Carre 35

 

Carré 35

Carré  35 est une histoire insensée, renfermant des morts cachés, comme dans une série noire.  Il y ressemble, d’ailleurs. Le privé, ce pourrait être Eric Caravaca, enquêtant sur sa propre famille et sur lui-même. A quand remonte le jour ou il a appris l’ existence de sa sœur ainée, morte à 3 ans, avant la naissance de son frère et la sienne ? C’était sans doute chez ses oncles et tantes espagnols, mais il ne saurait le dire avec exactitude, on parlait d’ elle trop vaguement. Aucune photo de cette fillette n’ existe, comme si on avait voulu tout effacer. Pourquoi ? Mais Christine est enterrée au Carré 35, la partie française du cimetière de Casablanca. L’ acteur-réalisateur se met à  enquêter. Il se rend sur place, au Maroc, recherche dans les films de famille, les pièces d’état civil, pour savoir si ce qu’on lui dit est vrai. Il interroge ses proches en tête à  tête. Son frère, puis son père. Enfin, sa mère. Une femme altière, ayant gardé une part de cette beauté qui Éclate dans les images aux couleurs pastel du super-8, au temps béni des jours heureux, lors de son mariage ou sur une plage. C’est elle qu’on entend le plus. Mais elle esquive, escamote. Son fils insiste, elle contrôle. C’est elle qui le tient. On a rarement vu  à l’écran le déni aussi bien saisi, capté dans la continuité.

La vérité, Eric Caravaca la traque ailleurs, en mettant au jour d’autres fardeaux, ou la petite histoire croise la grande. Il est question de la colonisation, du Maroc, de la guerre d’Algérie : épisodes honteux, enfouis eux aussi, liés aux crimes des soldats français, que des images d’archives viennent rappeler. C’est la force de Carré 35 que de mettre en parallèle des événements très personnels et la mémoire collective. De voyager à travers le temps et les pays, pour rejoindre certains lieux magnétiques, comme cette maison dite de « l’Oasis » à  Casablanca, qui semble receler une part du secret familial.

Carré 35 est un film habité. Hanté, même. Qui ose la transgression  lorsque le cinéaste filme la dépouille de son père, mort durant le tournage. Mais ou dominent, malgré© tout, douceur, rigueur, élégance. Chaque mot est pesé, chaque note de musique (de Florent Marchet), pensée. Rien en trop. Pas de déballage de linge sale : Eric Caravaca ne règle pas ses comptes. Il ne veut pas la guerre, mais plutôt une forme de paix. De recueillement. Celui-là  même qu’il instaure en érigeant une sorte de tombeau à  sa grande petite sœur. Sans se cantonner à  l’obscurité. Au contraire, il tend vers la lumière et atteint, un jour de plein soleil ou réconciliation et réparation ne font plus qu’un.

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