MONEYBOYS

MONEYBOYS 
De C.B. Yi – Taïwan – 2021 – 1H56 – VOST
 
Nous sommes en Chine et nous découvrons le tout jeune Fei qui, comme des millions d’autres Chinois de son âge, a décidé de quitter sa campagne déshéritée pour la grande ville et ses promesses. On apprend qu’il a laissé au village une mère malade, qu’il doit soutenir financièrement, et on constate qu’il a très vite compris que son corps à peine pubère était pour lui la source de revenus la plus efficace et la plus rapide. Il a un amant, Xiaolai, qui voudrait le protéger des mauvaises rencontres mais tous les deux savent que c’est un vœu pieux… Ils vivent chichement mais somme toute heureux, jusqu’à ce qu’un client, plus violent et pervers que les autres, fasse basculer leur vie…
On va retrouver Fei quelques années plus tard dans un tout autre cadre : il occupe un appartement bourgeois, tel un de ces nouveaux riches de la Chine moderne du capitalisme d’État. Fei a un protecteur, fréquente une bande d’amis exerçant pour la plupart le même métier, parfois l’un ou l’autre fait un mariage de façade, pour rassurer une famille lointaine…

Ce premier film très réussi – signé d’un jeune réalisateur chinois qui a trouvé asile en Autriche avant de devenir l’élève de Michael Haneke – nous offre une analyse sociologique très fine d’une réalité chinoise qu’on voit peu à l’écran. Inspiré par les témoignages, recueillis pendant son année d’études à Pékin, de jeunes camarades d’université contraints de se prostituer pour survivre, C.B. Yi – qui avait d’abord le projet d’un documentaire avant de se raviser par crainte de mettre en danger ses amis – filme avec un œil d’entomologiste l’hypocrisie et la violence de la société chinoise : inégalités économiques monstrueuses qui frappent sans pitié les garçons et les filles arrivant de la campagne, harcèlement souvent teinté d’homophobie de la part des policiers, duplicité des familles qui acceptent volontiers l’argent des fils prodigues tout en désapprouvant leur mode de vie (on en voit un exemple terrible dans le film lors du retour éphémère de Fei dans son village lacustre)… C.B. Yi a par ailleurs parfaitement assimilé les leçons de maître Haneke et fait preuve d’un vrai talent pour installer des ambiances différentes mais toujours d’une grande force expressive : l’atmosphère poisseuse et anxiogène de la première partie laissant place à la froideur très papier glacé de l’univers bourgeois et policé dans lequel évolue Fei devenu « riche », d’appartements cossus en boîtes de nuit glamour. Avec toujours en arrière-plan une nature chaude et luxuriante dont on a la sensation que humidité sature le cadre. Enfin il faut souligner la splendide prestation de Kai Ko (découvert en 2017 dans le beau Adieu Mandalay) qui incarne aussi bien la fragilité et la soif de vivre du tout jeune Fei débarquant dans la grande ville que son flegme désabusé quand il se rend compte, peut-être trop tard, que, malgré sa réussite matérielle, il est envahi par le remords et le vide affectif que comble mal l’arrivée d’un jeune et bel amant

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