Mariano Llinás ( La Flor 1ère partie )

 

Né en 1975 à Buenos Aires

Argentine

Acteur, producteur, scénariste, réalisateur

Historias Extraordinarias, La Flor

Entretien avec Mariano Llinás, réalisateur de La Flor ( 1ère partie)

« La Flor cambriole le cinéma », c’est une expression assez belle pour évoquer votre film.

Oui c’est moi qui ai dit ça, vous savez pourquoi ? Parce qu’il y avait écrit hommage au départ, dans le dossier de presse. Et je ne crois pas que l’on fasse des hommages au cinéma… Je fais des films et un film n’est jamais un hommage aux autres films. Et les hommages ce sont les politiciens. On a tenté de penser ce qu’on allait faire avec le cinéma. Car on pensait qu’on allait faire du cinéma, on pensait au cinéma. Et ce n’était pas quelque chose de solennel, c’était plutôt magique.Je ne suis donc pas allé au cinéma pour rendre hommage. Alors on a pensé que le mot cambrioler c’est plus précis. On a volé. Car il y a une notion de voleur dans le cinéma !

La caméra, c’est un appareil qui vole du réel, vole les comédiens. C’est une bonne approche de lier le cinéma et les voleurs. D’ailleurs être un gentleman cambrioleur, c’est un de mes rêves ! On a fait La Flor parce qu’on a volé un diamant de quelques aristocrates argentins et on l’a vendu au marché noir. C’est la première fois que l’on a fait ça pour financer un film. Je ne sais pas si c’est très prudent de vous dire ça… Mais nous sommes à Paris, personne ne va – je pense – nous envoyer la police.

La Flor aborde plusieurs genres cinématographiques, comment avez-vous pensé l’intégration de ces genres dans la structure très particulière du film ?

Ce film, c’est au départ ma rencontre avec quatre comédiennes. Une envie de travailler avec elles. Ce n’est pas quelque chose qui est sorti de ma tête, c’est un travail commun et, par ailleurs, c’est aussi le portrait de ces quatre actrices. C’est ce que j’ai compris au milieu du film ; je vais vous parler de Manet, j’ai vu une exposition du peintre au Musée d’Orsay lorsque je tournais ici à Paris. J’ai vu Manet et j’ai vu de quelle façon il faisait le portrait de ces modèles, les différents costumes dont il accoutrait ses modèles… Beaucoup de déguisements différents qui nous donnaient le véritable visage de ces modèles.La fiction, c’est un peu ça. Les genres, les histoires, les récits au pluriel, c’est ça. Ce sont quelques portraits de ces quatre femmes. Le film est réussi si l’on ressent ces histoires comme le portrait de ces quatre comédiennes. Alors tous les genres, toutes les références au cinéma, au temps jadis, c’est une façon de faire le portrait de ces quatre visages. Les genres, la technique sont des outils pour nous permettre de croquer ces quatre figures de femmes. Quand on me demande ce que j’ai voulu dire avec ce film… Ce film ne dit rien ! Mais il veut montrer de façon cinématographique le portrait de quatre personnes. Tout le reste est pensé comme des outils, narratifs, formels pour montrer ces longs portraits.

Pouvez nous parler du choix de ces quatre comédiennes ?

Je ne les ai pas choisies séparées : elles forment une troupe de théâtre, La Piel de Lava ( (dont le nom s’inspire du nom des actrices : Laura Parades, Pilar Gamboa, Elisa Carricajo, Valeria Correa). C’est donc une rencontre entre ce groupe de théâtre et le groupe de cinéastes auquel j’appartiens, El Pampero Cine. Les deux sont indépendants. Vous appelez cela un collectif ici, mais je ne sais pas ce que c’est le collectif. Chez nous c’est l’autobus, l’autocar. Aujourd’hui on appelle tout « le collectif ». Disons que nous, nous souhaitons construire des démarches nouvelles, hors sentier, hors de l’industrie, c’est ce que l’on recherche. La Flor est un film qui ne peut qu’exister en dehors de l’industrie, c’est ce qu’on veut faire pour tout nos films.Nos choix artistiques ne seraient pas acceptés dans un processus normal, avec des financiers. C’est la même chose pour elles, elles imaginent leurs pièces en dehors de l’industrie. Lorsque j’ai vu leur dernière œuvre, j’ai trouvé cela tout à fait incroyable. Elles font tout, elles écrivent ensemble, elles mettent en scène ensemble, elles dirigent elles-mêmes les comédiens. Elles cherchent ensemble à créer quelque chose de véritablement virtuose. Leur façon de travailler, je l’ai trouvée très similaire à notre façon de penser notre travail. Leur vision de la fiction rejoignait la mienne : l’idée de la fiction comme sujet et pas comme un outil pour arriver quelque part… La fiction comme matière.

Vous vous demandez ce que représente l’affiche, pas vrai ? L’explication est quelques lignes plus bas.

Nous nous sommes retrouvés dans cette volonté de trouver des choses nouvelles. J’avais envie de travailler avec ces quatre filles, mais peut être qu’il fallait faire plusieurs films. C’est à ce moment-là que je me suis mis à penser à un objet qui pourrait montrer toutes ces histoires avec elles. Pas plusieurs films, mais un seul qui puisse réunir toutes ces histoires. Il me fallait un objet qui pouvait appuyer toutes ces histoires et c’est à ce moment-là que j’ai trouvé la fleur. C’est ce que j’ai trouvé au tout début. Et l’image de la fleur m’est apparue, avec sa tige, ses pétales et cette flèche… Un peu comme les moteurs d’un avion, on a quatre moteurs et un avion.J’ai pensé qu’on pouvait faire un film comme ça, avec quatre filles avec des rôles différents. Je ne sais pas pourquoi c’est la fleur qui est apparue, mais c’est comme ça et c’est pourquoi le film s’appelle comme ça. Et tous les récits sont venus de cette structure. Evidemment j’avais… L’histoire de la momie, et puis pourquoi ne pas faire quelque chose d’enfantin, de faire un truc un peu drôle, faire quelque chose dans l’esprit B movie, un peu comme le faisait Tourneur, son film la Féline. Et c’est comme ça qu’on a pensé la distribution des rôles : lorsque l’une faisait la gentille, elle faisait ensuite la méchante dans l’histoire suivante.

Entretien avec Gaël Martin pour Cinematraque le 5/03/19.

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