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Adults in the room

ADULTS IN THE ROOM

De Costa-Gavras, France/Grèce, 2h04 d’après « Conversations entre adultes. Dans les coulisses secrètes de l’Europe » d’Yánis Varoufákis, (joué par Christos Loulis), ex-ministre de l’économie de la Grèce du gouvernement de la coalition de gauche, après la victoire de Syrisa dirigé par Alexis Tsipras, en 2015.

Costa-Gavras a aussi pris en compte pour ce film les enregistrements des réunions avec l’Eurogroupe et la troïka (FMI, BCE, CE) que Varoufakis a réalisés quand il a découvert qu’il n’y avait pas de procès-verbal sur ce qui avait été dit, alors qu’il était le seul grec invité face aux ministres des finances de l’Europe et qu’il avait à rendre compte des négociations auprès de son gouvernement. D’autant plus que des infox étaient transmises aux médias, comme le fait qu’il n’apportait aucune proposition, alors qu’il aurait voulu communiquer celles qu’il avait préparées et à défaut les transmettre à l’extérieur, ce qui lui a valu d’être menacé d’expulsion du groupe de travail. Ceci traduit cette tragédie grecque où David hérite d’un pays avec une dette monumentale (320 milliards) et doit affronter Goliath qui, non seulement ne prend en compte que la réalité économique, mais tient à punir ces élus « gauchistes défenseurs de cigales. » Les pompiers pyromanes ne croient qu’à l’austérité. Tsipras finira par céder au chantage, menacé d’exclusion de l’Europe. Et alors Varoufakis démissionnera.

Et les jeunes diplômés grecs quittent le pays en masse, le chômage s’aggrave, les retraites baissent de 45%, les salaires chutent de 40%, des biens publics sont vendus au privé, des hôpitaux ferment… Aujourd’hui la dette demeure et les grecs sont appauvris largement plus.

Ce renversement, non seulement d’un peuple, mais aussi de la politique, par l’économie, par une gestion comptable,  ne concerne pas que la Grèce ; il n’est que de voir ce que deviennent nos services publics en France, pourtant considérés comme le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. Une déshumanisation qui gangrène le monde du travail et les services à la population.

Le sujet de Costa-Gavras, lequel souhaite une autre Europe, c’est de montrer l’abus de pouvoir, cette fois, celle d’une dérive du libéralisme tout-puissant, de la dictature et de la violence de l’économie lorsqu’elle se prétend exclusive. Et il met en scène le comportement de ces hommes qui ne lâchent rien. Jamais. Ils méprisent, ils discréditent, ils manipulent. Ils règnent. Ces mots, mais en anglais, de Christine Lagarde, présidente du FMI, devraient entrer dans la postérité : « (Y-a-t-il ?) ou (il faut) des adultes dans la salle ».

Costa-Gavras a cherché à s’en tenir au plus près des faits, avec tout son talent cinématographique pour établir un thriller palpitant. Il sait être pédagogue sans rien sacrifier de la complexité. Il est l’auteur de Z, L’aveu, Missing (Palme d’Or en 1982), Amen.

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Ceux qui travaillent

CEUX QUI TRAVAILLENT

Ex-employé d’une société qui gère des cargos depuis la Suisse, le personnage que joue l’acteur déclare, à une recruteuse chargée d’établir son profil, n’être « ni sentimental ni altruiste ». Le visage fermé, Frank semble presque robotisé. Parce qu’une cargaison risquait d’être retardée et perdue, après la découverte d’un clandestin à bord, il a donné l’ordre de se débarrasser du « problème ».Ses patrons, qui trouvaient qu’avec son ancienneté il coûtait trop cher, en ont profité pour le licencier, en prenant des airs offusqués. Entre requins, pas de pitié.

Voilà Frank échoué, comme un cargo sur la grève. Mais prêt à refaire passer la loi du profit avant les préoccupations humaines, la prochaine fois que l’occasion se représentera. Donner tout à son travail n’est pas une formule pour lui : sa vie, son honneur, il les a sacrifiés contre un très bon salaire. Et tout le monde était content. C’est par sa franchise que ce premier film se distingue et renouvelle ce cinéma social dont les combats s’appuient sur la grandeur des individus. Ici, on la cherche en vain. Chez lui, Frank devient un encombrant. Il n’était bon qu’à partir au bureau et son fils le lui crache à la figure : « On a accepté de vivre sans père mais on n’acceptera pas de changer notre train de vie. » À la maison non plus, on ne se fait pas de cadeau…

