Du 25 février au 1er mars
De Andrew Haigh – Britannique – 2015 – 1h35 – VOST
Avec Charlotte Rampling, Tom Courtenay, Geraldine James…
Kate et Geoff Mercer sont sur le point d’organiser une grande fête pour leur 45e anniversaire de mariage. Pendant ces préparatifs, Geoff reçoit une nouvelle : le corps de Katya, son premier grand amour, disparu 50 ans auparavant dans les glaces des Alpes, vient d’être retrouvé. Cette nouvelle va alors bouleverser le couple et modifier doucement le regard que Kate porte sur son mari…
Critique
Tout se joue sur un oui ou sur un non… Allongée, la nuit, dans le lit conjugal, Kate pose une question à son mari. Cette femme, disparue il y a un demi-siècle dans les glaces des Alpes et dont on vient de retrouver le corps, cette Katya dont il ne lui a jamais parlé, mais qui semble avoir eu une si grande place dans sa vie, l’aurait-il épousée, jadis, si elle n’était pas morte ?…
Sans la moindre hésitation, comme une évidence, Geoff lui répond « oui ». Et rien ne compte plus, soudain, pour Kate que ce oui. Tout s’écroule. Ce n’est pas vraiment de la jalousie, mais une brisure. Un brusque anéantissement. Comme si un virus, entré par effraction dans son organisme, détruisait à une vitesse folle toute sa mémoire et les souvenirs qu’elle y avait soigneusement sauvegardés.
Elle tente de réagir. Dans quelques jours aura lieu cette fête – pour leurs 45 ans de mariage, quelle ironie! – et il lui faut lancer les invitations, acheter des cadeaux. Elle essaie de se persuader que sa réaction était folle. Irraisonnée. D’ailleurs, la vie semble reprendre son cours…Mais le fantôme de cette rivale au prénom si semblable au sien ne la quitte plus. Elle s’interroge. Que d’hypocrisies, que d’impostures : elle se croyait l’élue, elle n’était que la doublure. Elle n’a servi à Geoff que de pansement, de remède contre ses doutes et ses angoisses. Elle hurle en silence.
C’est un film discret et terrible où le réalisateur a l’intelligence de faire du troisième âge non pas une génération molle et assoupie, mais ardente et tourmentée. La sagesse ? Un attrape-nigaud, un leurre que le moindre déchirement efface.
Tiré d’une nouvelle de l’auteur britannique David Constantine, le nouveau film d’Andrew Haigh (à qui l’on doit notamment Week-end, en 2011) a trouvé sa place au palmarès du dernier festival de Berlin, en février 2015. Ses deux acteurs principaux, Charlotte Rampling et Tom Courtenay y furent récompensés d’un double prix d’interprétation mérité.
Avant même sa sortie en salle, 45 ans, jouissait d’un intérêt qui devrait se confirmer, tant l’exploration fine du couple, à laquelle se livre le cinéaste, s’avère convaincante. Cette œuvre à la mise en scène sobre éclaire, dans le quotidien rural et cossu d’une campagne anglaise, l’insidieuse progression du doute entre un homme et une femme vieillissants, sur le point de fêter plus de quatre décennies de mariage…