérite. De détails finement écrits en éclatants plans larges sur le décor d’une vie banale, Jaime Rosales livre le portrait empathique d’une fille tournesol, cherchant à se tourner vers un vrai soleil. Face à trois types de masculinité parfaitement incarnés, Anna Castillo s’impose, dans chacune de ses émotions, comme la plus lumineuse des filles d’aujourd’hui. Télérama, Guillemette Odicino
Jaime Rosales explique avoir souhaité brosser un « portrait de femme », en même temps que celui de « trois typologies de masculinité ». A l’heure du post Me Too, et alors qu’un certain féminisme va jusqu’à prôner l’abstinence comme voie suprême vers la libération, il est bienfaisant de voir admise l’importance du lien jusque dans la part de dépendance que celui-ci peut générer, mais pour mieux aboutir à la liberté ultime qui consiste à s’être trouvé. Autre richesse du film : loin d’en rester au constat désespérant, imposé par les premiers liens, selon lequel aimer ne suffit pas pour qu’un amour survive, Jaime Rosales ménage une voie d’espoir, en créant une héroïne qui sait tirer profit de son expérience et apprendre des liens successifs qu’elle connaît pour faire de son existence une véritable « éducation sentimentale », moderne et au féminin, permettant ainsi au bonheur de trouver son point d’équilibre. Comme un cheminement vers la découverte des « liens qui libèrent »… Anne Schneider, Le mag du ciné
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Reality
REALITY
De Tina SATTER, Etats-Unis, 1h22, VOST, avec Sydney Sweeney, Josh Hamilton, Marchant Davis.
À partir de vrais enregistrements, la cinéaste érige l’interrogatoire de Reality Winner, lanceuse d’alerte sous Trump, en un féroce thriller psychologique, fin portrait d’une jeune femme, film politique et un huis clos policier éloigné des clichés habituels. Rien n’est inventé et tout est stupéfiant dans ce condensé de l’Amérique post-11-septembre. Le film retranscrit les dialogues sans nettoyer des scories de la conversation originale, avec ses plaisanteries et répétitions. Tout cela est porté par une Sydney Sweeney exceptionnelle dans le rôle de cette jeune femme à la normalité désarmante et sa manière de faire apparaître peu à peu ses ambiguïtés, ses zones d’ombre, sa complexité ; les travaux d’approche badins des enquêteurs dérivent peu à peu vers l’interrogatoire musclé et, face à eux, la suspecte reste indéchiffrable.
S’associe l’actualité de Trump sur le même sujet, et du coup l’invraisemblable paralysie de la justice américaine face à l’ex-président.
Ce film, est considéré par Adrien Gombeaud de « Les Echos », comme « l’un des meilleurs films d’espionnage de ces dernières années« . Il est porté par le talent de Sydney Sweeney qui laisse sa part de mystère à cette jeune femme, Reality Winner, faussement banale, qui sera condamnée à 5 ans de prison. Cette information connue d’avance n’empêche pas la réalisatrice d’orchestrer un implacable suspense psychologique. Ce thriller à combustion lente, offre une plongée inconfortable dans l’horreur d’un pouvoir implacable. Cette histoire vraie témoigne de la complexité des rapports entre le pouvoir, les renseignements et le grand public
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La Bête dans la Jungle
LA BÊTE DANS LA JUNGLE
De Patric CHIHA, France, 1h43, avec Anaïs Demoustier, Tom Mercier, Béatrice Dalle.
D’après « The Beast in the Jungle » d’Henry James paru en 1903, racontant la vaine recherche des âmes qui influeront sur leur destinée, mais transposée dans une boîte de nuit de 1979 à 2004. C’est une oeuvre culte à nulle autre pareille. John et May avaient tissé des liens affectifs qui s’étaient dénoués. John refusait de s’engager dans le mariage, persuadé que sa vie n’était qu’en sursis parce qu’un évènement tragique et douloureux, tapi comme une bête dans la jungle, devait réduire à néant son bonheur et celui de ceux qui lui seraient attachés. Dix ans plus tard, May le croise de nouveau et le convainc de reprendre leurs relations, mais sur une base amicale. Cette crainte de John évoque la découverte bien plus tardive du psychanalyste anglais, Donald Winnicott, qui publie en 1974, « La crainte de l’effondrement », une angoisse provoquée par une situation très douloureuse vécue dans la petite enfance, mais qui n’est pas mémorisée verbalement mais seulement émotionnellement. La personne n’a pas conscience que c’est arrivé dans le passé mais l’imagine advenir dans le futur.
