J’ai perdu mon corps

               J’AI PERDU MON CORPS 

Grand prix de la Semaine de la critique, Cannes 2019 – Grand Prix et Prix du Public, Festival du film d’animation d’Annecy 2019. Pour tous mais pas avant 12 ans.

Deux récits, deux univers vont se déployer en parallèle et nous envoûter… D’abord celui de Naoufel… Livreur de pizza effacé, comme si son existence avait perdu tout relief, toute espérance. Il n’attend plus le déclic… qui pourtant surviendra au détour d’un jour triste et pluvieux, au bas d’un immeuble parisien impersonnel, devant une porte désespérante où on se casse le nez quand on n’en a pas le code… Le jeune homme sonne, livraison en main, désolé de son retard, prêt à s’excuser platement, à se faire rabrouer, comme souvent. Du haut du trente cinquième étage, lui parvient de l’interphone la magie d’une voix inaccessible. Elle appartient à Gabrielle, c’est ce que dit le nom à côté de la sonnette. Écoutant à peine ses propos taquins, il ne perçoit que sa jeunesse, sa douceur camouflée.

La seconde histoire, sans parole, impressionnante, est celle d’un membre « fantôme », comme on qualifie cette faculté qu’ont les mutilés de continuer à ressentir des sensations pour une partie de leur corps qu’ils ont perdue. On assiste ici à une surréaliste inversion des rôles : ce n’est plus l’humain qui part en quête du membre qui lui manque, mais une main désespérée qui tente d’échapper à son sort, s’évade d’un laboratoire et part à la recherche de son propriétaire…. Cette main va devenir très rapidement un personnage véritable. Pour elle on va trembler, quand elle se retrouvera aux prises avec des prédateurs plus grands qu’elle, aux prises avec nos pires cauchemars enfantins, la peur du noir, de la solitude, de l’abandon… On espérera pour elle, avec elle on sera émus, par la mélancolie de la pluie, la nostalgie de ce qu’elle fut, la douceur d’une menotte de nourrisson à la peau fine…
Il y aurait tant à dire encore sur ce J’ai perdu mon corps d’une richesse incroyable, qui donne autant à penser qu’à ressentir. Chacun y trouvera forcément son bonheur…

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