Ida Panahandeh

ida

Née en 1980 à Téhéran

Iran

Réalisatrice

Nahid

 

 

 

 Les questions sociales

Nahid est une femme amoureuse pour la première fois, qui goûte à la joie que lui procure cet amour réciproque. Mais, confrontée à sa réalité et aux lois qui régissent la société, cette joie se transforme en souffrance. Dans les sociétés traditionnelles, une femme est valorisée en tant que mère, sa vie de femme en tant que telle est secondaire. En Iran, si une femme divorcée ayant la garde de son enfant se remarie, elle perd son droit de garde au profit du père de l’enfant. Donc, si elle souhaite avoir une relation légale sans courir ce risque, elle peut avoir recours au mariage temporaire, le « sighe ». Bien que le « sighe » soit inscrit dans la loi de l’islam chiite, les Iraniens portent presque unanimement un regard très négatif sur les femmes qui y recourent. C’est une pratique taboue, considérée comme un instrument d’exploitation des femmes. Cette loi permet en effet à un homme de contracter sans limites des mariages temporaires d’une durée d’une heure à plusieurs années.

C’est pour cette raison que Nahid et Massoud, soucieux du regard des autres, se cachent de ce mariage temporaire qu’ils font passer pour définitif. Lors des cent dernières années, le monde a connu des mutations structurelles et l’Iran n’y a pas échappé. Voyant la société traditionnelle se moderniser, l’Iran vit une phase de transition. Mais les lois, parce qu’elles sont figées, marquent un décalage avec la réalité de la société qu’elles réglementent. Cela provoque une confrontation entre les classes sociales, entre les ethnies, entre les sexes, qui deviennent malgré eux des adversaires. Dans ce film, l’ex-mari de Nahid, malgré toutes ses faiblesses, est un homme pour qui l’on ressent de l’empathie. C’est la loi qui a semé la zizanie entre ces deux individus. Comme dans beaucoup de tragédies modernes, l’anti-héros est la société, ici les individus sont innocents. Mais ce qui reste différent, c’est la conclusion finale. Nous n’assistons pas à l’échec et au déclin de l’héroïne. À la fin du film, Nahid entreprend un autre combat, sans penser aux conséquences de son acte.

La méthode de travail

Mon entrée en cinéma s’est faite lorsque j’étais étudiante en Théâtre et Cinéma à l’Université des Arts de Téhéran et que j’ai commencé à tourner des courts-métrages en 16 mm. J’étais fascinée par la dimension visuelle du cinéma. J’aspirais à pouvoir palper la pellicule et percer le secret des éclairages magnifiques des films de Tarkovski ou de Bergman. C’est pourquoi j’ai choisi en Licence de me spécialiser en Image. Puis, j’ai étudié les aspects narratif et théorique du cinéma en Maîtrise. Nahid est à la croisée des deux phases de mon apprentissage académique et de mon expérience (à travers les courts-métrages, les documentaires et les films télévisés que j’ai réalisés).

En tant que cinéaste, mon souci majeur est toujours de trouver la forme visuelle adéquate au récit de mon film. Dès l’écriture de Nahid, je savais que le tournage aurait lieu à l’automne. L’atmosphère grise et nuageuse de la ville reflétait en effet très bien l’état intérieur des personnages, notamment de l’héroïne principale et cela enrichissait la texture visuelle du film. Les couleurs des costumes et des éléments du décor ont dû être soigneusement contrôlés afin de rester dans des tons froids et neutres permettant de faire ressortir le rouge, à la portée symbolique, d’un des éléments du récit.

Chacun des personnages, en fonction de sa personnalité, de sa façon d’être et de penser, nécessitait un style visuel propre. Le contraste entre leurs intérieurs chaleureux ou froids permettait de les caractériser. Par ailleurs, la vie tumultueuse de Nahid ne pouvait pas être filmée d’une façon unique, en plan fixe, en caméra portée ou en travelling. Il fallait au contraire une combinaison de ces styles pour rendre compte de cette atmosphère tendue. Je dois préciser que mon objectif n’était en aucun cas de faire un film purement réaliste. Je tenais à ce que le réalisme présent dans le film soit accompagné d’une poésie latente et de touches de violence transparaissant à travers la mise en scène, certains objets, la musique, les mains de Nahid, les couleurs ou encore le son. Dès la phase d’écriture, j’étais convaincue que même si cette poésie n’était pas explicite, elle serait tout de même perçue par le spectateur.

Notes de production

 

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