Mais pour ces personnages, cette question hypothétique ne s’est pas posée. Il leur faut vivre avec ce secret envahissant. Alors, John, obsédé par l’originalité de son destin et parce qu’il pressent que May sait quelque chose qu’il ignore, il n’a de cesse de l’interroger, indirectement, à travers les méandres subtils d’une conversation procédant par allusions. Finalement la quête du secret se substitue au secret lui-même. Ce qui compte, alors, ce n’est pas le secret en lui-même, mais les stratégies d’approche, les tentatives de découverte, la quête de tout un art de rebond sur une phrase ou un mot. Ce chef-d’oeuvre d’Henry James, est repris par le cinéaste franco-autrichien, Patric Chiha, avec une originalité excentrique, une beauté singulière, un climat envoûtant. Ce couple qui ne vit que d’amitié fusionnelle et d’attente, se retrouve dans la griserie du dancefloor : « il attend quelque chose de bien énigmatique qui aura le pouvoir de tout changer » a dit John… À ses côtés, May devient, comme lui, une chasseresse à l’affût dans la jungle de la vie, d’où surgira un jour l’évènement annoncé et inconnu, la Bête.
Sur le dancefloor, la griserie lance un tourbillon d’espoirs, puis l’allégresse vire à la détresse, mais John et May sont toujours là et n’en finissent pas d’attendre la grande révélation. Tout change et pourtant rien ne change : dans la magie noire de ce mouvement immobile, le pouvoir de l’écrivain Henry James est transposé avec force. Sous la modernité radicale de cette adaptation s’impose un film superbement littéraire.
Interprétés par Tom Mercier, totalement lunaire, et Anaïs Demoustier, langoureusement abandonnée à un vertige fantomatique, John et May sont des enfants terribles qui jouent à cache-cache avec le destin. Et Béatrice Dalle, gardienne du night-club, règne sur tous les mystères .(Frédéric Strauss, Télérama)
Il faut absolument éprouver sur grand écran cette expérience, hypnotique, conceptuelle et sensuelle, d’une vie mise entre parentheses, du temps que May essaie de figer, alors que les années défilent sur la piste, la gestuelle des danseurs évoluant avec les époques (disco, new wave, techno…) (Le Monde) C’est raconté au moyen de tout ce qui fait le cinéma : la lumière, la musique, le temps, le mouvement et le romanesque.(Nicolas Marcadé, Les Fiches du Cinéma)
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Prochaine programmation début septembre !
On vous souhaite un bel été
A bientôt
L’équipe de Cinécimes
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Andrea Di Stefano (Dernière Nuit à Milan)
Dernière nuit à Milan, une proposition de cinéma passionnante et excitante. Plongée noire dans la dernière nuit de service d’un policier nommé Franco Amore, confronté à de sérieux problèmes. Rencontre avec Andrea Di Stefano et Pierfrancesco Favino :
Andrea Di Stefano, vous avez commencé votre carrière de réalisateur en langue anglaise, qu’est-ce qui vous a poussé à revenir vers l’Italie pour ce troisième long métrage ?
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Programmation Juin Juillet 23
L’ILE ROUGE
Du 15 au 20/06/23
De Robin Campillo – France – 1H 56
Avec Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Charlie Vauselle
Bienvenue au « paradis » : Madagascar entre 1970 et 1972 sur la base militaire 181. La république malgache est indépendante depuis 1960, mais le père de Thomas, sous-officier, et ses collègues militaires sont toujours là pour imposer encore un peu la présence française dans l’océan indien. Avec ce film proustien le réalisateur de « 120 Battements par Minutes » livre une magnétique et universelle histoire d’émancipation. Et un récit initiatique des plus délicats sur la naissance d’un oeil de cinéma.
https://cinecimes.fr/robin-campillo-lile-rouge/
Du 22 au 27/06/23
DERNIERE NUIT A MILAN
De Andrea Di Stefano -Italie- 2023 – 2h05
Avec Pierfrancesco Favino, Linda Caridi, Antonio Gerardi…
Franco Amore porte parfaitement son nom. En apparence seulement. Andrea Di Stefano explore la face cachée de cet homme à deux doigts de tout perdre en une nuit – la dernière de son service de carabinier après 35 ans de bons et loyaux services où il n’a jamais fait usage de son arme – jusqu’à ce que l’on découvre les eaux bien plus troubles dans lesquelles il fraie. Ce thriller se révèle classique au meilleur sens du terme. Tendu et sans esbroufe avec un réalisateur qui laisse toute la place à un récit riche en rebondissements, à des personnages ambigus et à des acteurs majeurs dont l’immense Pierfrancesco Favino.
