CERVANTES AVANT DON QUICHOTTE

Du 13 au 18 Novembre

De Alejandro Amenabar Espagne-Italie 2025 2h 14 VOSTF
Avec Julio Pena, Alessandro Borghi Miguel Rellan….

Au XVIe siècle, la Méditerranée occidentale est marquée par une intensification des affrontements maritimes entre les puissances chrétiennes et les provinces ottomanes d’Afrique du Nord. Ces conflits prennent notamment la forme du corso – entre course et piraterie – au cours duquel des navires corsaires capturent des bâtiments ennemis et leurs équipages, dans le but d’obtenir rançons ou échanges de prisonniers. Ces pratiques, encadrées par des règles reconnues de part et d’autre, s’inscrivent dans une économie organisée du captif. C’est dans ce contexte que Miguel de Cervantès, ancien soldat de la bataille de Lépante, est capturé lors d’un trajet entre Naples et l’Espagne.Il sera alors retenu dans une prison à ciel ouvert pendant presque 5 ans. . Pour tromper l’ennui, il se plonge dans les ouvrages de la petite bibliothèque du Père Antonio de Sousa, qu’il dévore rapidement… Cervantès se met alors à inventer des histoires d’évqsion et prend un malin plaisir à imaginer son retour à la liberté – il gagne même les faveurs des autres captifs qui attendent avec impatience la suite de ses récits.Jusqu’au jour où un garde vient le chercher et l’escorte, anxieux, jusqu’au sultan lui-même. Se met alors en place une relation de dominé / dominant entre Cervantès et le Pacha.
Signé Amenábar, ce presque huis-clos à ciel ouvert est une énorme bouffée d’air frais, et prend un tournant assez inattendu, faisant preuve d’une liberté de ton assez réjouissante… Julio Peña Fernández apporte son charme désinvolte et sa fragilité à l’écrivain en devenir qui, à la manière de Shéhérazade dans Les Mille et Une Nuits, utilise ses talents de conteur pour arracher un peu de liberté au sultan, conquis par l’imagination mais, aussi, par la jolie frimousse de son captif. L’homosexualité de Cervantès n’a jamais pu être certifiée par les historiens ? Amenabár s’en moque, qui transforme la forteresse d’Alger en une sorte de backroom du XVIe siècle dirigée par un seigneur très camp aux yeux cernés de khôl (l’acteur italien Alessandro Borghi
La surcharge décorative un rien kitsch de la direction artistique pourra faire sourire mais participe d’une vision stimulante du choc des cultures. Dans son péplum Agora (2009), hommage à la philosophe et astronome du IVe siècle Hypatie d’Alexandrie, le réalisateur présentait déjà le christianisme comme une puissance obscurantiste hostile à la science. Il récidive dans Cervantès avant Don Quichotte, où l’intolérance, religieuse mais aussi sociale, se situe davantage du côté de l’Espagne très catholique que de l’Empire ottoman. Amenabár reconstitue une ville d’Alger propice aux plaisirs où un chrétien, pour peu qu’il se soit converti à l’islam, avait davantage d’opportunités de s’élever socialement que dans son pays européen d’origine aux situations figées par les privilèges aristocratiques. Il suggère aussi que Cervantès, à rebours de « la guerre des civilisations » prônée par nombre de ses compagnons de geôle, est devenu un écrivain majeur en s’ouvrant à l’altérité et en puisant dans la culture de l’ennemi. En ces temps de repli identitaire, le message est bienvenu.

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