Shinji Sômai (Déménagement)

« Il n’y a pas un jour où je ne pense pas à Sômai Shinji. Chaque jour, je récite une prière pour lui. Oui, je peux le dire, je crois bien que je suis atteint par une ‘sômaïte aiguë ».

C’est en ces termes que l’acteur Asano Tadanobu expliquait son attachement au cinéaste dans un entretien publié en 2011 à l’occasion du dixième anniversaire de sa disparition.

Ce témoignage illustre parfaitement l’empreinte qu’a laissé le réalisateur, auteur de treize longs métrages que la Cinémathèque française propose pour la première fois du 12 décembre au 6 janvier 2013. Autant dire tout de suite que c’est un événement extrêmement rare et qu’il est plus que recommandé de s’y rendre afin de comprendre pourquoi Sômai Shinji est un cinéaste à part et pourquoi son influence reste aujourd’hui importante au Japon.
Mais à la différence de certains cinéastes tranchants qui ne trouvent grâce qu’auprès des critiques de cinéma, Sômai a su conquérir le cœur des spectateurs en proposant des œuvres travaillées à la manière d’un artisan en quête de perfection. C’était un metteur en scène exigeant qui demandait aux acteurs de répéter les scènes, parfois de très nombreuses fois, avant de les tourner. Asano Tadanobu, qui a joué dans le dernier film de Sômai, Kazahana (2001), rappelle très bien dans son entretien cette exigence grâce à laquelle il permettait aux acteurs de donner le meilleur d’eux-mêmes. Il a ainsi contribué à former de nombreuses jeunes actrices comme Yakushimaru Hiroko, Kudô Yûki ou encore Saitô Yuki. Sa capacité à transformer des talents bruts en joyaux n’est pas étrangère à son succès auprès du public qui ne pouvait qu’apprécier son désir aussi de toucher à tous les genres, passant du film de yakuza (Sailor Suit and Machine Gun [Sêrâ-fuku to kikanjû], 1981) au road-movie (P. P. Rider [Shonben raidâ], 1983, Kazahana, 2001) ou encore du réalisme social (The Catch [Gyoei no mure], 1983) au mélodrame (Last Chapter of Snow : Passion [Yuki no danshô – Jônetsu], 1985). Il faut dire qu’au moment où il débute sa carrière de réalisateur après un long passage au studio de la Nikkatsu qui surfait alors sur la vague du roman-porno, films érotiques de qualité fort inégale, Sômai Shinji se trouve dans une situation où il doit, comme d’autres jeunes cinéastes, s’approprier un art cannibalisé par la génération issue de la nouvelle vague. C’est sans doute pour cette raison qu’il explore différents registres, tout en s’intéressant particulièrement à l’adolescence. Typhoon Club [Taifû kurabu, 1985], seul film de Sômai sorti en France est le plus emblématique de l’intérêt qu’il portait à cette période de l’existence où tout peut basculer. Les jeunes Japonais ont justement apprécié son regard et se sont souvent identifiés à ces personnages pleins d’énergie que le cinéaste parvenait à canaliser pour produire des films époustouflants. Il n’est donc pas étonnant que certains de ces films soient devenus cultes pour toute une génération qui, au début des années 1980, cherchait à se libérer des carcans de la société. Le Japon de la bulle financière allait en partie leur donner l’illusion d’y parvenir. D’une certaine façon, Kurosawa Kiyoshi, qui fut son assistant sur Sailor Suit and Machine Gun, a poursuivi dans cette voie pour aboutir avec Tôkyô Sonata (2008) au constat que le combat pour la libération est un éternel recommencement.
Odaira Namihei pour Zoom Japon

Ce contenu a été posté dans Archives réalisateurs, Réalisateurs. Mettre en favori.

Comments are closed.