https://cinecimes.fr/andrea-di-stefano-derniere-nuit-a-milan/
Du 29/06 au 04/07/23
SICK OF MYSELF
De Kristoffer BORGLI, Norvège, 1h37, VOST
Avec Kristine Kujath Thorrp, Eirik Saether, Fanny Vaager.
Notre époque, dit-on, ne reconnait que ceux qui savent se faire remarquer. Alors comment exister ? Quitte à en passer par des conduites qu’on pourrait prendre pour des pathologies. À tort ou à raison ? Signe, serveuse dans un café, est en rivalité avec son petit ami, Thomas, qui pérore sur sa prochaine (petite) exposition d’art contemporain. Or une occasion se présente : une cliente du café, salement mordue par un chien, saigne dans les bras et sur la blouse de Signe, qui s’empare immédiatement de ce statut de « sauveuse ». Elle a trouvé ainsi un rôle, et raconte, encore et encore, cet épisode, jusqu’à ce que Thomas reprenne la vedette. Comment continuer à attirer l’attention ? Signe choisit d’attirer l’empathie d’un public à son égard, d’autant plus que Thomas se soucie d’abord de lui-même. Il faut que tout le monde me regarde. Se faire du mal, se défigurer, et même envoyer des phrases assassines, des humiliations à répétition, puisque pour émerger, il faut enfoncer l’autre. Le cinéaste capte « la maladie (?) » du nouveau siècle, cette obsession de soi qui dissout les êtres
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Sick of myself
SICK OF MYSELF
De Kristoffer BORGLI, Norvège, 1h37, VOST, avec Kristine Kujath Thorp, Eirik Saether, Fanny Vaager.
Notre époque, dit-on, ne reconnait que ceux qui savent se faire remarquer. Alors comment exister ? Quitte à en passer par des conduites qu’on pourrait prendre pour des pathologies. À tort ou à raison ? Signe, serveuse dans un café, est en rivalité avec son petit ami, Thomas, qui pérore sur sa prochaine (petite) exposition d’art contemporain. Or une occasion se présente : une cliente du café, salement mordue par un chien, saigne dans les bras et sur la blouse de Signe, qui s’empare immédiatement de ce statut de « sauveuse ». Elle a trouvé ainsi un rôle, et raconte, encore et encore, cet épisode, jusqu’à ce que Thomas reprenne la vedette. Comment continuer à attirer l’attention ? Signe choisit d’attirer l’empathie d’un public à son égard, d’autant plus que Thomas se soucie d’abord de lui-même. Être malade, bon sang mais c’est bien sûr ! Voilà ce qui peut attirer l’attention et l’empathie d’un public, comment se rendre visible…
Elle se prénomme Signe, et rêve d’imposer sa signature. Elle cherche à exister par n’importe quel moyen, à briller, à se construire un récit. Elle en vient à faire semblant de s’étouffer dans un dîner branché donné en l’honneur de son compagnon, qui n’a même pas pris la peine de la présenter.
Cette pépite norvégienne sort, enfin, sur les écrans, un an après sa présentation à Un certain regard, au Festival de Cannes 2022. Sick of Myself à traduire par « malade de moi-même », comme un empoisonnement égotique est un film violemment contemporain d’une société narcissique. Kristoffer Borgli ouvre ce jeu de massacre par une scène de restaurant qui n’est pas sans rappeler celle de « Sans filtre » : un combat d’ego autour d’une bouteille de vin hors de prix et d’un gâteau commandés par son petit ami Thomas pour l’anniversaire de Signe, qui ne cesse de répéter, comme un souhait, « tout le monde me regarde ». Et pour émerger, il lui faut aussi enfoncer l’autre de phrases assassines, d’humiliations à répétition.
