STELLA EST AMOUREUSE

En 2008, Sylvie Verheyde réalisait son troisième long-métrage, Stella, beau portrait autobiographique d’une collégienne qui traîne son enfance dans le bistrot de ses parents, en banlieue parisienne. Stella a grandi, est en Terminale, on est en 1985. La jeune fille confie ses nuits aux Bains Douches, une boîte de nuit parisienne, où elle rencontre un garçon qui lui fait tourner la tête. De quoi oublier ce qu’il se passe à la maison : son père (Benjamin Biolay) parti avec une jeunette, le désespoir nicotiné de la mère (Marina Foïs), obligée de revendre le bistrot et, bientôt, la différence de classe qui creuse l’incompréhension entre copines.

 Avec beaucoup d’intelligence, la cinéaste évite tous les poncifs du film sur la fête (addiction à l’alcool et aux drogues) pour ne garder que la vitalité du sentiment de son héroïne et l’irrésistible ivresse que procure la vie nocturne. Et si le film parle d’amour, c’est pour mieux raconter l’émancipation de Stella qui, bien qu’amoureuse, n’en perd pas totalement sa lucidité ni son indépendance.

De cette trajectoire surgit une ambition pas si commune au cinéma, et encore moins lorsqu’il est raconté du point de vue d’une femme : montrer le désir comme une force libératrice et non comme une cage autodestructrice vivant aux dépens du regard masculin.

Magnifiquement interprétée par Flavie Delangle, gamine le jour et femme fatale la nuit, Stella a le redoutable âge des possibles, celui des choix et des désirs multiples, des découvertes et des déceptions, celui des premières fois, surtout… 

Le film sera cette attente, cette patience de vivre, à l’école, chez elle, par contraste avec l’intensité répétitive des nuits en boîte, au contact des mondes étanches qu’elle seule traverse, transfuge social, avec sa quête égarée de jeune fille : se sentir vivante, en se sentant amoureuse, accéder à l’anonymat d’une danse où tout devient possible.

Stella n’a pas accès à la parole, «donnée culturelle». Ce qu’elle ignore, elle préfère le taire. Cela explique et justifie l’emploi de sa voix intérieure, cette parole off qui est aussi celle de l’écriture, du récit de soi, qui lui ouvre la voie à l’expression de ce qu’elle ne dit pas, ne sait dire, en se laissant porter.

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