Sans effets dramatiques, sans colère, presque aussi froid que ses personnages, le réalisateur montre comment la circulation de l’argent régit tout. Mais, dans ce tableau étouffant, il s’accroche à une enfant, la plus jeune fille de Frank. Parce qu’elle est la seule à le considérer comme un père et non comme un portefeuille ; parce qu’elle a besoin de faire un exposé à l’école sur le travail de son papa, il l’emmène voir les cargos dont il avait la charge. Avec ce voyage, le film prend de la hauteur pour regarder le cycle infernal du commerce : notre monde sans pitié ne tourne que si l’on achète tout ce qui est à vendre. Ceux qui travaillent se salissent les mains, mais tout le monde est complice. Un regard précis, utile, courageux.

Olivier Gourmet est magistral…

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Pour Sama

Présenté comme une lettre à sa fille Sama, née pendant les bombardements à quelques mois du début du siège d’Alep, ce documentaire est bouleversant. Il filme de l’intérieur la résistance silencieuse des habitants de la ville qui ne veulent pas partir de chez eux. Parce que partir, c’est renoncer à tout ce qu’ils ont construit et donner raison à un pouvoir qu’ils exècrent. Mais rester, c’est l’enfer. Rester, c’est faire grandir les enfants dans la misère, sous les bombes, sans savoir si l’on va savoir les protéger, ou même les nourrir. Extrêmement personnel, ce film raconte le trajet de la réalisatrice, mère qui se demande dans quel monde elle fait naître son enfant. Un enfant de l’amour, qui lui apporte tellement de joie. Elle raconte ses doutes et ses peurs, son angoisse totale, sans aucun fard ni aucune retenue. Mais Waad est aussi une « journaliste-citoyenne » qui sort tous les jours dans la rue et laisse sa fille dormir dans une chambre de fortune au-dessus de l’hôpital, car elle se doit de documenter le conflit, documenter la vie à Alep, sous les bombes et pendant le siège. Documenter pour faire, d’une part, voir au monde ce qu’il se passe, mais aussi comme devoir de mémoire, pour tous ceux qui ne sont plus.

« Pour Sama« , raconte ainsi de manière chronologique la détérioration de la situation dans cette grande ville, des premières révoltes étudiantes, quand Waad est encore en quatrième année de marketing, au siège de la ville pendant plus de six mois. D’importants jalons, ignorés en Occident, viennent rythmer le film et le rendent très lisible. En racontant la grande Histoire par le prisme de sa vie, Waad ancre ces changements et les conceptualise. Mais avant tout, c’est un film sur les habitants d’Alep. Une déclaration d’amour à ce peuple qui est resté, qui a continué à se battre et à aider les sinistrés. À tous ceux qui ont su remettre un sourire sur un visage, qui se sont occupés d’enfants, de blessés, de vieilles personnes. À tous ceux qui ont soigné et aidé, dans des hôpitaux de fortune. Ce documentaire montre des images inédites, inimaginables, celles de bombes tombant sur des quartiers, à moins de cent mètres de la caméra ; les dégâts encore fumants qu’elles laissent dans les bâtiments, tombant parfois à quelques mètres de la réalisatrice ; des enfants arrivants, couverts de poussière, portant dans leur bras un camarade inanimé. Ce que Waad al-Kateab parvient aussi à capturer, c’est la bande son de la guerre, des tirs de mortiers aux rafales des snipers, des cris aux bruits incessants de la chute des bombes. (…) Et au milieu de tout ça, la chose la plus unique, la plus surprenante, la plus inattendue à trouver là : le rire. Le rire, les histoires et le sourire, l’optimisme qui existe au cœur de cette détresse extrême qui ne se laisse jamais abattre. Extrêmement personnel, par ce film la réalisatrice demande pardon à sa fille et essaie de lui faire comprendre pourquoi elle l’a mise tant en danger, pourquoi ses parents ont fait ce choix, celui de rester. Elle est notre point d’attache, qui rend tout cela bien réel, vécu. Elle ne s’en remettra jamais, mais elle n’aurait pas fait un autre choix.    Oeil d’Or du meilleur documentaire au Festival de Cannes 2019.

