Put Your soul on yout hand and walk

C’est la chronique d’une mort redoutée qui, cinq mois après l’assassinat de son héroïne, s’impose comme un film de résistance. Ce récit troué d’ellipses et d’images manquantes documente la (sur)vie en temps de guerre mais aussi, et surtout, une certaine insoumission, qui prend forme dans le fait de témoigner de son existence en plein génocide. Car la violence qu’Israël déchaîne autour de Fatma Hassona, photoreportrice gazaouie de 25 ans tuée avec sa famille par un missile israélien, consiste précisément à tout effacer. Effacer un peuple et ses traces sur la Terre.
Révoltée par le massacre de la population de Gaza, l’Iranienne Sepideh Farsi s’est rendue au Caire peu après le début de la guerre pour tenter d’entrer à Rafah, en vain. Sur place, des réfugiés palestiniens lui parlent des photos prises par une jeune femme du quartier al-Touffah, dans le nord-est de la ville de Gaza. La cinéaste entre en contact avec elle. Au fil des coups de téléphone sans cesse interrompus par une connexion défaillante, un lien se tisse entre l’exilée perse de 60 ans et la jeune Palestinienne prise au piège
Appeler Fatma, espérer qu’elle décroche, crier de joie quand son visage de madone apparaît enfin, retomber dans l’angoisse quand la liaison s’interrompt… À travers ce dispositif radical, qui consiste à filmer des conversations téléphoniques, seul lien possible avec Gaza, le documentaire nous fait éprouver, presque physiquement, l’impuissance et la peur. On tremble en même temps que la réalisatrice dont le visage inquiet se reflète dans l’écran du portable ; on sursaute avec elle quand un obus tombe tout près de l’immeuble de Fatma.
En contrepoint à la relation fragile et intime qui se construit petit à petit entre les deux femmes, il y a le ressac des images des chaînes de télé, CNN, al-Jazira, BFMTV, laissant chaque jour tomber comme une enclume le chiffre des morts civils palestiniens. L’opacité anesthésiante des statistiques macabres versus une force de vie personnifiée par un tempérament de feu. De fait, le sourire de Fatma irradie, doux ou bravache selon qu’il s’agit d’évoquer ses rêves — visiter Rome, passer la journée dans un parc d’attractions, manger du poulet — ou de raconter la souffrance, le bruit des drones, les voisins morts, le ventre vide.
La dernière conversation remonte au 15 avril dernier : Sepideh Farsi annonce à la jeune femme que le film est sélectionné au Festival de Cannes. Dans la nuit qui suit, Tsahal réduit sa joie en cendres. Restent les photos de Fatma Hassona et son visage, au sourire pour toujours invaincu. (Mathilde Blottière – TÉLÉRAMA).

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