2 automnes, 3 hivers

Comédie réalisé en 2013 par Sébastien Betbeder
Avec Vincent Macaigne , Maud Wyler , Bastien Bouillon …
Date de sortie : 25 décembre 2013

UTOPIA
Il y a quelque chose de sacrément revigorant dans le ton de ce film au charme fou, un petit vent frais de liberté y souffle, décoiffant, stimulant, on en sort les neurones en éveil, le cœur tout en émoi, et un sourire complice aux lèvres. Il y a quelque chose qui se passe dans le cinéma français, dans les marges de l’industrie lourde productrice à la chaîne de films formatés. Il y a des films qui se créent hors système, sur la seule force d’un désir, un cinéma assez amoureux du public pour oser l’entraîner vers l’aventure émoustillante de chemins non balisés, avec l’a-priori vivifiant que le spectateur est ouvert à toutes les découvertes. 2 automnes, 3 hivers n’a pas été fait avec de gros moyens financiers, pourtant c’est une gourmandise et on n’en revient pas de pouvoir encore être étonné, on n’en revient pas que le cinéma, après tant d’années d’existence, puisse encore se renouveler, sans rien renier de ce qui a fait son histoire, à laquelle le film n’hésite pas à faire des petits clins d’œil judicieux, rappelant que les films, comme les musiques, ponctuent nos vies, marquent nos façons d’être et de faire.

Une bonne dose d’humain, un zeste de poésie, un poil de nostalgie, une constante drôlerie, l’actualité qui affleure… En musique on rangerait le film dans la catégorie « fantaisie », ce genre où la subjectivité du compositeur s’exprime en s’affranchissant des contraintes dans un langage néanmoins parfaitement organisé et séduisant, à la fois grave et léger.

Dite à plusieurs voix et souvent face à la caméra – procédé souvent artificiel mais qui ici fonctionne parfaitement –, cette histoire de trentenaires amoureux raconte notre époque, la fragilité des corps, l’incertitude des esprits, la précarité de la vie, la nécessité de rencontrer l’âme sœur…

Arman a trente-trois ans et il décide de changer de vie. Pour commencer il court. C’est un bon début. Amélie poursuit la sienne (de vie) et court, elle aussi. La première rencontre est un choc qui les jette l’un contre l’autre, un matin dans un parc…

Durant trois hivers et deux automnes, dans les vies d’Amélie, Arman et Benjamin se succèdent les rencontres, les accidents et beaucoup d’histoires (d’amour mais pas que)…

Télérama
Cinq saisons d’un amour, à Paris, aujourd’hui. Le troisième film de Sébastien Betbeder (après Nuage et Les Nuits avec Théodore) décrit avec minutie les complications de la constitution d’un couple : Arman, 33 ans, et Amélie, six ans de moins, Parisiens plus bohèmes que bourgeois. La minutie de la description, on la doit aux personnages, qui expliquent régulièrement face caméra ce qui leur arrive et ce qu’ils en pensent.

Cette façon de discourir donne à cette petite oeuvre subtile, soyeuse, extraordinairement attachante, sa singularité — presque un film raconté. Mais sans que la parole soit trop littéraire, sans qu’elle altère la puissance émotionnelle de ces amours naissantes. C’est l’auto-exégèse ultra contemporaine, celle que l’on pratique au café ou sur les réseaux sociaux. A ce compte-là, 2 automnes 3 hivers est bien un film d’aujourd’hui, incluant les objets culturels du moment : un film de Judd Apatow, le souvenir de La Salamandre, une expo Munch. Ces héros-là sont nos frères.

Cheveux longs en bataille — mais calvitie naissante —, rasage irrégulier, ­Arman possède en plus un physique moderne, puisque c’est celui de Vincent Macaigne, l’acteur à la mode du jeune cinéma français : on aime son timbre légèrement voilé, sa capacité d’émerveillement, sa faculté à rendre cocasse le quotidien. Face à lui, la rousse Maud ­Wyler possède la grâce requise pour être l’héroïne désirée d’une comédie romantique nouveau genre. Elle a le talent d’être changeante, illuminant le monde d’un sourire, s’assombrissant avec lui quand point le doute. Leur naturel, à tous les deux, est époustouflant.

Arman risque sa vie pour secourir Amélie, et la conquérir. Ce qui les entoure a de quoi inquiéter : un ami à l’hosto, un cousin suisse prompt à mourir d’amour, une jeune fille aux mains d’une secte… Le couple est une bouée de sauvetage au milieu d’un maelström de peurs et de solitudes. Sur le destin de ces « hipsters » de la rue Orfila, Paris 20e, animaux des villes qu’un séjour à la montagne, au coeur du film, trouble pour de bon, plane une menace : la fugacité du sentiment amoureux, la fragilité de la vie en général. Comme l’amour qui, rendant hypersensible, provoque tour à tour euphorie et mélancolie, ce film maîtrisé, révélant un auteur à suivre, inscrit l’inquiétude dans la joie, s’avère successivement drôle et poignant. Donc irrésistible.

Aurélien Ferenczi

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