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Chambre 202

La pérennité du désir, l’infidélité, les ravages du temps… Des sujets pas vraiment drôles, dont Christophe Honoré a réussi à faire une comédie enlevée et joyeuse avec « Chambre 212 », qui sort en salle mercredi. En compétition lors du dernier Festival de Cannes dans la section Un certain regard, le film a remporté le prix d’interprétation pour Chiara Mastroianni. Maria (Chiara Mastroianni) quitte le domicile conjugal à la suite d’une dispute avec son mari (Benjamin Biolay,) pour passer la nuit à l’hôtel. Alors qu’elle tente de faire le point, plusieurs personnes de sa vie passée entrent en scène. Ce qui semble au départ être un songe de Maria -qui parle avec sa mère morte, son mari lorsqu’il avait 25 ans (joué par Vincent Lacoste) ou l’ex-amour de celui-ci (joué par Camille Cottin)- montre en réalité les dédales de sa réflexion. « C’est l’histoire d’une femme qui pense et qu’on accompagne dans toutes ses pensées, lesquelles s’incarnent dans des situations ou des personnages », racontait Christophe Honoré à l’AFP en mai dernier à Cannes. L’histoire, comme les protagonistes, se promène entre la chambre d’hôtel et l’appartement du couple -ils n’ont qu’une rue à traverser- en s’affranchissant du temps, pour permettre, par exemple, un dialogue entre l’un des personnages à deux âges différents, une bagarre entre un amant actuel et un futur mari encore dans ses vingt ans… Les situations amusantes s’enchaînent…. 

Après « Plaire aimer et courir vite », son dernier film à la tonalité plutôt grave, Christophe Honoré avait « envie d’échapper à un certain naturalisme » pour faire un long métrage « qui s’amuse, au ton plus léger, même si le film a sa part de mélancolie ». Car sans avoir l’air d’y toucher, le propos est profond, tournant autour d’une seule grande question : un couple peut-il résister au temps ? « J’arrive à un âge où j’ai la chance de vivre en couple depuis longtemps. C’est un travail », avance Christophe Honoré, en écho aux propos de l’un de ses personnages. « Prenez la façon dont on gère le désir : c’est très déstabilisant d’aimer toujours autant quelqu’un mais de le désirer moins qu’avant. Il faut pouvoir passer outre ce genre de choses ou en tout cas faire avec…On n’est pas sur terre pendant si longtemps au fond, et la question de qui on désire, à qui on plaît, et comment on a la chance ou non de vivre une histoire d’amour… c’est quand même essentiel dans nos vies », selon le cinéaste qui se dit « heureux » d’avoir fait ce film. ( rh/sl pour La Croix) 

En même temps, une poignante interrogation affleure : peut-on jamais se remettre de la perte de la jeunesse ? Peut-on jamais faire autrement que tromper l’autre avec lui-même ? C’est le bilan d’une vie de couple, mais aussi le carrefour virtuel de toutes les vies que les deux époux auraient pu avoir à la place. La troupe d’acteurs éblouit, notamment du côté des nouvelles recrues de Christophe Honoré : Benjamin Biolay, la maturité assumée et le cœur lourd, Camille Cottin, émouvante « vieille  maîtresse » ressurgie du passé et Carole Bouquet, vivante référence au cinéma de Blier…Une nouvelle réussite.

( Télérama ) »

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5ème film du programme

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Give Me Liberty

26 septembre au 1° octobre

Du 26 septembre au 1er Octobre

GIVE ME LIBERTY
Un film de Kirill Mikhanovsky – Etats-Unis – 1h51 – VOST
Avec : Chris Galust, Lauren « Lolo » Spencer, Darya Ekamasova…
 
Vic (Chris Galust), jeune conducteur de véhicule utilitaire pour personnes sévèrement handicapées, veille également sur un grand-père russe qui retombe dans une enfance particulièrement agitée. Le jour où cet aïeul doit assister à des funérailles, Vic accepte de le transporter au cimetière avec d’autres seniors de la communauté, tout en menant de front ses courses du jour. Mais les requêtes de chacun, auxquelles s’ajoutent une pluie d’imprévus, compliquent considérablement son parcours. Comme cette manifestation qui bloque le quartier afro-américain et l’empêche de récupérer à temps une jeune femme noire atteinte de la maladie de Charcot, Tracy (Lauren « Lolo » Spencer), excédée par son retard. Sous pression, Vic prend également à son bord un dénommé Dima (Maxim Stoyanov), un Russe louche qui se prétend le neveu de la défunte, mais dont on perçoit mal les véritables intentions. L’attelage hétéroclite fonce aux quatre coins de la ville et manque plus d’une fois de chavirer…
Give Me Liberty, qui se déroule sur une seule journée, se signale d’emblée par son rythme trépidant, celui d’une course folle à travers la ville. Sous ses airs de comédie à l’habillage réaliste, le film vaut pour son incroyable galerie de personnages, interprétés par un casting d’acteurs non professionnels, pour certains issus de Milwaukee, qui sont aussi bien la chair que le moteur du récit. Vieillards azimutés, clandestins russophones, minorité afro-américaine, handicapés moteurs et mentaux : ceux-ci composent un attelage hétéroclite, réserve de visages hirsutes, de corps cabossés, d’accents étrangers et de mobilités incontrôlables, qui ne rencontrent pas souvent les honneurs de la fiction officielle.
La camionnette de Vic est, en quelque sorte, la métaphore du film : elle est la voiture-balai des derniers laissés-pour-compte de l’Amérique, ceux dont les corps sont dépourvus de la moindre valeur marchande.

