Métamorphoses

Métamorphoses

MetamorphosesDe Christophe Honoré – France 2014 – 1h42
Avec Amira Akili, Sébastien Hirel, Damien Chapelle…
Devant son lycée, une fille se fait aborder par un garçon très beau mais étrange. Elle se laisse séduire par ses histoires. Des histoires sensuelles et merveilleuses où les dieux tombent amoureux de jeunes mortels. Le garçon propose à la fille de le suivre.

Revisiter les mythes gréco-romains dans le monde d’aujourd’hui, c’est que nous propose le cinéaste, à partir de l’œuvre d’Ovide. Et aujourd’hui, nous savons depuis Freud, qu’ils sont des figurations poétiques de notre vie psychique inconsciente. Donc, dans cette aventure mythologique, une jeune lycéenne prénommée Europe rencontre Jupiter, qui deviendra son amant, mais aussi son guide dans le dédale des intrigues divines. La mythologie devient ainsi un terrain de jeu, accessible, accueillant, joyeusement peuplé ; avec Junon, Narcisse, Hermaphrodite, Tirésias, Philémon, etc. les légendes reprennent du corps et se réactualisent.

Notre avis : peut-être est-il superflu de le dire, mais les acteurs avoiralired’Honoré sont beaux. Ils dégagent quelque chose de la jeune idole, du modèle qui pose, et l’écran leur prête un côté « star ». C’est qu’il suffit au cinéaste de peu pour installer ce rien de beauté qui plane sur tous ses métrages : souvent une réplique un peu cliché, un regard charmeur, une blague incongrue ou une bouffée de cigarette… et la magie opère. On a beau voir derrière ces astuces toutes les ficelles du cinéaste estampillé « auteur », pourtant, le plaisir n’est pas moindre. Au contraire, il semble que le plaisir du jeu rachète l’artifice, que la beauté des acteurs n’entrave pas le naturel mais l’engendre. Et c’est là toute la réussite des Métamorphoses. Dans ce film Honoré transpose librement l’univers ovidien, sans chercher à toute force la comparaison au modèle. L’emprunt des noms propres et le respect minimal d’une trame narrative lui suffisent ; peu importe le reste. Les considérations cosmogoniques ou morales du poème, par exemple, sont évacuées, et les épisodes les plus tragiques sont traités sur un mode mineur, presque prosaïque. Or le merveilleux est que ce traitement du modèle fonctionne parfaitement. Ovide s’en trouve même rajeuni, dans la mesure où le cinéaste assume pleinement ce que sa réécriture a d’arbitraire, voire d’un peu « facile ». Qui croirait pourtant que voir des dieux draguer à la sortie d’un lycée ou se chamailler sur le bord d’une route nationale ferait son effet ? Mais la force du film est de démultiplier les saynètes de ce genre sans jamais verser dans le grotesque.
metamorphoses_image_2-dfbd0Honoré se veut certes fidèle à une certaine idée de la beauté antique (plutôt grecque, d’ailleurs, que romaine). Il filme de jeunes éphèbes qui se prélassent, brouille la distinction des genres masculin/féminin, conserve l’onomastique du poème dont il s’inspire et en restitue quelques épisodes fameux. Mais tout cela est fait comme si le modèle était inconnu de tous, et par là même, donné à voir pour la première fois. Aussi les personnages revendiquent-ils sans vergogne leur appartenance à l’univers des dieux, comme pour la signaler au spectateur, sans paraître douter à un seul moment de leur crédibilité. La réécriture est présentée comme une évidence, au même titre que le commun renferme évidemment, pour Honoré, le merveilleux. Du coup, le film a quelque chose d’enfantin qui le met à l’abri de toute prétention. Honoré nous donne à entendre la plupart des histoires qui composent ses Métamorphoses par l’entremise de récits enchâssés, comme autant de contes transmis par Jupiter et son fils. L’intrigue est minimale : la jeune Europe découvre le monde des dieux. Mais le traitement de cet argument « facile » dépoussière le modèle en nous donnant à voir, comme pour la première fois, les grands mythes fondateurs. Honoré filme d’ailleurs le parcours d’Europe comme un voyage, à la croisée des différents espaces que constituent la banlieue (ou la ville) et la nature. Il crée également un « entre-deux » dans la mise en scène de ses fables : la nuance entre comique et tragique est souvent infime, et les épisodes se succèdent sans qu’aucun d’entre eux ne paraisse plus utile qu’un autre. Le spectateur se trouve ainsi livré à son émerveillement premier, comme promené d’un bout à l’autre du décor, ce qui confère au film un aspect familier, réjouissant et rajeunissant.
metamorphoses_photo-2-8fcf5Ode à la jeunesse, Métamorphoses séduit ainsi par son charme bucolique et sa désinvolture. Honoré y réenchante avec humour un quotidien d’adolescents trop souvent voué à la caricature et à l’humour potache. Il relève de la sorte un pari plus audacieux qu’il n’y paraît, redonne à des espaces dépourvus de représentation et d’audience leur part de merveille. Ces histoires de dieux égarés au milieu de nulle part, dans une France débordante d’anecdotes et d’intrigues conjugales, ont quelque chose de profondément réjouissant au vu de la morosité que s’attachent le plus souvent à dépeindre les médias.

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