De Bergman à Thomas Vinterberg, l’école scandinave a décidément l’art de faire du couple un précipité de toutes les bassesses. Mais c’est surtout le personnage de Signe qui s’impose comme une figure féminine neuve, assumée comme antipathique, une âme vide, cherchant jusqu’au sang des pouces levés et des likes comme dans la pire des dystopies. Sous les traits de plus en plus desquamés de cette blonde inédite à l’écran, Kristine Kujah Thorp est éblouissante de folie fade, et son jeu devient fascinant alors même que son visage disparait sous les bandages tel celui d’une momie, poupée horrifique avec lunettes roses. Plus son visage fond, plus le film prend des allures d’installation pop, ultra-acide. Kristoffer BORGLI capte la maladie du nouveau siècle, cette obsession de soi qui dissout les êtres.
Extraits de la critique de Guillemette Odicino pour Télérama.
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Dernière nuit à Milan
DERNIERE NUIT A MILAN.
Titre original : L’Ultima notte di Amore.
De Andrea Di Stefano – Italie – 2022 – 2h05 – VOSTF. Avec Pierfrancesco Favino, Linda Caridi, Antonio Gerardi, Francesco di Leva.
Pas question d’arriver ne serait-ce qu’une minute en retard, il ne faut à aucun prix rater le générique, formidablement efficace et jouissif : sur une musique qui commence par un souffle avant de s’épanouir en une sarabande d’inspiration évidemment moriconienne, un long plan-séquence survole MILAN de nuit, démarrant des beaux quartiers du centre, la Piazza del Duomo, pour arriver à la tentaculaire stazione di Milano Centrale, puis entrer par la fenêtre dans l’appartement surpeuplé des Amore…
Franco Amore est policier à Milan depuis un sacré bail : trente-cinq ans de bons et loyaux services ! Et le film commence la veille de son dernier jour de service. Il prépare depuis des semaines son discours de jeune retraité, dans lequel il rappelle qu’en trente-cinq ans il n’a jamais tiré sur personne alors qu’il n’a pas manqué de missions dangereuses. Un flic exemplaire ? Sa récente deuxième épouse et ses amis – sans oublier sa fille d’un premier mariage qui étudie à l’étranger mais qui est là en « visio » – lui ont organisé une fête surprise… dont on devine à son attitude qu’elle n’est pas si surprise que ça… Il sourit, il a l’air heureux mais on sent confusément qu’il y a quelque chose qui cloche. Le téléphone sonne, et là non plus il n’a pas l’air vraiment surpris. C’est son chef qui réclame sa présence sur une scène de crime, pas le choix : quasi-retraité ou pas, il doit y aller. Amore prend sa voiture, arrive sur les lieux. Parmi les victimes, un de ses proches collègues… Fin du prologue, flash-back, douze jours plus tôt…
Il serait franchement déloyal à ce stade de vous dévoiler un peu plus que cette brève mise en place sans risquer de vous gâcher le plaisir procuré par ce polar tiré au cordeau. Sachez seulement que le récit suivra dès lors pas à pas, décision après décision, rencontre après rencontre, ce que le réalisateur lui-même décrit comme la descente aux enfers de Franco Amore – le titre original est d’ailleurs plus explicite que sa traduction en français : c’est bien la dernière nuit du flic Amore qui nous est contée, au terme des douze jours qui l’ont précédée. Franco devra assumer ses choix, faire son possible pour garder son intégrité, déterminer comment arriver (ou pas) à sortir d’un tunnel apparemment sans issue.
C’est après une longue et très sérieuse enquête sur le travail quotidien (et l’usure qui va avec, motif de nombreuses retraites anticipées) de la police milanaise et les activités du milieu criminel de la métropole – en particulier sur la place prépondérante des triades chinoises – qu’Andrea Di Stefano s’est attelé à l’écriture de son scénario, habilement construit, maîtrisant parfaitement les croisements narratifs.
Outre la tension savamment distillée et qui nous tient en haleine de bout en bout, l’atout principal du film est bien sûr la performance remarquable de Pierfrancesco Favino, le plus grand acteur italien en activité, vu récemment dans Le Traître de Marco Bellochio et Nostalgia de Mario Martone. Impressionnant de présence, il compose un personnage terriblement humain, tout en nuances d’ambigüité et de fragilité, de détermination mais aussi de peur. Et grâce à la sincérité explosive de Linda Caridi,Dernière nuit à Milan est aussi un beau film d’amour. Sans le A majuscule du patronyme du héros mais bien présent dans les liens qui unissent ce couple à la vie, à la mort / à l’amore.
Publié dans Archives films
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