« Dans ce mélange d’excentricités, de tendresse et de tragédie, réside sans doute un peu de ce mystère qu’est l’âme russe frotté au melting-pot américain « (Baptiste Thion).

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Portrait de la jeune fille en feu

Un film de Céline Sciamma

France 2019 – Durée 2H

Avec Adèle Haenel, Noémie Merlant, Valéria Golino 

 

Le cinéma français a une sacrée dette envers Céline Sciamma : celle de nous avoir fait découvrir le charme et le talent d’Adèle Haenel, en 2007, au moment de la sortie très remarquée de La Naissance des Pieuvres. Depuis, l’actrice a tourné avec les réalisateurs les plus en vue du pays. Dans ce film d’époque, le Portrait de la Jeune Fille en Feu imagine le rapprochement entre une peintre et son modèle, et l’inévitable tension érotique qui va naître entre elles. Or, si l’homosexualité féminine est un sujet récurrent dans la filmographie de Sciamma, c’est la première qu’elle l’aborde par le prisme historique. Toutefois, en plaçant leur rencontre en 1770, il ne s’agit pas de profiter du contexte politique houleux qui précédait la Révolution française, mais bien de rappeler qu’en ces temps pas si ancestraux, les femmes avaient une liberté des plus limitées, puisqu’elles étaient contraintes de se marier, afin de sortir du couvent.

La sobriété de la mise en scène participe pour beaucoup à l’intensité du feu érotique, qui bout sous la surface des faux-semblants. Le travail effectué par la directrice de la photographie, qui vise à donner à chaque plan l’allure d’une peinture animée, n’est certainement pas pour rien dans la beauté qui se dégage du contenu. Et la splendeur des décors confère à l’ensemble un vrai charme pictural. Mais le plus magnifique du film apparaît dès que les deux femmes s’observent l’une l’autre : le jeu des regards véritablement troublant se suffit alors à lui-même pour rendre leur attirance inavouée. 

D’après Julien Dugois . AvoirAlire

Céline Sciama : Dès que j’ai commencé à rêver au  film, le grand enjeu de reconstitution était plutôt du côté de l’intime, de la restitution du cœur. Si ces femmes se savaient condamnées à des vies toutes tracées, elles étaient traversées pour autant d’autre chose. Elles étaient curieuses, intelligentes, avaient envie d’aimer. Leurs désirs ont beau s’inscrire dans un monde qui ne les autorise pas, ils n’en sont pas moins là. Le rôle est sentimental et intellectuel, et Adèle parce qu’elle travaille au vivant sans jamais cesser d’y réfléchir, a la puissance pour incarner les désirs et la pensée des désirs. Nous avons travaillé avec une très grande précision sur le plateau, notamment sur sa voix. D’après « tournages de Bretagne «

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303

303

De Hans WEINGARTNER–Allemagne-2h. Avec Anton Spieker, Mala Emde, Arndt Schwering-Sohnrey. VOST

Ils ont vingt-quatre ans. Elle vient d’échouer à un examen, elle est enceinte mais n’est pas sûre des intentions de son copain. Il vient d’être recalé pour une bourse d’études. Il veut aller voir son père (qu’il n’a jamais connu) en Espagne, elle rejoint son copain (qu’elle connaît mal) au Portugal. De là naît une rencontre impromptue à l’occasion d’un covoiturage dans un vieux van Mercedes 303. Un débat surgit (le premier d’une longue série, ils ne sont d’accord sur rien) : sur le suicide et la mort ce qui occasionne un faux départ ; elle le débarque.

Mala Emde et Anton Spieker incarnent bien la jeunesse attachante. Ils se retrouvent par hasard. Très vite, ils quittent les chemins tout tracés pour prendre la tangente.

