Benoît Jacquot (Par Coeurs)

Né le 5 février 1947 à Paris

France

Réalisateur

Par Coeur, L’Intouchable,Villa Amalia, Les Adieux à la Reine, Suzanna Andler, Par Coeurs

Par coeurs : c’est quoi ce documentaire avec Isabelle Huppert et Fabrice Luchini ?

Isabelle Huppert et Fabrice Luchini, côté coulisses

En 1998, le cinéaste Benoît Jacquot réalise Par coeur, un documentaire qui est une captation de la lecture au théâtre, seul en scène, de grands auteurs par Fabrice Luchini. 24 ans plus tard, il reprend quasiment le même principe dans Par coeurs pour cette fois filmer Isabelle Huppert et Fabrice Luchini au Festival D’Avignon 2021. La comédienne y était pour la représentation de La Cerisaie d’Anton Tchekhov, et le comédien pour une lecture de Friedrich Nietzsche.

Pour capter le travail de ces deux géants de l’écran et des planches, le réalisateur de Les Adieux à la reine ne déroge pas à la sobriété et au classicisme qui font son cinéma. C’est en effet avec un dispositif minimal que Benoît Jacquot raconte la préparation et les répétitions d’Isabelle Huppert et de Fabrice Luchini, en les gardant chacun seul à l’image. D’abord Isabelle Huppert, puis Fabrice Luchini, qu’il filme caméra à l’épaule ou alors posée sur un coin de table. Un tel dispositif, simple à l’extrême et qui s’épanouit dans la patience et la longueur, n’aurait pas fonctionné sans la confiance accordée par les deux comédiens à un réalisateur qu’ils connaissent bien. En effet, c’est la septième collaboration d’Isabelle Huppert avec Benoît Jacquot, et la troisième pour Fabrice Luchini.

Deux approches différentes à l’oeuvre

Si personne n’ignore le caractère volubile de Fabrice Luchini et à l’inverse l’économie de commentaires d’Isabelle Huppert, il est intéressant et apparaît toujours inédit de les constater en action. On découvre ainsi dans Par coeurs une comédienne en plein blocage, butant sur une phrase dont elle ne trouve pas la bonne musique, et qui par conséquent échappe à sa mémoire. Elle essaye, répète, recommence, mais rien n’y fait. Pourtant, elle ne s’inquiète pas et semble faire appel au silence, ainsi qu’au sommeil, pour enfin maîtriser cette ligne. À plusieurs reprises, elle oublie la présence de Benoît Jacquot, et le laisse ainsi la filmer littéralement et figurativement nue.

Fabrice Luchini apparaît lui dans une énergie opposée. Alors qu’Isabelle Huppert apparaît presque dirigée par une rêverie, flottante et énigmatique, le comédien parle, parle, et parle encore. Il triture son texte, cherche lui aussi sa musique mais dans une épreuve de force. Il travaille sans relâche sa lecture pour en disparaître, pour ne se faire que le véhicule d’un esprit qui ne lui appartient pas. On le voit ainsi obsédé par son intonation, quand il ne théorise pas ce qu’est le travail du comédien, en revenant régulièrement à ses maîtres Michel Bouquet et Louis Jouvet.

Avec une discrétion remarquable – il ne pose qu’à peine quelques questions-, Benoît Jacquot permet ainsi dans Par coeurs aux deux comédiens de se livrer. On comprend ainsi quelle distance chacun entretient à son art, une distance qui traduit dans les deux cas une intimité touchante et un profond respect vis-à-vis des textes qu’ils travaillent. D’une durée de 1h16, Par coeurs est un documentaire unique dans la proximité qu’il établit avec les deux comédiens. Un voyage dans un métier, et ses solitudes, qu’il est vivement conseillé d’entreprendre.

D’après Cinéseries

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