À travers les petites routes et les paysages bucoliques, les kilomètres défilent, la destination se rapproche et eux aussi. Ils se perdent dans leurs émotions, se dévoilent petit à petit, partagent des douleurs, font leur thérapie en cheminant. Les souvenirs de l’un font écho au vécu de l’autre. Ils se bousculent, se font réfléchir, évoluer l’un l’autre.

On se laisse complètement emporter et charmer. La bande originale participe efficacement à l’atmosphère et puis, avec le recul, on voit les « défauts ».

C’est souvent trop manichéen. Pour lui, la vie entière est une compétition. Elle prône la coopération. Les sujets s’enchaînent : politique, histoire, biologie, affaires de cœur. Ce sont surtout des conversations typiques d’adulescents. La sincérité, l’authenticité et le charme incontestable de ce road movie en font un film très agréable. Le réalisateur, Hans Weingartner, sait parfaitement mettre en scène la délicatesse, un réel romantisme et la naissance des sentiments.

 

Extrait de la critique de Benjamin Oppert, aVoir-aLire.com

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Une grande fille

UNE GRANDE FILLE

De Kantemir BALAGOV–Russie 2h17 avec Viktoria Miroshnichenko, Vasilisa Perelygina, Timofey Glazkov. VOST

Le jeune prodige du cinéma russe, 28 ans, est à l’image de ses films : un mélange d’énergie et de tendresse. La première dynamise sa réalisation virtuose, la seconde nourrit ses héroïnes puissantes. « Une grande fille » (prix de la mise en scène à Un certain regard lors du dernier festival de Cannes) chronique l’amitié tourmentée, dans le Leningrad en ruines de 1945, de deux anciennes militaires traumatisées par la guerre. « Les femmes sont les héroïnes de notre temps, assure Kantemir Balagov. Un homme qui se rebelle finit toujours par revenir à une certaine forme de tradition. Les femmes, elles, font vraiment exploser les cadres. »

Une grande fille est l’adaptation très libre de La guerre n’a pas un visage de femme, le bouleversant recueil de témoignages de Svletana Alexievitch sur la Seconde Guerre Mondiale en Union Soviétique. Mais le jeune réalisateur explique avoir trouvé son inspiration dans les nouvelles de Tchekhov. Cependant, « Le cinéma est un art des sensations, analyse-t-il.  Je ne m’intéresse pas à ce que pense un personnage, mais à ce qu’il ressent. » Il a conçu le scénario puis le montage d’Une grande fille pour provoquer « une cascade d’émotions », avec une scène « particulièrement secouante dans le premier quart d’heure pour accrocher les spectateurs ». Il aime désarçonner le public en amenant ses personnages vers des comportements amoraux, et « parvenir à les justifier »

Ces portraits de femmes blessées ne seraient pas aussi admirables sans les personnages secondaires que le réalisateur parvient à faire exister en quelques scènes inoubliables.

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SIBEL

C’est un petit village planté au nord de la Turquie, perdu entre une mer de nuages et la végétation luxuriante qui s’agrippe aux pentes des montagnes abruptes.  Dans ces contrées les saisons sont franches, les habitants ont les mains rudes et le tempérament tranchant comme les rochers qui les surplombent.  Ici chacun parle et comprend la langue sifflée qui s’est imposée comme une évidence, tant elle est pratique pour communiquer à distance dans ces paysages escarpés.  Pas d’autre choix que ce langage ­volatile,  pour la si belle Sibel, puisqu’elle est muette. La fière aînée du maire, rejetée en raison de son handicap, cherche à s’intégrer en tuant un loup, qui hante les villageois. Mais, un jour, c’est un homme traqué, blessé, qu’elle rencontre, sauve et cache. Car Sibel ne craint pas non plus ce « loup »-là…

Venu du documentaire, le couple franco-turc Cagla Zencirci et Guillaume Giovanetti a su impliquer la population dans un conte forestier qui prend, de plus en plus violemment, les contours d’un suspense politique sur le courage obstiné d’une jeune femme, et son émancipation — sociale, sexuelle — dans une société patriarcale. Le mouvement du film est constant , qui suit Sibel dans la forêt, dans les rues du village , où tous chuchotent sur son passage et dans la maison familiale où elle remplit les tâches domestiques pour son père veuf, une belle figure masculine.

Dans le rôle, Damla  Sönmez, déjà star en son pays, et qui a mis six mois à apprendre la langue sifflée, est renversante : la plus belle des héroïnes pour faire entendre, très loin, le mot « liberté ».

 

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